Cette fois, il n’est pas question de voyager dans l’espace pour sauver l’humanité, ou de préparer la défense de la terre contre Galactus. Le récit tout entier se nourrit de l’aspect intimiste qui définit cette famille extraordinaire. Car à la manière des X-men (certaines de leurs incarnations du moins) les 4 fantastiques sont plus une famille qu’une équipe. Un constat qui n’a pas échappé à l’auteur écossais et prolifique Grant Morrison. Le premier épisode nous montre un Ben Grimm (AKA la chose) dans un état d’esprit qui n’est pas sans rappeler Bruce Wayne lorsqu’il effectue sa visite annuelle de crime alley. Espérant opérer un retour au source, le héros à l’allure monstrueuse se rend dans le quartier de son enfance, et, en voulant aider à sa manière un peu bourrue les autorités, va s’attirer les foudres la population.
Si l’équipe a toujours été considérée comme plus ou moins populaire auprès de la population, la chose a toujours été le vilain petit canard du groupe. Au-delà de son apparence, c’est son côté cynique et ses manières un peu rustique qui ne lui ont jamais permis d’aspirer à la popularité du charmeur Johnny Storm ou du brillant Reed Richards. Cette entrée en matière, mélange de mélancolie, de rancœur et de solitude est illustré avec efficacité par Jae Lee. Le dessinateur est parfait pour retranscrire les atmosphères sombres, voire sinistres. Le côté statique de ses dessins illustre très bien l’inertie de personnage écrasés par leur sort, en particulier lorsqu’il s’agit de montrer la chose avec le moral dans les chaussettes (du moins s’il en portait).
Chaque épisode étant dédié à l’un des personnages, l’ambiance va être radicalement différente par la suite. Finies les cadres horrifiques mais réalistes, même si la mélancolie est encore très présente. Et si Reed Richards ne sera que peu présent jusqu’au dernier épisode, les autres personnages apparaissent régulièrement, même si leur arc narratif est défini principalement par un épisode. Le côté cinématographique appuyé va prendre une tournure différente, avec un découpage plus proche des standards actuels de série tv. Une discussion entre Sue et Alicia Masters sera notamment ponctuée de gros plans détaillant l’évolution des actions. Et si les problèmes que rencontrent les protagonistes sont très humains, c’est aussi parce que les petites touches d’humour viennent dédramatiser un ensemble qui pourrait rapidement virer au mélodrame de soap opéra.
Thématiquement, le récit est donc très riche, mettant en perspective les actes « héroïques » de nos protagonistes par le biais d’un antagoniste qui pourrait être davantage que victime qu’on pourrait le croire. Ce discours à la limite du nihilisme apporte beaucoup de profondeurs aux actes des personnages, et on comprend que chacun a des motivations aussi uniques que crédibles. 1234 est davantage une introspection, voire une psychothérapie familiale qu’un récit d’action. Certaines idées sont non seulement brillantes, mais illustrées avec beaucoup d’audace et d’efficacité, comme la prise de conscience de Ben Grimm, au découpage frénétique, qui donne une impression de relief puissante, et où la notion de combat prend un sens tout à fait différent de ce qu’on s’attendrait à voir. La claustrophobie générale et la non vie que l’on ressent parfois sont également contrebalancées par des sursauts de volonté et quelques retournements de situation justifiés par un emploi très cohérent des seconds rôles.
Quand vient enfin l’heure des règlements de comptes, et que le grand héros, le génie Reed Richards daigne enfin se montrer, le suspense est à son comble. Est-il suffisamment intelligent pour imaginer, dans le peu de temps à sa disposition, un plan lui permettant de sauver sa famille en pleine déliquescence ? Et le héros en est-il vraiment un ? Le récit nous fait douter avec maestria, et les suggestions qui sont faites apportent une épaisseur bienvenue aux personnages.
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