samedi 20 novembre 2010

Spider-Man Shattered Dimensions - version wii


Les super-héros et les jeux vidéo, c’est une longue histoire. L’homme araignée comptabilise à lui seul pas loin de vingt adaptations, tous supports de jeu confondus, de ses aventures. Le passage à la 3D a donné lieu à un premier jeu très réussi, puis avec l’arrivée des xbox et ps2, la série a pris un tournant décisif : C’est dans des gta-like que le joueur aurait la possibilité de se balader au bout d’une toile pour explorer Manhattan de long en large. Si « Spider-man 2 », qui reprenait dans les grandes lignes l’histoire du film éponyme se révélait assez convaincant et plutôt fun, les opus suivants ont été réalisés en hâte, de manière à capitaliser sur une recette qui semblait avoir fait ses preuves. Mais même si on a toujours plaisir à survoler la grosse pomme, il faut bien avouer que « Spider-man 3 » et « Spider-Man : Le Règne Des Ombres » laissait un goût amer, à cause d’une réalisation approximative, et même de graphismes franchement datés. Si les adaptations des films bénéficiaient de la voix du doubleur français de Tobey Maguire, « Le Règne Des Ombres » présentait un doublage tout simplement scandaleux, dont l’objectif semblait être de ridiculiser les joueurs. Après le succès éclatant de « Batman : Arkham Asylum », il semblait difficile de livrer un autre gta-like formaté et bâclé. L’annonce du projet « Spider-Man : Shattered Dimensions » semblait témoigner d’une volonté réelle d’offrir une expérience de jeu digne de ce nom.

Le marketing intelligent du jeu a su mettre en valeur la variété des environnements, ne révélant les fameuses dimensions dont le titre fait mention que progressivement. Personne n’a été surpris de retrouver au casting celui que les concepteurs appellent Amazing Spider-Man, soit la version classique du personnage, connue de tous. Le choix d’ajouter la version ultimate du héros paraissait par contre peu pertinent. Lancée en 2000, la ligne ultimate avait pour but de livrer une vision plus moderne des héros marvel, en réécrivant leurs origines de nos jours, avec toutes les conséquences que cela implique. Fini la continuité, on retrouve la plupart des personnages, mais les événements ne sont pas les mêmes. Pas tout à fait du moins. Reste que l’univers reste très semblable, alors où pourrait donc se situer la différence dans le jeu ?

Ce sont les deux autres dimensions qui justifient réellement qu’on s’intéresse à ce « Spider-Man Shattered Dimensions ». Pour ceux qui ne connaitraient pas encore Spider-Man 2099, cet article devrait vous renseigner un peu : http://histoires2comics.blogspot.com/2010/09/spider-man-2099.html. Personnage phare de la défunte ligne 2099, Miguel O’Hara n’est pas une autre version de Peter Parker, mais bien un personnage différent. Si les joueurs des premières aventures en 3d du héros ont eu l’occasion de porter le costume de Spidey 2099, c’est la première fois qu’on a réellement l’occasion d’incarner le héros, et surtout de découvrir son époque. Enfin, en 2009, Marvel a expérimenté la ligne « noir », qui raconte les aventures de ses héros dans un contexte de film noir, l’homme-araignée ayant même eu droit à deux histoires. On retrouve donc Peter Parker, héros évoluant dans le new york des années 30.


Fini donc les balades effrénées de building en building, et place aux niveaux linéaires. Le jeu a été adapté sur la majorité des plateformes, et c’est la version wii qui sert de base à cet avis. Dès la cinématique d’introduction, on comprend que le ton ne sera pas sombre et adulte, comme dans « Batman : Arkham Asylum ». Au contraire, c’est un narrateur qui aurait raconté de façon convaincante les aventures des héros marvel dans les années 60 qui nous explique de façon très conviviale le conflit inter-dimensionnel qui justifie la présence des 4 « versions différentes » de l’homme araignée (mais n’oublions pas qu’en vérité, seules 3 d’entres elles sont Peter Parker). Visuellement, les scènes cinématiques bénéficient d’un rendu visuel toujours en lien avec la dimension impliquée, et la réussite esthétique ne se dément jamais. L’action et l’humour y sont présents, le tout est très dynamique et donne le ton. Bien sûr, le scénario est des plus basiques, et fleure bon justement, les histoires en un ou deux épisodes des débuts de la maison des idées. Mais il est suffisant pour lier les niveaux entre eux. Et à y réfléchir, Paul Dini ne s’était pas beaucoup plus fatigué pour « Batman : Arkham Asylum ». Les dialogues sont par contre plutôt réussis. Ils manquent de finesse, mais atteignent leur but : faire rire. Car s’il y a bien une caractéristique qui n’a jamais quitté le héros au fil des décennies, c’est son humour presque à toute épreuve. Mais surtout, le 2nd degré ne diminue jamais l’intensité dramatique des scènes plus sombres, l’univers noir étant tout de même plus violent que les autres. Passé un premier niveau qui sert de tutoriel et mêle les 4 dimensions, le joueur aura le choix, jusqu’au dernier chapitre, de l’ordre dans lequel il lance dans l’aventure. L’ensemble est en effet constitué de 3 actes, découpés en 4 niveaux, un pour chaque dimension. Il faut bien sûr conclure toutes les dimensions avant de passer à l’acte suivant.

Ce parti-pris donne un rythme très satisfaisant au jeu, mais imparfait. La diversité est vraiment au rendez-vous, et l’action omniprésente, mais certains niveaux sont un peu longs. Le schéma est toujours le même : rencontre avec le boss, affrontements avec des sous-fifres, deuxième rencontre, puis duel final, pour une durée moyenne de 45 minutes (en mode difficile). La rencontre avec le fléau ne dure par contre qu’une petite demi-heure. On rencontrera également Kraven le chasseur et l’homme sable pour la dimension Amazing, Electro, Deadpool et Carnage pour Ultimate. Les univers 2099 et noir font l’objet de choix surprenant, puisqu’ils rencontreront des personnages qu’ils n’ont pas affrontés dans les pages de leurs comics. Ainsi découvrira-t-on Hammerhead noir, ou Lady Octopus 2099. Les affrontements sont plutôt bien faits, chaque boss ne peut être battu qu’en adoptant une stratégie unique, et le côté poursuite dans tout le niveau donne une intensité indéniable, en particulier lorsque Spider-man 2099 poursuit le bouffon 2099. Comme on pouvait le prévoir, les dimensions amazing et ultimate sont très semblables, trop même. A part la voix de Peter, et sa façon de s’exprimer, on ne trouve que peu de différences, les niveaux se ressemblent, et esthétiquement, le traitement est très proche, à base de cell shading très réussi, qui permet aux joueurs de la wii de s’amuser dans l’un des jeux les plus beaux de la console.


 Et cette réussite esthétique ne se dément jamais, d’autant plus que les deux autres héros évoluent dans des univers au rendu visuel très différent. Spider-Man noir se déplace entre des buildings noirs, très noirs. On pense d’abord à Sin City, puis au jeu exclusif à la console de Nintendo « Mad World » (les geysers de sang et les éclats de jaune en moins). Ce parti-pris visuel est non seulement d’une grande beauté, mais il s’inscrit logiquement dans l’ambiance sombre de l’histoire, et même dans les choix de gamplay. En effet, hors de question ici de sauter sur tout ce qui bouge, il faut au contraire se cacher dans l’ombre et surprendre ses adversaires comme dans les meilleurs jeux d’infiltration. Ces phases sont donc originales et prenantes, même si elles ne sont pas dénuées de défaut. Un garde ne réagira par exemple pas en voyant un de ses collègues s’envoler attaché à une toile. Ces niveaux restent les plus réussis du jeu, non seulement parce qu’ils sont un délice visuel de tous les instants, mais parce qu’ils représentent un aspect totalement inédit du personnage dans les adaptations vidéo ludiques de ses aventures.


Ce sont ensuite les aventures de Miguel O’Hara qui vont réjouir le fan. Voitures volantes, équipements high-tech, on est bien dans le futur, il n’y a aucun doute. On regrettera que cette dimension soit moins flamboyante esthétiquement, en particulier lorsqu’on compare au rendu des consoles next-gen. On remarque également rapidement que ce n’est pas tout à fait l’univers 2099 tel qu’on l’a découvert pour la première fois en 1992 qui nous est présenté. Si Miguel est bien l’adulte cynique de l’époque, mais la ville a l’esthétique plus futuriste et moins intéressante du crossover censé relancer la ligne « TimeStorm 2099 » (une relance insipide et sans intérêt qui fera l’objet d’un prochain article). Ce mélange se retrouve dans le traitement appliqué à Kron Stone. Alors que dans le comics original, il devenait Venom 2099, l’un des adversaires les plus inquiétants du héros (comme dans la mouture originale) qui en veut personnellement à Miguel, ici, comme dans « Timestorm 2099 », il se transforme en scorpion 2099, adversaire moins impressionnant physiquement, et nettement moins inquiétant. On s’étonnera encore plus d’affronter une lady octopus 2099, qui n’existe dans aucune aventure du personnage, alors que Spidey 2099 a un panel d’adversaires vraiment intéressants. Ces légères déceptions n’ont néanmoins pas d’incidence sur le plaisir évident. L’atmosphère futuriste est très bien rendue, et les poursuites sont frénétiques, comme ces chutes libres durant lesquelles on tente de rattraper des adversaires aériens.


Si ces deux dimensions resteront bien plus en mémoire que les autres, chasser Kraven dans la jungle est un vrai bonheur. L’ambiance ultimate est par contre moins réussie, et ces niveaux rappellent trop la dimension amazing pour réellement laisser un souvenir. Mais le dynamisme de l’ensemble suffit à offrir une expérience de jeu excellente, courte (10 heures maximum), mais au potentiel de rejouabilité très important, ne serait-ce que pour remporter les défis qui ponctuent chaque niveau. Le final réunit efficacement nos 4 héros, alors qu’on pouvait craindre que le spider-man classique se réserve le gros morceau. La construction de ce climax rappelle d’ailleurs l’inoubliable et interdit « Sanitarium » (un des premiers jeux dont le scénario était digne des meilleurs films fantastiques), qui voyait son final donner la possibilité au joueur d’incarner toutes les facettes du héros pour accomplir sa destinée. Ce dernier baroud d’honneur permet de dire au revoir à ces hommes araignées, qu’on n’aura peut être pas le plaisir de tous réincarner dans un jeu vidéo, à moins que le succès de cet opus ne convainc les éditeurs de réexploiter le potentiel des univers noir et 2099.


« Spider-Man : shattered Dimensions » est un jeu très réussi, qui marque une rupture avec les recettes toutes faites et bénéficie d’une véritable identité. On prend beaucoup de plaisir, et Miguel O’Hara se voit enfin offrir la publicité qu’il mérite ! Tous les fans devraient se jeter sur l’occasion !

mercredi 17 novembre 2010

Silent Hill 2

Dès la sortie de son film "Silent Hill", le réalisateur Christophe Gans avait annoncé qu'il prévoyait une suite. Le projet a été gelé un moment, mais on vient d'apprendre que Michael J. Basset, responsable entre autre du très sympathique film d'horreur "La Tranchée" (avec Jamie Bell, acteur de Billy Elliot et interprète du futur Tintin), et de l'adaptation de "Solomon Kane". Habitué aux ambiances surnaturelles, et s'appliquant à travailler ses personnages, Basset semble un choix pertinent. Reste à voir comment il va adapter le scénario du jeu "Silent Hill 3" avec les éléments d'intrigue laissés en suspens ) la fin du premier film. L'artiste explique que comme Christophe Gans, il tient à conserver l'ambiance et le design des jeux, ce qui est déjà une bonne nouvelle. Il insiste également sur sa volonté de faire un film réellement effrayant, ce qui faisait défaut au premier opus d'ailleurs, et son parti-pris est de développer ses personnages autant que possible, indispensable pour un Silent Hill. Cette annonce d'un deuxième filmn prévu pour 2011, est donc l'occasion idéale pour rédiger un avis sur le deuxième jeu de la saga!

2 ans et une génération de console plus tard, ce sont les modalités nécessaires pour donner une suite au hit de konami sorti en 1999 sur playstation. Encore que suite ne soit pas le terme approprié, puisqu’on ne retrouve aucun des protagonistes du premier jeu. Tous les opus ne sont pas indépendants, d’ailleurs les références sont nombreuses dans la saga, mais s’il y a bien un personnage récurrent, c’est bien la ville en elle-même (alors qu’on ne s’y rend pas réellement dans « Silent Hill 4 : The Room »). Graphiquement, « silent Hill 2 » est inévitablement plus impressionnant que son ainé, quelque soit le support de jeu. On se sent davantage en terrain connu dans ce lieu qu’on a visité de long en large quelques années auparavant, pourtant, la situation d’être perdu est toujours présente.




Nouveau protagoniste, nouvelle histoire, mais l’ambiance est tout à fait dans l’esprit de ce qu’avait initié le premier jeu. Il est une fois de plus question de retrouver un être cher. Notre héros, James Sunderland a en effet reçu une lettre de son épouse qui lui demande de la retrouver à Silent Hill. Rien qui sorte de l’ordinaire… si l’aimée Mary n’était pas décédée trois ans auparavant. Intrigué, conscient qu’il est impossible qu’elle lui ait écrit, tout en étant persuadé qu’elle est l’auteur du courrier, James va s’enfoncer dans l’inquiétant brouillard de Silent Hill, à la recherche d’une vérité qui ne se dévoilera que dans la douleur.

Car comme tout épisode de la saga, ce deuxième opus est construit autour d’une intrigue dont l’émotion est la colonne vertébrale. Véritable plongée dans les regrets et les remords, le récit est plus symbolique que linéaire. Quelle que soit la conclusion que l’on obtiendra, il ne faudra pas s’attendre à pouvoir interpréter clairement les événements. Pour commencer, on sera amené à croiser d’autres individus en quête d’identité, de souvenirs, de vérité, et tant leur quête que leur existence peut être discutée. Le director’s cut offre notamment la possibilité d’interpréter Maria, jeune femme que l’on croisera à plusieurs reprises dans la quête principale. Ce mini scénario ne donnera pas beaucoup plus de clés, mais permettra d’approfondir certains questions, voire d’en développer de nouvelles, tout en donnant l’opportunité de passer une petite heure de plus dans de sinistres décors, hantés par des émotions encore vives.




Visuellement, le jeu ne possède pas l’éclat d’un troisième épisode qui vieillit extrêmement bien. Pourtant, l’aspect esthétique est suffisamment réussi pour qu’on se sente plongé dans cette visite fantasmagorique. Le brouillard est très présent et permet à certaines créatures de se tapir sans qu’on se sente étouffé comme dans le troisième jeu. L’accent est d’ailleurs nettement moins mis sur l’action que dans ce dernier. Ce n’est pas tant la fuite face aux créatures qui compte que la fuite en avant dans des lieux dénués de vie et pourtant si vivants. Malgré leur abandon manifeste, la mélancolie qui les habite ne trahit jamais la vie perdue, la vie volée, comme la découverte d’un cadavre mutilé dans son fauteuil. L’horreur est omniprésente, mais jamais gratuite, et jamais aussi effrayante que lorsqu’elle s’exprime dans un registre réaliste.




Car ce qui fait peur, c’est bien le poids des non-dits, des secrets. Bien sûr, on sursaute parfois en entendant un bruit étrange, en voyant une créature surgir, mais ces éléments de surprise sont éphémères, alors que la qualité de l’histoire pèse encore longtemps après avoir terminé le jeu. L’ensemble de l’intrigue n’est peut être pas aussi recherché qu’on pourrait le croire, certains éléments mériteraient largement d’être davantage développés, mais l’idée générale et la conclusion font de « Silent Hill 2 » une expérience intense et éprouvante, pleine de pudeur et de sensibilité. Les personnages sont touchants, car leurs problèmes sont crédibles, et parlent au joueur. Voyage psychologique, le jeu bénéficie d’un symbolisme très appuyé, et exploité avec beaucoup d’imagination, comme en témoigne l’apparition du personnage le plus apprécie de la série, le terrorisant pyramid head, dont les origines sont bien plus complexes qu’on pourrait le croire. Une référence à Walter Sullivan, personnage mystérieux au centre de « Silent Hill 4 : The Room » est non seulement appréciable (difficile de savoir si les scénaristes avaient déjà prévu d’exploiter ce personnage dans un nouveau jeu), mais montre aussi que l’histoire de Pyramid Head ne peut se résumer à sa seule poursuite de James Sunderland.Car si l’action n’est pas omniprésente, on a droit à quelques scènes d’anthologie, en particulier une poursuite dans un couloir aussi tortueux qu’étroit.



Relativement court, « Silent Hill 2 » est un jeu qu’on recommence avec plaisir, pour découvrir d’autres fins et apporter un éclairage nouveau au destin de James. A ce titre, les fins multiples ne changent pas le regard que l’on portera sur l’histoire ni sa compréhension, mais proposent des issues différentes. Dans tous les cas, l’émotion est au rendez-vous, et la qualité de l’écriture ne se dément jamais.

Si « Silent Hill 2 » est considéré par beaucoup de fans comme le meilleur épisode de la série, c’est justement grâce à ses qualités d’écriture, à son atmosphère mélancolique, et à son émotion réelle. Une réussite qui hante, longtemps apèsl'voir terminée, dont seul les graphismes vieillissent, et une expérience à vivre à tout prix.

lundi 15 novembre 2010

Dc universe halloween special 2010

Si fêter les morts est une tradition que l’on trouve dans un grand nombre de cultures, les modalités de cette célébration ne sont pas toujours les mêmes. Bien que nous fêtions la toussaint, Halloween n’a jamais connu chez nous le succès que cette fête rencontre dans les pays anglo-saxons, et plus particulièrement aux Etats-Unis. Ce constat s’explique certainement par l’origine historique de cet événement. Si on découpe le nom d’Halloween, on obtient « All Hallows Eve », c'est-à-dire « le soir de tous les saints ». Pourtant, le symbole le plus récurrent est la citrouille, et ce sont bien les zombies, les vampires et autres créatures monstrueuses qui peuplent les rues le soir du 31 octobre.

De nombreux films et séries ont pris pour contexte cette date si particulière, et en 2007, Dc Comics a lancé l’idée d’un épisode spécial, mettant en scène ses personnages les plus célèbres dans de courtes histoires mêlant surnaturel, héroïsme et folklore. Le succès aidant, les lecteurs ont eu droit à un épisode spécial chaque année depuis, à la manière du Simpson Horror Show, épisode horrifique présent dans chaque saison.


 Bien sûr, il est inutile d’attendre une résonnance avec la continuité du moment, le but est de divertir dans un style qui n’est pas sans rappeler les « Contes De La Crypte ». C’est l’homme chauve-souris qui ouvre le bal dans un véritable conte aux couleurs pastelles du plus bel effet. On est immédiatement séduit par l’atmosphère graphique, très travaillée. Plusieurs versions du chevalier noir taquinent Jonathan Crane, l’épouvantail, attaché à une chaise. Ainsi, le Batman de « The Dark Knight » donne-t-il la réplique à celui de « The Brave and The Bold ». Les couleurs, chaudes, privilégient l’orange et le bleu pour un résultat qui illustre parfaitement l’insouciance, la gaieté et les joies simples des jeux d’enfants, s’amusant à interpréter leur héros. Au-delà de la situation cocasse (un criminel qui a fait de la peur son arme de prédilection maintenu en détention par trois enfants), ce sont les dialogues, bourrés d’humour qui font de cette première histoire un vrai plaisir. L’auteur prend même la peine de faire référence à l’épisode spécial Halloween de 2009.

Mais c’est surtout une facette peu exploitée du chevalier noir qu’on retrouve avec plaisir. Dernièrement, David Finch, plus connu pour ses talents de dessinateur, confiait à propos de son futur « Batman : The Dark Knight », qu’il souhaitait revenir à une vision plus haineuse et vengeresse du héros, toujours habité par la mort tragique de ses parents. En somme, l’auteur se propose de nous ressortir le Batman version Frank Miller du placard. Pour beaucoup de lecteurs et d’artistes, le héros semble avoir été créé dans les pages de « Batman Year One ». Et même si cette histoire a redéfini les bases modernes du mythe, le croisé masqué était déjà vieux de 46 ans d’histoires avant que Miller ne le reprenne en main. De plus, après les épreuves qu’a traversé le personnage ces dernières années, refaire de lui un sociopathe en puissance, souvent plus proche de la caricature (comme l’a prouvé Miller justement dans ses crossovers Batman/Spawn et son « All Star Batman And Robin ») que du personnage écrit, constitue, à mon sens une régression. Bruce Wayne est un adulte qui a eu à sa charge plusieurs adolescents et les a guidés. Il a bien sûr commis des erreurs, mais ces rencontres lui ont permis de canaliser sa rage, de se recentrer sur son objectif et de développer son humanité. Dernièrement, Grant Morrison a mis en valeur l’apprentissage zen du héros, et sa recherche de spiritualité, afin d’être en paix avec ses démons, et de « renaître » en quelque sorte.



L’ensemble du run de l’artiste écossais depuis « Batman And Son » illustre justement l’évolution psychologique d’un personnage, qui est à présent capable de se remettre en question afin de développer son potentiel, mais aussi celui des membres de sa « famille », qu’il a bien l’intention de ne plus traiter comme de simples alliés. Refaire de lui un solitaire qui agit seul, sous l’impulsion de la colère ne semble donc pas en phase avec le personnage tel qu’il nous est présenté actuellement. Dans l’épisode 78 du dessin animé de « La Ligue des Justiciers », intitulé « Epilogue », Terry Mcginnis, le batman du futur, est confronté au vrai visage de Bruce Wayne. Tout d’abord présenté comme un vieillard intransigeant et égoïste, n’ayant à cœur que sa mission et n’ayant aucun respect pour ses proches, ce dernier va être montré sous son véritable jour le temps de quelques anecdotes aussi pudiques que touchantes. Les auteurs ont eu à cœur de rappeler que la mission de Batman n’est pas de se venger, mais de se soucier avec humanité de ceux qui souffrent et de les protéger dans le respect de la dignité. Cet aspect n’est pas toujours mis en valeur malheureusement. Mais dans cette petite histoire d’Halloween, le temps d’un sourire, le temps d’un bonbon, le héros cesse d’être la terreur de la nuit, et montre un visage humain à des enfants, en leur apprenant le respect, même de criminels comme l’épouvantail.

Moins axée sur le développement des personnages, la seconde histoire met en scène Dick Grayson et Damian Wayne, les Batman et Robin actuels, dans une chasse aux vampires au fond d’un tombeau. L’accent est mis sur l’action, et le faible nombre de pages ne permet pas de développer une intrigue sans grand intérêt. On ne s’ennuie pas, puisque les événements s’enchaînent sans temps morts, mais on assiste à rien de réellement marquant. L’écriture n’est pas de la même qualité que dans la première histoire où un simple dessin exprimait tant de choses. Graphiquement, le style est d’ailleurs bien plus classique, typique du comic tel qu’on en trouve des dizaines chaque semaine.


Visuellement, les choses ne vont pas s’arranger dans une histoire mettant en scène le flash le plus célèbre, Barry Allen, revenu d’entre les morts dans « Final Crisis » et la créature de Frankenstein, une fois de plus appelée elle-même Frankenstein. Malgré le faible nombre de pages, l’histoire est intense et se paie même le luxe de surprendre le lecteur. L’humour est une fois de plus présent, et le twist final est tout à fait dans l’esprit des séries TV d’horreur comme « Les Maîtres de L’Horreur » ou « Fear Itself ».

C’est ensuite la rencontre entre Dead Man et Wonder-Woman au milieu d’un rituel censé faire acquérir les pouvoirs d’un dieu à Felix Faust qui nous est contée. Si l’action est au premier plan, les personnages restent bien écrits, et la conclusion est touchante. Dead Man est émouvant dans cet épisode, sa solitude pesante est compréhensible et on a plaisir à le voir rencontrer un happy end.

Les teen titans vont à leur tour faire preuve d’humanité dans un récit plutôt anecdotique, mettant l’accent sur la tolérance, et même l’acceptation de l’autre dans sa différence. Le final avec superman reste malgré tout plus intéressant. Il remet en perspective tant le regard qu’ont les enfants sur superman que la relation qui unit l’homme d’acier à certains de ses alliés ou amis. La complémentarité en Clark Kent et Bruce Wayne est particulièrement bien mise en valeur, et la sensibilité du héros est exploitée avec beaucoup de finesse, avant de conclure cet épisode spécial sur un conseil plein d’espoir « ne laissez jamais la peur vous guider les enfants. »

Le format ne permet pas réellement aux scénaristes de s’appesantir sur des histoires complexes, mais il y a une véritable unité d’ensemble, grâce à l’humour et l’humanité qui caractérisent ces histoires tout à fait dans le ton. Une façon tout à fait appropriée et agréable de se plonger dans l’ambiance de cette fête si particulière.

mardi 9 novembre 2010

Dream Home, le slasher made in hong Kong

“Dream Home” n’est ni un comics, ni un film de zombies. Mais il constitue LA surprise de la production cinématographique 2010, le film qui redonne espoir, et à ce titre, j’ai décidé de poster ma critique rédigée sur http://www.hkcinemagic.com/ sur mon blog.



Quand on parle d’accouchement, on pense à des cris, de la douleur, de la joie, un tumulte d’émotions fortes en somme. On sait aussi que l'accouchement déroule en trois étapes. D’abord, les contractions de l'utérus, avec lubrification du canal cervical par le liquide amniotique, facilitant le passage de la tête du foetus. Ensuite, grosso modo tout se contracte pour faciliter l'expulsion du foetus par le vagin. Le bébé est en train de naître, mais le foetus est encore relié à la mère par le cordon ombilical. Finalement, vient l’ultime étape, la délivrance. Edmond Pang Ho Cheung n’est pas une femme, mais on peut dire qu’il a connu les souffrances d’un accouchement avant de connaître la délivrance en voyant son bébé découvrir le monde. S’imposant comme l’un des artistes les plus surprenants de l’ex colonie, c’est d’abord en tant qu’écrivain qu’il s’est fait connaître en écrivant ce qui servira de base au scénario du film FullTime Killer de Johnnie To. Il passera lui-même à la mise en scène dès 2001 avec You Shoot, I Shoot. Mais ses racines d’écrivain resteront indissociables de son travail derrière la caméra. Au-delà de l’originalité de ses films, on retiendra une identité stylistique très forte, et un sens aiguisé de l’écriture, ce qui lui permet de livrer des films bien écrits, sans que ses scénarios ne soient gratuitement compliqués. Mais de Men Suddenly In Black à Trivial Matters en passant par Beyond Our Ken, il est évident que Cheung sait raconter une histoire, tout en installant une ambiance, et surtout en permettant au spectateur de s’attacher à des protagonistes profondément humains, car loin du manichéisme qui hante nombre de productions récentes.




Le projet Dream Home fut annoncé comme le premier slasher made in HK, et l’auteur insistait dans sa promotion sur le gore très prononcé de son œuvre. C’était aussi l’occasion pour l’actrice Josie Ho, star du film, de créer l’événement autour de sa toute nouvelle société de production, 852 films. Prévu pour une sortie en 2009, ce n’est finalement que récemment que les spectateurs ont eu l’occasion de découvrir le film, suite à un différent entre la productrice et le réalisateur, concernant la violence dans le film. Mais au-delà de cette histoire mouvementée, et de l’argument graphique, c’est le contexte social fort qui surprend et interpelle. On n’avait pas vu de scénario avec un tel mordant et un message aussi puissant des années dans un film de Hong Kong. Dès le pré-générique, on comprend que la conjoncture n’est pas une simple introduction à l’histoire, mais qu’elle en constitue le cœur. Et l’auteur s’emploie à nous faire vivre la gravité de la situation, en présentant des chiffres dramatiques sur le salaire moyen de la population et les prix démesurés de l’immobilier.



On nous parle de folie, sur fond de musique angoissante, avant de nous confronter presque immédiatement à un premier meurtre d’une grande violence. Wong Ching, vétéran de la Shaw Brothers, y joue les figurants malchanceux. Cette introduction musclée pose les bases de la mise en scène : Pang n’a pas peur d’alterner montage dynamique et plans brefs avec des plans séquences qui rendent la sécheresse des scènes encore plus choquantes. On nous avait promis du sang, et on ne nous a pas menti. Non seulement les maquillages sont très convaincants, loin des délires rouges fluo auxquels on a parfois droit dans les slashers, mais en plus la réalisation insiste bien sur les blessures, infligeant au spectateur la douleur de les contempler longuement. Les impacts sont d’un réalisme saisissant, et on a mal pour les personnages, à qui aucune douleur ne sera épargnée. Malgré le grand nombre de morts violentes, la variété est au rendez-vous, et on n’a jamais la sensation d’assister aux mêmes exécutions. Il faut dire que Dream Home est loin de n’être qu’un enchaînement de scènes de massacre et bénéficie d’un rythme savamment étudié.




La narration est fragmentée, alternant le présent, signalé par l’affichage numérique de l’heure à chaque nouvelle scène, et des flashbacks, justifiés par l’apport de détails logiques pour mieux cerner les choix du personnage et l’humaniser. L’auteur va même plus loin en plaçant des flashbacks dans les flashbacks, mais la maîtrise de la narration reste totale, le récit reste donc constamment compréhensible. Ce parti-pris rend l’ensemble surprenant, et Dream Home n’est pas un film dont on devine le déroulement. Bien sûr, on a rapidement une idée globale de la situation, mais alors qu’on pensait avoir percé à jour les motivations réelles de chacun, un nouveau souvenir ou un nouveau coup de théâtre viennent remettre en question notre appréhension de l’histoire. Pourtant, on n’a jamais la sensation d’être floué par les scénaristes, qui ont mis un point d’honneur à créer une histoire simple, mais crédible. Tout n’est cependant pas parfait, car sur la fin, la tentation de céder au grand guignol facile n’est pas évitée. Alors que la nuance était privilégiée jusque-là, le dernier tiers du film s’enfonce inexorablement dans le scabreux pas franchement utile. On a un peu la sensation que Pang se soumet à des quotas, comme lorsqu’il filme des scènes de sexe grindhouse dans l’âme et ajoute une bonne dose de vomi. Les circonstances mêmes de cette situation sont bien plus grandiloquentes que ce à quoi on a assisté auparavant, et la résolution n’a plus rien de réaliste. Difficile, dans ces conditions, de continuer à prendre au sérieux un film qui a tout mis en œuvre, pendant une heure, pour nous faire croire à ces personnages pathétiques, pour nous investir dans leur histoire, et nous permettre de ressentir leur détresse. Pourtant, on est plus partagé que complètement déçu. En effet, le propos perd en force ce qu’il gagne en ultra-violence outragère et hilarante. Le carnage est tellement brutal qu’on attend impatiemment la prochaine victime. La crédibilité n’est définitivement plus de mise, mais les affrontements restent très intenses, grâce aux chorégraphies d’un Chin Kar Lok très inspiré. A l’image du reste du film, on se dit que tout peut arriver.




Cette dernière partie tranche donc radicalement avec l’atmosphère teintée de mélancolie des deux premiers tiers. Cette ambiance de jungle urbaine est illustrée de façon très efficace par les véritables remparts que constituent les façades de buildings, dans des ruelles aussi sombres qu’étouffantes. On est plus proches des villes prisons désespérées d’un Brothers From Walled City ou Long Arm Of The Law que de la peinture glamour de Hong Kong dont Johnnie To s’est fait l’illustrateur le plus romantique. L’effrayante tranquillité de la caméra du réalisateur confère un caractère inéluctable à cette sensation d’enfermement, qui rend la quête obstinée de l’héroïne aussi futile que pathétique. Son parcours du combattant, entaché de cadavres, est mis en parallèle avec une enfance rythmée par les jeux avec un voisin, la découverte du monde violent des adultes, et la confrontation avec l’humanité d’un père loin de l’image héroïque qu’a pu véhiculer Norman Chu par le passé. L’acteur, dont la calvitie naissante sur le haut du crâne et des traits vieillissants créent une ressemblance saisissante avec Ti Lung, est d’une justesse incroyable. Il n’apparaît que peu, mais irradie la pellicule par sa présence. Tour à tour effrayant, touchant, et presque pitoyable, il incarne un père profondément humain, dépassé par une société où règnent l’individualisme et le profit, et qui ne sait plus comment sauver les siens. La mélancolie dans laquelle baigne l’histoire de cette famille ordinaire rend l’intrigue bien plus profonde et intéressante que les scénarios les plus complexes du monde. Tout est simple, mais surtout, tout est vrai, tout est juste. Le message politique est puissant, car il s’instille par petites touches dans le récit, et tout en étant l’un de ses éléments fondateurs, il ne prend jamais le pas sur les personnages.


L’interprétation n’est par contre par extraordinaire globalement. Seule Josie Ho bénéficie d’un temps de présence à l’écran significatif, et si elle joue son rôle avec conviction, elle ne témoigne pas de talents d’actrice époustouflants et ne crève jamais l’écran. Norman Chu est donc le seul acteur a réellement marqué le film de sa présence, et le faible nombre de ses scènes ne rend son destin que plus poignant. Les ruptures de ton nombreuses peuvent être déstabilisantes, mais Pang parvient à conserver une unité, si on lui pardonne l’écart du dernier tiers, qui vire au slasher facile mais jouissif. De ce point de vue, le film tient ses promesses, et c’est bien en tant que film social qu’il risque de décevoir. Le twist final, très bien amené, permet au réalisateur de nous rappeler que malgré un débordement un peu gratuit, il n’oublie jamais son histoire, ni ses personnages, et que c’est bien la qualité de l’écriture, et l’identité visuelle très forte qui font de Dream Home l’un des films les plus marquants de cette année 2010, redonnant réellement espoir au milieu d’un flot de productions paresseuses à l’écriture décevante et aux histoires peu prenantes.

Merci Edmond Pang Ho Cheung pour cette nouvelle œuvre personnelle, ambitieuse, non dénuée de défauts mais sincère et très prenante.


lundi 8 novembre 2010

Red Hood: The Lost Days

Jason Todd, c’est un peu l’ami de la famille dont on n’a pas eu de nouvelles depuis longtemps, et qui appelle quand on ne s’y attend pas. On est un peu gêné, car on ne sait pas trop comment réagir avec lui. Et effectivement, tant la bat-famille que les éditions Dc semblent avoir un peu de mal à savoir quoi faire de lui. Si Grant Morrison a construit un arc intéressant (mais pas dénué de moments hors personnage) et que Fabian Nicieza l’écrit bien, c’est réellement Judd Winnick qui s’est investi pour donner une légitimité à son retour (voir l’article sur le personnage : http://histoires2comics.blogspot.com/2010/07/la-tragedie-de-jason-todd.html). « Red Hood : The Lost Days » conte les événements se déroulant entre sa résurrection et sa réapparition dans « Batman Hush » de Jeph Loeb et Jim Lee. Winnick n’est pas le scénariste aux idées les plus originales, mais sa capacité à créer des ambiances mélancoliques et la justesse des émotions font de ses histoires des lectures généralement touchantes et prenantes. Difficile néanmoins de se montrer confiant dans ces qualités à la lecture du récent Superman/Batman 76, qui narre la réaction de Superman à la découverte du « décès » de Bruce Wayne. Cet épisode était Grand-Guignol, écrit en dépit des caractéristiques des personnages, et peu convaincant.


Mais dès le premier épisode de « Lost Days », on constate que c’est le Winnick des grands jours qui est aux commandes. La rencontre entre la famille Al Ghul et Jason, narrée en quelques cases dans l’épisode « Batman annual 25 », prend ici tout son sens. Les protagonistes ont tous des motivations crédibles et sont écrits avec nuances. C’est Talia qui domine cet épisode introductif, grâce à sa complexité très juste. Le déchirement causé par sa fidélité pour son père et ses sentiments pour Bruce Wayne est palpable. Mais la grande force de ce premier épisode, c’est de rendre Jason touchant malgré sa condition de zombie. Ressuscité physiquement, le jeune homme est dans un état presque végétatif, ce qui ne l’empêche pas de s’exprimer dans une scène pleine de pudeur et d’émotion. Il faudra donc attendre le deuxième épisode avant de voir l’odyssée de l’anti-héros réellement commencer. Le but de l’histoire est de dévoiler les mystères entourant son retour, mais surtout d’approfondir son évolution.


On est loin d’un comics de super-héros, il s’agirait davantage d’une histoire d’espionnage international au style réaliste et brutal, avec un arrière plan super-héroïque. La recherche de vengeance immédiate du personnage va progresser en l’élaboration d’un plan destiné à blesser profondément ceux qu’il juge responsable de son destin. Toute l’ambiguïté de Jason se manifeste dans le contraste entre ses méthodes meurtrières et son sens moral toujours en éveil. Son empathie en fait quelqu’un d’attachant malgré sa violence, et son besoin irrépressible de venir en aide aux innocents en fait un vrai anti-héros, bien loin de la caricature de psychopathe entrevue dans « Battle For The Cowl ».  Winnick a toujours écrit le personnage dans cette complexité, et on ne peut que regretter, au vu du résultat que d’autres auteurs aient choisi un traitement plus simpliste, et loin d’être fidèle à ce qui reste, plus que jamais, le portrait de référence de l’ancien Robin. L’auteur a en effet toujours eu une idée précise de sa conception de Jason, et cela se ressent dans tous ses épisodes.


Au milieu de ce tumulte d’émotions, l’action reste très présente. Les affrontements sont virevoltants, Todd mettant à profit ses talents d’acrobate développés sous l’égide de Batman. Mais ils sont surtout sanglants, le jeune homme n’hésitant pas à se servir d’armes à feu au milieu de ses sauts périlleux, et à tuer. Ce contexte plus réaliste fera d’une rencontre entre lui et le Joker un duel à l’ambiance très mafieuse, rappelant l’histoire « Joker » de Brian Azzarello et Lee Bermejo. Le design du prince du crime est d’ailleurs très proche de celui de cette histoire. Cette confrontation est symbolique de l’évolution de Jason, et s’inscrit dans la logique de l’arc « Under The Hood » de Winnick, tout en faisant écho à sa décision prise dans l’épisode 2 de ne pas avoir recours à l’exécution simple. L’auteur n’oublie pas les passages obligés, faisant le lien avec les épisodes que l’on connaît déjà sur le héros.


Il y a une véritable sensation de finalité dans « Red Hood : The Lost Days ». Le dialogue entre Jason et Talia achève la boucle et se présente comme une introduction très réussie. Suspense, action, apprentissage, violence, héroïsme et émotions sont les éléments de cet arc prenant de bout en bout, très bien écrit, et qui permet de retrouver le Jason Todd que Winnick a su nous faire apprécier. A la fin, on est satisfait, mais aussi déçu que l’aventure ne soit pas plus longue.

mercredi 3 novembre 2010

The Walking Dead - avis sur l'épisode pilote

Un homme s’éveille dans un lit d’hôpital pour découvrir une ville à l’abandon, avant d’être confronté à des morts-vivants mangeurs de chair. Ce résumé rappelle le film de Danny Boyle « 28 jours plus tard ». En vérité, Robert Kirkman avait une idée bien précise du début qu’il voulait donner à sa bande dessinée « The Walking Dead » bien avant que le film anglais ne soit diffusé, c’est pourquoi il ne s’est pas laissé décourager par cette annonce. Le succès du comic est tel que le projet d’en réaliser une adaptation télévisée n’était pas surprenant. Les moyens semblaient importants, et la participation de Frank Darabont à la mise en scène était des arguments de taille. Révélé par son film « Les Evadés », adaptation d’une nouvelle de Stephen King (« The Shawshank Redemption »), l’artiste a démontré son aisance à dépeindre des personnages attachants et vrais, mais aussi à construire des ambiances. Son film « The Mist » est une étape de sa carrière, car le surnaturel y a une place prépondérante, et l’horreur y est vraiment marquante. Ce n’est pas tant la qualité des effets spéciaux que le traitement du drame humain qui donnait sa force à un final mémorable.



Darabont était donc le réalisateur tout indiqué pour adapter « The Walking Dead », œuvre horrifique au traitement intimiste. J’ai fait le choix de ne pas lire la bande dessinée avant de regarder la série, afin de ne pas m’arrêter aux qualités de l’adaptation, mais d’apprécier les épisodes pour l’ensemble de leurs qualités, avec un regard « innocent ». Dès les premiers plans, on constate que le réalisateur n’a pas fait de concessions au grand public. La mise en scène est faite à l’ancienne : succession de plans d’ensemble d’une durée de plusieurs dizaines de secondes et pas de caméra à l’épaule qui se secoue dans tous les sens. Les images sont belles et soignées, mais l’aspect classique de la réalisation n’est jamais synonyme de paresse ou d’austérité. Au contraire, le montage est dynamique, la caméra est presque toujours mobile, et l’ensemble est toujours lisible. Ces mouvements amples de la caméra favorisent largement l’immersion et donnent un côté vertigineux tout à fait bienvenu à certaines scènes. Le meilleur exemple de cette maîtrise réjouissante est un accident de voiture. Le véhicule effectue plusieurs tonneaux, que le spectateur a tout le loisir d’admirer sans avoir la sensation de regarder une vidéo de sécurité.


A une époque où la grande majorité des films et des séries d’horreur usent et abusent des montages clippesques, l’effrayante tranquillité de la réalisation de Darabont est tout simplement jouissive. A ce titre, l’introduction similaire à celle de « 28 jours plus tard » permet de comparer deux approches très différentes. Modernité contre classicisme et infectés contre zombies. Les deux parti-pris sont appréciables, mais au milieu de l’avalanche de films de morts-vivants et d’infectés rééalisés de la même manière, l’épisode pilote de « The Walking Dead » est une vraie bouffée d’air frais. C’est avec plaisir qu’on constate que la lenteur des « marcheurs » ne les rend pas moins dangereux. Leur démarche lente n’a d’égale que l’inéluctabilité morbide de leur avancée. Enfin, leur nombre constitue l’un des dangers majeurs, qui fait de leur vitesse réduite un détail.

Mais comme l’a prouvé le très mauvais « Zombie Nation », des maquillages au rabais suffisent à enlever toute crédibilité (ce n’était cependant que l’un des nombreux défauts du film). Par chance, tous les aspects de « The Walking Dead » bénéficient du même soin, et les corps en décomposition sont aussi réussis que convaincants. Qu’il s’agisse de cadavres putréfiés entourés de mouches ou des morts-vivants, tout est fait pour créer le malaise et rappeler que la mort n’est pas une source de plaisanterie. Sur le plan visuel, on appréciera également le clin d’œil à « Massacre à La Tronçonneuse » lorsque la caméra s’arrête sur la charogne d’un lapin au milieu de la route. Malgré la qualité des effets spéciaux, le traitement n’est pas racoleur. Ce n’est pas tant l’horreur en tant qu’éléments de divertissement qui est privilégiée, mais plutôt le drame humain de cette situation apocalyptique. L’action reste bien présente, mais le rythme est plus contemplatif que trépidant. Quelques têtes explosent, mais sur une heure d’épisode, il n’y a que deux courtes scènes d’action. La première est une fusillade entre forces de l’ordre et criminels. D’une brutalité et d’une violence sèche et réaliste, elle bénéficie d’un montage dynamique et lisible, qui rappelle le final d’anthologie de « Devil’s Rejects » de Rob Zombie. La seconde met en scène un de nos héros face à une véritable armée de morts-vivants. Pleine de tension et de suspense, elle est aussi intense que brève.

 


La qualité est constante tout au long de l’épisode, tout comme le refus de céder aux artifices faciles. A ce titre, l’ambiance sonore, très réussie, exploite les silences pesants avec beaucoup d’efficacité. La musique, peu présente, est de grande qualité et en adéquation avec l’atmosphère. Mais au-delà des aspects techniques et de la mise en scène, ce sont l’interprétation et l’écriture qui font de ce premier épisode un divertissement réussi. Non pas que le scénario soit d’une complexité ou d’une originalité hors du commun. Mais on est loin des clichés inhérents au genre, et les personnages bénéficient d’une véritable psychologie. Plutôt que de s’épancher dans de longues scènes caricaturales, ce sont de petites touches qui illustrent l’état d’esprit des personnages, les souvenirs déchirants, comme cette poignée de porte, qui tourne pathétiquement, ou une conversation un brin sexiste, qui débouche sur un véritable échange sur les problèmes d’un couple. Des problèmes que tout le monde pourrait rencontrer, et non pas des occupations que seuls les personnages d’un soap opéra pourrait avoir.


Ce pilote donne a mis la barre haut, et il n’y a plus qu’à espérer que l’ensemble du budget de la série n’a pas été réservé à ce premier épisode, mais si la qualité est toujours au rendez-vous, « The Walking Dead » devrait faire partie de ces quelques rares séries qui comptent.