mardi 29 juin 2010

le cinéma de Hong Kong et les comics: deux approches différentes?


En discutant sur un forum spécialisé dans le cinéma de Hong Kong (http://www.hkcinemagic.com/ où vous pourrez lire certaines de mes critiques de films ;-), j’ai eu un échange à propos d’un film qui s’inscrit dans un univers super héroïque : « Heroic Trio ». Mon interlocuteur expliquait que pour lui, le mélange de genres propre au cinéma de Hong Kong (avec ruptures de ton brusques, des gags parfois gras en pleine scène dramatique) était une richesse qu’on ne retrouvait pas dans l’approche occidentale de l’art, et qui était donc absente des comics.

C’est un point de vue que je trouve intéressant, néanmoins je ne le ressens pas ainsi. J'ai plusieurs exemples qui me viennent à l'esprit, où l'humour se mélange au drame ou à la perversité la plus malsaine. Récemment, le titre "Batman and Robin" de Grant Morrison mélange les tons avec beaucoup d'audace. Le premier arc mettant en scène le Dr Pyg symbolise tout à fait ce parti pris, avec des personnages grotesques, qui réunissent certaines caractéristiques d'univers enfantins avec la violence la plus crade, pour une histoire aussi violente que pleine d'humour décalé. Cela dit, il est vrai que Morrison est un auteur iconoclaste.

Que dire de la chute de "The Killing Joke", où on nous montre un joker plus abjecte que jamais, avant de terminer sur une plaisanterie à la fois pertinente (parce que reflet de la relation des deux personnages), mais aussi très drôle?

Spiderman dans un autre genre est un personnage plus connu pour sa légèreté, mais certains arcs très sombres ne sont pas dénués d'humour, à des moments surprenants. Le run actuel, "Grim Hunt", est bourré de morts très malsaines et graphiques, mais n'omet pas des pointes d'humour qui pourraient presque sembler déplacées.

Je dois dire que tout en étant fervent admirateur du cinéma de Hong Kong, j'ai éprouvé au moins autant d'émotion, d'implication et d'intensité devant un grand nombre de comics. D'autant plus que les super-héros sont un peu les fondations de la mythologie moderne à mon sens, et quand cet aspect est exploité, on obtient des œuvres d'une richesse hallucinante. Même si tous les volumes ne sont pas d'égale qualité, la trilogie:
Earth-X/Universe-X/Paradise-x est pour moi l'exemple le plus frappant. Les auteurs ont su se saisir de l'intégralité des éléments qui constituent l'univers Marvel pour construire un ensemble cohérent, avec beaucoup de second degré pour contre-balancer le sérieux de l'ensemble (le mystérieux Daredevil est notamment une grande source de rires).


En parlant de Marvel, un autre exemple me vient. L'univers 2099, Spiderman 2099 en particulier. En seulement 46 épisodes, Peter David à élaborer une histoire complexe, aux thématiques nombreuses, avec une implication émotionnelle forte, grâce à une structure familiale surprenante mais crédible, le tout sans oublier l'action, et un humour vraiment cynique, qui achève de distinguer le personnage de Peter Parker. Le ton est sombre, mature, et l'humour reste omniprésent.

Bien sûr, cette petite chronique n’est qu’une introduction à d’autres articles à venir. Le run « Batman and Robin » passera à la moulinette, puisqu’il s’agit d’une de mes expériences les plus jouissives de lecture. Le long run «The Gauntlet » et son aboutissement « Grim Hunt », qui voient l’homme araignée aux prises avec des fantômes de son passé, aura également droit à un avis, tout comme la trilogie Earth-X et bien sûr Spiderman 2099, puisqu’il s’agit d’un de mes comics préférés.

En attendant, je devrais publier, au moins en deux fois, ma fan-fiction sur le reporter belge. Pour faire office de teaser, en voilà le titre : « Tintin contre les nains aphrodisiaques ».

Undead or Alive

Le film de zombies a pour avantage de pouvoir se décliner dans presque tous les genres. Drame social (« I, Zombie », « le mort-vivant »), romance tragique (« zombie honeymoon »), satire sociale (les films de Romero), série B pure (les « Resident Evil », même si certains rentrent plutôt dans la catégorie des nanars) ou encore comédie (genre le plus en vogue depuis « Shaun of the dead », même si « Return of the living dead » s’y était déjà essayé dans les annes 80).
Le western est un autre genre surexploité, que ce soit pour témoigner de l’héroïsme américain avec John Wayne, déconstruire ce même mythe à travers le western spaghetti, ou même organiser sa rencontre avec l’orient (« la brute, le colt et le karaté » avec Lo Lieh et Lee Van Cleef, « Once upon a time in china and america » avec Jet Li, ou les « Shanghai Kid » avec Jackie Chan).


Néanmoins, « Undead or alive » semble être le premier film à mélanger ces deux genres très particuliers (même s’il existe des films qui teintent d’une ambiance de western moderne les rencontres avec les zombies). Le titre n’est certainement pas anodin. On pense à « Dead Alive », autre titre utilisé pour l’exploitation de « Braindead » de Peter Jackson, mais aussi à « Undead », film australien techniquement très réussi qui mélangeait zombies et extraterrestres. Ces deux films affichaient un 2nd degré assumé et revendiquaient fièrement leur statut de série B.

Sans surprise, « Undead or alive » est une zomédie western. Mais pouvait-on attendre d’un film parrainé par Trey Parker et Matt Stone, co-créateur de « South Park » et de « Cannibale the musical » ? Le rôle du héros est confié à un habitué du petit écran, James Denton. Si le public le connaît surtout pour son rôle de Mike Delfino dans le soap opéra « Desperate housewives », c’est son rôle de Lyle dans « Le Caméléon » qui l’a établi comme acteur charismatique. Il s’acquitte admirablement de sa tache ici, même s’il n’est pas seul. En effet, à la manière de « Flic ou Zombie », « Undead or Alive » est un buddy movie, et notre cow-boy solitaire va rapidement trouver un compagnon de route rond comme Shrek et bavard comme l’âne qui l’accompagne en la personne de Chris Kattan, autre habitué des séries tv.


L’alchimie entre ces deux personnages est réelle, mais le récit va rapidement rompre cet équilibre en ajoutant à l’équation Sue, la nièce de Geronimo. Les événements s’enchainent rapidement, et on ne s’ennuie jamais. L’histoire n’est pas cantonnée à un seul lieu et les décors sont plutôt réussis. On sent d’ailleurs que sans être colossal, le budget est plus confortable que pour « Cannibal the musical ». Les paysages naturels sont bien mis en valeur et participent grandement à l’immersion de ce western.

Les zombies ne constituent pas l’essentiel du récit, mais sont suffisamment présents pour combler les amateurs. On sera par contre surpris de ne pas voir le moindre effet gore. Même des comédies tout public comme « Shaun Of The Dead » ou « Zombieland » étaient généreuses en hémoglobine. Malgré cette légère déception, l’action est au rendez-vous, et les morts-vivants en prennent pour leur grade, ce qui est toujours bienvenu. L’humour est en tout cas omniprésent, en grande partie grâce à la dynamique entre les différents protagonistes. A ce titre, le twist final est aussi noir qu’hilarant.


« Undead or Alive » est un petit film à l’idée bien exploitée et qui remplit pleinement son objectif : divertir. Une curiosité à découvrir.

lundi 28 juin 2010

Daredevil - Fall From Grace

Chronique nostalgique aujourd’hui, puisqu’il s’agit de l’histoire qui me fit découvrir le justicier au costume de diable. Publié à l’époque dans la collection RCM (Récit Complet Marvel) « Fall From Grace » a pourtant été publié en France en deux volumes. Ecrit par le controversé Dan Chichester, et dessiné par Scott Mcdaniel (célèbre pour ses illustrations sur la série « Nightwing »), le récit suit les déboires d’un Daredevil attaqué sur tous les fronts.


Il est question d’un complot gouvernemental, basé sur une équipe de télépathes, un produit qui peut donner à celui qui l’utilise la caractéristique de son choix, ainsi que du cyborg John Garrett (croisé dans « Elektra Assassins » de Frank Miller et Bill Sienkienwicz) et un double vaudou.

A ce postulat déjà compliqué s’ajoutent quelques guest stars qui ne font pas avancer l’intrigue mais assurent la partie action pour un rythme tout simplement hallucinant. La Main, Venom, Morbius, Stone, Silver Sable, mais aussi Elektra, revenue d’entre les morts et purifiée, vont donner du film à retordre au héros. Mais si la menace physique est omniprésente, c’est une autre attaque qui va bouleverser le statu-quo.

Si ce changement sera moins définitif que celui apporté par Bendis, il marque le début d’une ère d’errance pour le héros. D’ailleurs, il semble que depuis « Born Again », le destin de Daredevil n’est qu’une succession de coups bas, de crises de nerfs et de regains d’énergie pour mieux tomber la fois suivante.

C’est l’apparition d’une journaliste à la dent longue qui va faire s’écrouler l’univers du héros. En piratant les fichiers de Ben Urich, le journaliste qui a découvert la véritable identité de Daredevil, elle va créer un mini-buzz. Mini, car la crise est finalement infime et peine à justifier le choix final du héros.

L’histoire est, de toutes façons, globalement brouillonne, et peine à imposer de vrais enjeux. Pourtant, l’ennui n’est jamais au rendez-vous grâce aux scènes d’action qui s’enchaînent presqu’en continu. « Fall From Grace » marque également la création du costume gris du héros, qui rend les affrontements plus réalistes, même si le rendu visuel est moins impressionnant et moins symbolique.


Le retour d’Elektra, autre événement important, est peu crédible, et n’apporte rien de plus à l’intrigue. Mais ce qui caractérise « Fall From Grace », c’est son ambiance ténébreuse, parfaitement illustrée par Scott Mcdaniel. Le double vaudou apporte un côté exotique et malsain fort réussi, même si on ne comprend pas non plus son intérêt dans une histoire déjà surpeuplée, jusqu’au climax où sa présence prend plus de sens.

« Fall From Grace » n’est pas un exemple de maîtrise de l’écriture, le récit est peu cohérent et ressemble plus à une succession de scènes qu’à une intrigue construite. Pourtant, l’ensemble possède un je ne sais quoi qui rend la lecture marquante.

vendredi 25 juin 2010

Alan Wake contre Red Dead Redemption

Je n’aime pas trop dévier des comics et des zombies lorsque je rédige un article. Il m’arrive d’aborder d’autres médias, mais ils sont généralement en lien plus ou moins direct avec mes thématiques de prédilection. Aujourd’hui, je vous propose un avis croisé sur deux jeux vidéos sortis récemment : Alan Wake et Red Dead Redemption. En un sens, je ne suis pas si loin que ça de mon sujet : les ennemis qu’on rencontre dans Alan Wake s’apparentent un peu à des zombies après tout.

On peut voir dans cette chronique un coup de gueule. Comme beaucoup de joueurs, j’ai beaucoup attendu Alan Wake, annoncé il y a déjà 5 ans sur la xbox 360. C’est Remedy, l’équipe derrière les deux premiers Max Payne, qui s’est occupée du développement. Dès les premières images, on sentait la volonté de livrer un produit différent. Le cadre surprend à lui seul : de grandes forêts de sapins, une petite ville au bord d’un lac…. Il est évident que les créateurs ont cherché à recréer une ambiance à la Twin Peaks. D’ailleurs, la sérié créée par David Lynch et Mark Frost, ainsi que Stephen King, sont cités comme les sources d’inspiration principales de l’histoire.

Passionné par le projet, je me suis procuré l’édition collector, en particulier pour lire le « Alan Wake Files », un livre de 144 pages, contenant des annotations d’un agent du fbi enquêtant sur les événements du jeu, ainsi que deux nouvelles écrites par Alan Wake, puisque notre héros est un écrivain en panne d’inspiration. Sa femme l’emmène à brightfalls pour l’aider, elle disparaît, Wake a oublié toute une semaine, et une force sombre prend possession des gens la nuit… Voilà un peu le contexte. S’inspirant du découpage des séries tv, « Lost » en tête, Alan Wake rappelle forcément le dernier « Alone In The Dark ».


La gestion du rythme est donc un des éléments prépondérants, et de ce point de vue, la construction est plutôt réussie. Les premiers instants sont brillants : au-delà de l’aspect graphique incroyable, l’ambiance est exceptionnelle, et on se sent immergé dans ce petit coin étrange. Les mécaniques de jeu sont classiques mais efficaces, et la redondance n’est pas vraiment dérangeante, même si on regrette qu’il n’y ait pas davantage de « gros » passages.

Malheureusement, pour moi Alan Wake est un bon jeu, mais pas une œuvre inoubliable qui méritait un buzz de 5 ans. Ce qui en soi ne serait pas dérangeant si les pros Alan Wake (j'entends par là ceux qui décrivent ce jeu comme le messie) ne jouaient pas les élitistes et ne dénigraient pas tout le reste de la population des joueurs. En effet, on lit systématiquement que ceux qui n’ont pas aimé le jeu, ou qui ne le portent pas aux nues, sont des incultes qui n’ont pas la culture nécessaire pour apprécier les nombreuses références du jeu. De même, ceux qui ont le malheur d’aimer les jeux comme « Call Of Duty » ou « Red Dead Redemption » sont taxés de kékés voire pire. J’estime que l’art est subjectif. Pour moi, il n’y a pas de vérité, juste des appréciations, mais ces insultes répétées m’ont donné l’envie de détailler les raisons qui me poussent à trouver Red Dead Redemption non seulement plus ambitieux, mais aussi plus réussi qu’Alan Wake.

Chez Remedy, les références du jeu sont populistes. On nous parle de noms que tout le monde connaît, on nous assène des références qu’on trouve sur n’importe quel forum, qu’il soit professionnel ou non, et on le fait surtout de façon très maladroite. On peut même dire qu'elles nous sont vulgairement balancées en pleine poire et qu'on nous prend pour des ignares. L’un des meilleurs exemples est cet agent du FBI qui poursuit Wake, et qui ne cesse de l’affubler de surnoms d’auteurs célèbres. Ce personnage témoigne d’un carresage dans le sens du poil navrant, mais aussi des problèmes d'écriture du jeu.


Entendons-nous: je trouve qu'Alan Wake est un bon jeu, aux graphismes magnifiques et à l'ambiance excellente. Mais son scénario, qui devait être son plus grand atout n'est pas convaincant. Les enjeux sont inexistants (dans la mesure où on ne s'attache pas à ces personnages caricaturaux, difficile de se sentir investi, sans parler de l’objectif : retrouver sa femme disparue… original ? Pas le moins du monde !), les dialogues sont très mauvais, les personnages secondaires sont mal exploités et souvent n'apportent rien... d'ailleurs, en lisant « the Alan Wake files », j'ai vraiment eu la sensation que Clay, le narrateur, qu'on aperçoit que dans le prologue du jeu, n'apportait rien. A ce titre, le livre aurait pu, et même aurait du n'être que les notes de l'agent du fbi (qui pour le moment, n'a servi à rien, et vu son destin, on peut se demander s'il apportera davantage dans un éventuel deuxième épisode). En effet, ce fameux Clay n’apporte rien à l’histoire, et sa narration dans le livre n’enrichit pas le propos des notes de l’agent du FBI.

Tous ces détails dénotent un manque de maîtrise de la structure narrative, que le déjà vu des situations ne peut améliorer. La plupart des retournements de situation sont prévisibles, le postulat général n'a rien d'exceptionnel et on le retrouve dans de très nombreux médias (chez King bien sûr, mais aussi dans « l'histoire sans fin 3 », dans le manga « wingman », dans certains comics, comme l'album marvel: "contes étranges"). Les influences sont non seulement évidentes, mais constituent l’essence d’un jeu à l’identité instable, fragile… A tel point qu’une fois le dernier épisode achevé, je n’ai pas eu envie de recommencer, et surtout, je ne me suis pas posé davantage de questions sur une intrigue qui laisse pourtant quelques questions en suspens. Je suis pourtant amateur des intrigues complexes, lorsque les pistes me semblent cohérentes et en phase avec le récit, mais surtout lorsque les personnages sont suffisamment attachants pour que je m’attache à eux. Ici, le tout m’a semblé plus artificiel, je n’ai jamais eu la sensation d’assister à l’élaboration d’un univers à part, et le côté très monolithique des personnages ne m’a pas convaincu. J’en veux pour preuve le personnage de Barry, le meilleur ami, ridicule, caricatural, et aux réactions incohérentes et à la limite de la parodie. Il n’est malheureusement pas le même à bénéficier de ce traitement, et le héros, le fameux Alan Wake, est bien trop lisse pour intéresser.


La comparaison avec Red Dead Redemption n'est bien sûr pas pertinente, puisqu'il ne s'agit pas du même type de jeu. Néanmoins, si on s’attarde sur le jeu de Rockstar, on trouve un souci du détail qui enrichit largement le propos. Avant tout, on a l'impression d'être le témoin de la fin d'une époque, ce qui bien sûr favorise l'immersion. Mais surtout, tous ces petits éléments, toutes ces quêtes secondaires, permettent de cerner l'époque, le contexte, la mentalité, et surtout notre protagoniste. L'incursion subtile d'un personnage qui en sait long sur le personnage apporte une dimension complexe et inattendue à une œuvre qui se présente comme plutôt réaliste.


La trame de départ, qui n'est pas sans rappeler le scénario de "la proposition" -western australien crépusculaire réalisé par John Hillcoat et mettant en scène Guy Pearce - bénéficie d'un rythme extrêmement travaillé. L'action n'est pas omniprésente, ce qui permet de prendre du recul et d'apprécier la réflexion sur la violence qui est au centre du récit. La dramaturgie est exceptionnelle, confrontant le jouer à des situations déchirantes, parce qu'il a appris à aimer les personnages, et qu'il se sent impliqué par leur destin. Le final, très ancré dans les héroic bloodshed chers à Sam Peckinpah, mais qui rappelle également le tragique "grand silence " de Sergio Corbucci achève de faire de Red Dead Redemption une œuvre complète, complexe et poignante, dont les références sont brillantes, mais ni assenées à coup de maillet, ni indispensables pour apprécier le jeu.

Là où Alan Wake reste un jeu de Geeks où les références pullulent grossièrement sur une trame usée et sans intensité dramatique. Alors oui, Red Dead Redemption mérite largement d'écraser Alan Wake en termes de vente pour moi. Et j'insiste sur le "pour moi", car tout ceci n'est qu'un avis.

lundi 21 juin 2010

Zombies Anonymous (AKA Last Rites Of The Dead)

Réalisé en 2006 avec un budget, comme souvent dans le genre, dérisoire, "Zombies anonymous" tente d'aborder le film de mort vivant sous un jour différent, se rapprochant plus de la satire d'un Roméro que du massacre sans fonds d'un Mattei. Utilisant les médias pour introduire son contexte (un procédé récurrent), le film s'affiche comme une dénonciation du racisme inhérent à l'homme. Sans donner de raison à l'état des morts vivants, l'intrigue nous les montre très peu différents des vivants. Ils marchent, parlent et travaillent comme avant leur décès. Seuls leur régime alimentaire et leur peau de plus en plus marquée permettent de les reconnaître... et dans certains cas, la présence d'un trou qui traverse la tête, par exemple.



C'est par l'intermédiaire d'Angela, une jeune femme assassinée par son ex petit ami psychotique, que nous allons suivre le point de vue des zombies. L'héroïne fait en effet partie d'un groupe de parole, dans lequel les morts vivants échangent leur expérience. On constate alors que la plupart d'entre eux tente tant bien que mal de continuer à vivre comme autrefois, tout en subissant le rejet et même l'acharnement d'un grand nombre de vivants.

En parallèle, Josh, l'assassin d'Angela, intègre un groupe anti-zombies, conduit pas "le commandant", une jeune femme aussi violente qu'instable. On regrettera que l'aspect politique ne soit jamais abordé, mais on peut comprendre que le gouvernement, sans adopter de position ferme, ne favorise pas le lynchage, pas plus qu'il ne privilégie l'intégration.
Bien qu'on nous montre quelques vivants à tendance progressiste, le film n'insiste pas sur ce point, mais s'axe plutôt sur le groupe d'extrémistes. Néanmoins, le traitement de ce personnages n'est pas si manichéen qu'on pourrait le croire. Au contraire, les protagonistes sont complexes et imprévisibles. Le petit ami psychotique, Josh est l'exemple le plus frappant. Sa relation amour/haine et l'ambivalence de ses actes le rendent aussi crédible qu'effrayant.

Une des bonnes idées est de nous montrer un membre du groupe extrémiste devenir lui-même un zombie. Ce passage, qui remet en question les croyances et comportements de chacun, trouvera écho dans le dernier tiers du film, avec certains choix qui rendent cette scène encore plus ignoble. Les situations sont nombreuses et variées, multipliant les points de vue dans des groupes suffisamment restreint pour que leur destin nous importe.



Mais c'est surtout du côté des morts vivants que notre regard se pose. D'abord présentés comme modérés et pacifistes, on découvre rapidement que certains sont prêts à rendre les coups, et décidés à ingérer de la viande humaine, seul carburant qui leur permette de ne pas souffrir en permanence. Au milieu de ces conflits, Angela fait office de témoin passif, subissant les événements, cherchant juste à vivre sa mort. Victime de discrimination, elle tentera de cacher son état à l'aide d'un baume appelé "teint vivant", ce qui lui permettra de réussir un entretien d'embauche avant qu'on ne lui annonce qu'elle subira un examen médical pour s'assurer qu'elle est en vie.

Au centre du récit, elle n'y participe pourtant vraiment que dans la dernière partie, plus musclée que les autres. Le final est en effet constitué de deux scènes d’action qui voient les vivants et les morts-vivants s’affronter. Il est assez surprenant de voir les deux camps échanger des coups de feu, au bénéfice des zombies bien sûr, puisque seule la destruction complète de leur cerveau les arrête. Ils sont par contre sensibles à la douleur et sujets à l’évanouissement. De même, leur cœur n’a pas cessé de battre, mais palpite à un rythme extrêmement réduit.

On peut donc supposer que le cerveau est toujours irrigué en sang, et que la destruction du cœur devrait pouvoir les arrêter. Il est en tout cas clair que ce n’est pas le solanum qui fait fonctionner leur cerveau, le virus communément connu comme la cause de l’existence des zombies, d’après Max Brooks (auteur des livres « Guide de survie en territoire zombie » et « World war Z »).


Autre parti-pris sujet à polémique : lors d’un affrontement de zombies, l’un d’eux est mordu à plusieurs reprises par ses adversaires. Or, il est généralement admis que les morts-vivants ne se mangent JAMAIS entre eux. Le climax est par contre plutôt réussi, ménageant un bon suspense, en alternant les scènes simultanées (un procédé employé avec succès à plusieurs reprises dans le film). Les effets gores, sans être très impressionnants, sont assez réussis, mais c’est surtout al chorégraphie mollassonne des combats qui montre les limites du film.

Malgré tout, le budget n’est jamais vraiment un frein et l’intrigue se suit avec un intérêt constant, malgré la longueur du film (1h47 tout de même). Ambitieux et original « Zombies anonymous » parvient à poser un regard différent sur un genre surexploité et le fait avec intelligence, sans oublier le divertissement pur.

dimanche 13 juin 2010

L'héritage dans les comics

La perte n’est pas toujours irrémédiable. C’est particulièrement vrai dans le monde des comics, où les morts ont la fâcheuse tendance de ressusciter. Il fut un temps où les lecteurs déclaraient (non sans émotion) : «Tous les personnages décédés dans les comics reviennent, à part Bucky, Jason Todd et oncle Ben ». Mais même ce crédo a été mis mal dans les années 2000. Bucky n’était pas vraiment mort, Jason a été ramené à la vie lors de « Infinite Crisis » par une distorsion dimensionnelle (liée aux coups de poings de superboy prime), et oncle Ben n’est pas mort dans toutes les dimensions, ce qui explique son retour…

Quoi qu’il en soit, la perte n’est pas une fin en soi, que le personnage revienne ou non. On peut réellement parler de cycle, la perte, la mort, étant source de création, de renouveau. On peut même parler de transmission, d’héritage, un autre thème récurrent dans la vie quotidienne et donc dans le monde des comics. Bruce Wayne a perdu ses parents, et a hérité par la suite de plusieurs choses : leur fortune bien sûr, mais aussi leur idéal, leur humanité, et leur combat pour la justice. C’est la perte qui lui a permis de comprendre l’essence même de l’héritage familial. Plusieurs récits mettent en scène un Bruce Wayne n’ayant pas perdu ses parents. Le plus récent étant « the last rites », écrit par Grant Morrison, qui fait suite à « Batman Rip » et se situe entre « Final crisis » 2 et 6. On y voit un Bruce médecin, plus par fatalité que par vocation, désabusé et fade. Le fait qu’il n’ait pas perdu ses parents ne lui a pas permis d’appréhender de la même manière ce qu’ils avaient à lui transmettre.

Il est également arrivé à plusieurs reprises qu’on envisage le décès de tante May plutôt que d’oncle Ben. Sans le sacrifice de la figure paternelle (dont Peter Parker est en partie responsable, en n’arrêtant pas le voleur), le jeune homme fait une crise d’adolescence et se rebelle contre les valeurs de son oncle (en tout cas dans le « What If » de Bendis), et c’est un autre sacrifice qui le poussera à prendre ses responsabilités. L’héritage ne coule donc pas de source, il n’est pas simplement transmis, il est vécu viscéralement, afin d’être assimilé et approprié.


C’est également un schéma qu’on retrouve en dehors du cercle familial pur. Peut-on parler d’héritage, de transmission en termes d’identité ? Si Bruce Wayne disparaît, Batman peut-il toujours exister ? Bien sûr, on a déjà retrouvés une autre personne sous le masque, à de multiples reprises. Jean Paul Valley ou Dick Grayson ont repris le costume suite au crossover « Knightfall » dans lequel le criminel Bane brisait la colonne vertébrale de Bruce Wayne. Mais il s’agissait d’un travail d’intérim, pas d’un remplacement définitif. La saga « Battle for the cowl », écrite pas Tony Daniel, pose la question : Batman est-il Bruce Wayne, ou bien est-il un symbole qui dépassé le simple statut d’être humain, et qui doit survivre à celui qui l’a créé intimement ? Contrairement à Captain America, le chevalier noir n’est pas un prototype, ni un super soldat censé représenté le combat d’une nation. Il s’agit d’une part de quelqu’un, qui évoque sa perte, qui représente son héritage, et son combat pour empêcher les pertes d’autres personnes.

Pourtant, si l’on en croit la ligne éditoriale de Dc, et la conviction de Tim Drake, le symbole doit survivre à l’homme, car sans lui, la ville de Gotham est vouée à sombrer dans le chaos. Et si Tim Drake en est persuadé, c’est l’intervention aussi musclée qu’incongrue de Jason Todd qui finira par convaincre Dick Grayson, au plus profond de son être, que Batman est son héritage. Cette histoire, si elle reste décevante, n’en reste pas moins intéressante. Dick, Jason, Tim et Damian sont tous les fils de Bruce Wayne en quelque sorte. La bataille pour la cape est en fait une lutte fratricide pour un héritage. Mais le costume n’est pas le plus important. Jason Todd, l’anti héros revenu d’entre les morts, est prêt à trucider les criminels pour mener à bien la mission de Batman.



Si ses intentions sont compréhensibles, elles montrent qu’il ne s’est pas approprié l’héritage de son mentor qui se refusait à adopter de telles méthodes. Les raisons de son comportement seront abordées dans un autre article, mais il est clair qu’il constitue le fils caché, celui dont on ne veut pas parler, parce qu’on se sent coupable, l’héritage d’une erreur de Bruce, et en ce sens, son retour, s’il n’est pas toujours traité avec beaucoup de finesse, reste passionnant.

La succession de Batman est ainsi traitée sur plusieurs fronts, afin de démontrer qu’il est nécessaire d’avoir un Batman, mais aussi que Bruce Wayne EST Batman, pas parce qu’il porte le costume, mais parce que c’est une partie de lui. La série « Captaim America » suit un développement très proche, quasi similaire. Le travail d’Ed Brubaker est traité sur un ton plus réaliste, plus inscrit dans un contexte politique actuel que celui de Morrison, mais adopte une trame presque identique, notamment dans la façon d’aborder le retour de Steve Rogers. Mais Bucky est plus proche de Jason Todd que de Dick Grayson, puisqu’il a lui aussi basculé dans une voie nettement plus grise. Pourtant, à la différence du deuxième Robin, il a fini par assimiler l’héritage de son modèle, pour reprendre son rôle en assumant les mêmes choix moraux.


La question de la transmission d’identité est très présente chez Marvel. La ligne 2099 (qui aura droit à son article), débutée en 1992, évoque un futur potentiel pour l’univers marvel. Parmi les œuvres relancées, on trouve en particulier Spiderman 2099. N’ayant aucun lien de parenté avec Peter Parker, Miguel O’Hara va être victime d’une expérience qu’il a lui-même menée, et qui lui transmettra des pouvoirs très proches de ceux du spiderman d’origine. C’est tout naturellement que la population va lui attribuer le nom de Spiderman en assistant à ses acrobaties. Mais est-il l’héritier de Peter Parker ? En lisant l’ensemble des épisodes que Peter David a rédigés sur le personnage, y compris la « fin » de l’univers 2099, on constate que le combat de Miguel n’est pas le même que celui de Peter. Alors que l’homme araignée d’origine combattait le crime au jour le jour, celui de 2099 s’implique dans un combat social, en se confrontant aux inégalités entre classes avant de prendre la tête d’un empire financier pour apporter une réponse concrète aux problématiques que rencontrent quotidiennement les citoyens. On ne note pas de transmission directe, mais le crossover « Spiderman meets Spiderman 2099 » vient nous expliquer l’héritage du symbole que représente spiderman pour la société. Ce message est amplifié par l’apparition finale d’un spiderman 2211.


Cette idée d’une mythologie d’hommes araignées sera reprise de façon moyennement convaincante par J. Michael Straczynski, un auteur aux idées parfois douteuses, mais à l’écriture experte qui lui permet de faire passer une véritable émotion (comme un prochain article sur les pactes avec le diable l’abordera). On retrouve un thème similaire avec le « Retour de Bruce Wayne », de Grant Morrison, qui crée une véritable mythologie, épique et dense, autour de l’homme chauve souris.


Mais pour en revenir à spiderman 2099, Miguel O’Hara reste l’exemple le plus frappant d’un héritage incompris de ses propres créateurs. De tous les personnages de la gamme 2099, il est le plus apprécié des lecteurs, et lorsque la série a pris fin, tous ont réclamé le retour du personnage. Réutilisé par son créateur Peter David dans quelques épisodes de la série Captain Marvel v3, il réapparaîtra plus longuement dans la série « Exilés », qui comptent les mésaventures d’un groupe de héros condamnés à voyager de dimensions en dimensions pour remplir des missions plus ou moins farfelues (un épisode mettant en scène Daredevil implique l’achat d’un beignet qui conduira à une série d’événements presque apocalyptiques). Présent dans pas loin d’une trentaine d’épisodes, Spidey 2099 quittera le groupe pour vivre l’amour. Si c’est avec grand plaisir qu’on le retrouve, on note plusieurs détails : il s’agit du Miguel d’une terre alternative, et au moment où il intègre l’équipe, il n’a ses pouvoirs que depuis peu, et n’a donc pas vécu toutes les aventures que nous connaissons. Mais surtout, il est écrit comme un Peter Parker mexicain. Miguel n’a jamais manqué d’humour, mais c’est surtout un cynisme désespéré qui le caractérise, et une vision bien plus noire du monde que celle de Peter, même s’il reste profondément humaniste. Cette vision édulcorée du personnage reste malgré tout agréable.


On ne peut pas en dire autant du Miguel qui nous est présenté dans le très mauvais « Timestorm 2099 », pour lequel je publierai un article acide. De Miguel O’hara il n’a plus que le monde, et son univers n’a plus rien à voir avec celui qui nous a fait rêver dans les années 90. Il s’agit d’un parfait exemple d’un personnage malmené par des scénaristes qui ne l’ont pas compris, qui n’ont pas su appréhender l’héritage de ses créateurs. Et dans une continuité de plusieurs années, s’il est important de s’approprier cet héritage, il est déplorable de le renier et de ne pas en respecter l’essence.

L’héritage de plusieurs décennies d’histoires est pour moi l’un des plus importants que l’on puisse trouver dans le monde des comics. Et vous, qu’en pensez vous ?

vendredi 11 juin 2010

Bio zombie

Petit break entre l'article sur la perte dans les comics et sa suite, l'héritage: critique du film hong kongais bio zombie!
Des morts vivants investissent un centre commercial et prennent au piège un groupe d’individus que tout sépare. Les survivants vont devoir s’allier pour survivre.

Il ne manque que la scène de swat d’ouverture, et on pourrait presque se croire dans Dawn Of The Dead. Et si on remplace Jordan Chan par une américaine blonde, on pense voir le remake de Zack Snyder.


Mais non, il s’agit bel et bien d’une production Hong Kongaise, et le ton résolument décalé ainsi qu’un mélange de genres cantonais dans l’âme ne laissent aucun doute à ce sujet. Malheureusement, ce qui peut être une force dans des classiques comme Prodigal Son est plutôt un défaut ici. En effet, le gros problème du film est de ne pas se situer clairement dans un registre.
Entre humour potache de djeun'z et drama-horror, le film hésite, n'assume pas son mélange de genres, revient à l'un, à l'autre, sans trop savoir ce qui conviendrait le mieux, ce qui fait qu'on ne rentre jamais complètement dans l'histoire.

Quelques gags, relevés par des idées de mise en scènes rusées, permettent malgré tout de passer un bon moment. On pense notamment à l’interrogatoire croisé et son split screen improvisé, ou encore à la présentation tout droit tirée d’un jeu vidéo de nos héros en « armes ». Pourtant, l’humour n’est jamais assez percutant ou original pour complètement remporter l’adhésion.

En tant que film de Hong Kong des années 90, Bio Zombie se doit de comporter son lot de scènes d’action, comme semblent l’annoncer le contexte et la fameuse prise d’armes. Pourtant, le rythme est très lent, les affrontements sont peu nombreux, et il faut attendre le climax pour assister à un bottage de derrières de morts vivants digne de ce nom, sans qu’il soit mémorable. Le tout reste en effet bien trop édulcoré pour marquer le fan de zombies en manque d’hémoglobine, et la chorégraphie est trop banale pour satisfaire le fan d’action made in HK hardcore. Même s’il n’a jamais été question de comparer le film de Wilson Yip et celui de Romero, on ne peut que s’attrister en comptant le faible de nombre de zombies à l’écran, quand leur surnombre était un élément spectaculaire du film américain.


Il faut dire que le cadre est également moins impressionnant, on a plus l’impression que le film a été tourné dans l’une des galeries marchandes du 13ème arrondissement de Paris que dans un centre commercial gigantesque aux couloirs interminables. Ce n’est pas forcément un défaut, puisque cela créé malgré tout une sensation de claustrophobie marquée.

Mais si les décors sont décevants, que l’humour peine à convaincre et que l’action est décevante, on peut s’attendre à des prestations enjouées avec un tel casting. Après tout, Sam Lee est un bout en train capable de jouer les clowns autant que d’assurer dans un registre plus sérieux (Made in HK), et Jordan Chan est un acteur versatile plutôt réputé. Pourtant, aucun d’eux ne réussit à constituer un atout, Jordan Chan se révélant insupportable au bout de 10 minutes, et Sam Lee n'étant pas en grande forme (à part quand il court).

Le reste du casting ne s’illustre pas davantage, et en conséquence, on peine à s’attacher aux personnages. Or dans un survival, il est primordial de se sentir concerné par le sort des héros, afin que les décès inéluctables d’une partie de l’équipe soient déchirants pour le spectateur accroché à son siège comme sa propre vie en dépendait. On est bien loin du compte ici, même si Sam Lee se montre bien plus convaincants dans les passages dramatiques, comme ce pauvre hôte de caisse zombie amoureux transi, qui reste le personnage le plus attachant, à la manière du Bub de Romero.


Bio Zombie est un film qu’on a envie d’aimer, qu’on s’imagine drôle, bourré d’action et de dérision. Malgré quelques qualités, comme la caméra virevoltante de Yip, l’ensemble reste décevant, mais on se consolera avec une fin nihiliste comme on les aime, qui réunit toutes les qualités qu’on aurait aimé trouver plus tôt : du suspense, de l’émotion, et une issue amère, y compris dans la fin alternative.

lundi 7 juin 2010

La perte dans les comics

S’il y a un thème récurrent dans le monde des comics, et ce quelque soit la maison d’édition, c’est bien celui de la perte. La plus évidente est celle d’un membre de la famille, de la confrérie, de l’équipe, du groupe.

Bruce Wayne a perdu ses parents, Matt Murdock son père, Peter Parker ses parents, puis son oncle, puis à nouveau ses parents, puis sa tante (après une bonne dizaine de morts presque certaines auxquelles elle a échappé de justesse), puis sa femme, avant qu’elles ne reviennent toutes deux. Puis sa tante a failli mourir une nouvelle fois, l’obligeant à pactiser avec le diable et à ainsi perdre sa femme une nouvelle fois, du moins symboliquement.



La perte est bien souvent la cause du changement, de la renaissance, qui crée les héros. On peut aussi parler de perte d’identité. En devenant des surhommes (au sens général), nos héros changent. Ils perdent leur statut de mortel commun pour devenir des dieux, ou du moins des demi-dieux, puisque tant Dc que la maison des idées ont eu à cœur de construire leur univers comme une véritable mythologie. A ce titre, le mega-crossover « Dc VS Marvel Comics » paru en 1996 témoigne d’une autre perte : celle du statut de multivers uniques. Les personnages des deux maisons s’étaient déjà rencontrés dans « Superman VS the Amazing Spiderman » par exemple, ou Batman et Hulk, mais ces histoires sont considérées comme des « what if » pour Marvel, ou des « elseworld » pour Dc : des histoires qui ne font pas partie de la continuité et se situent dans des univers parallèles.

« Dc VS Marvel Comics » tient tout à fait compte de la continuité du moment (on pense notamment à Ben Reilly en Spiderman, à l’époque où lui qu’on pensait être le clone de Peter Parker était en fait le vrai. Mais ça s’était avant qu’il perde son statut de vrai Peter Parker pour se révéler n’être vraiment qu’un clone…) et en tant que telle, vient remettre en question des univers établis et indépendants, en en faisant des voisins de galaxie en quelque sorte.


Mais bien avant cette déconstruction, Dc bouleversait sa mythologie avec son premier gros crossover, « Crisis on infinite earths », Avant cette histoire de 1985, l’univers Dc, c’était un multivers, il existait donc plusieurs versions de nos personnages. Mais le public trouvait ce concept un peu trop confus. Crisis vient mettre un peu d’ordre en détruisant des planètes, en tuant des héros, et en modifiant certaines origines. Alfred, le fidèle serviteur de Bruce Wayne, passe de trépas à vie, dans cet ordre. Jason Todd, second Robin, conçu comme un clone roux de Dick Grayson (partageant même son origine d’acrobate de cirque), devient un petit voyou brun orphelin, teigneux et rebelle (une nouvelle vision qui ne plaidera pas en sa faveur et conduire à l’apocalyptique « A Death In The Family »), Flash tel qu’on le connaît (c'est-à-dire Barry Allen, celui qu’on voyait dans la série tv) va purement et simplement finir en fumée (c’est du moins ce qu’on croyait jusqu’à « Final Crisis », dernier crossover en date de Dc). Bref, voilà une histoire qui va recimenter un univers complexe pour offrir une vision plus noire, plus sombre et plus réaliste, telle qu’Alan Moore et Frank Miller l’ont imposée.

Ces changements d’origine sont symboliques de la perte d’identité dont il était question plus haut, un thème prépondérant dans les comics. Matt Murdock a ainsi perdu la vue tout comme le caïd et plus récemment Gambit, Tony Stark a perdu son indépendance quand il a cédé à l’alcoolisme, Dace Lizewski perd son adolescence en enfilant des collants et en découvrant l’horreur d’un monde de violence. Clark Kent a perdu le statut de dernier fils de Krypton dans la saga "last son". On pense également à l’horrible perte de l’adamantium qui recouvrait les os de Wolverine, conduisant progressivement à sa perte d’humanité réelle, puisqu’il régressait au stade de félin. Une perte moins célèbre est celle de Gambit (qui reste l’un des héros les plus malchanceux) en tant que membre du groupe des X-men. Suite à l’arc « le procès de Gambit », dans lequel on découvrait qu’il avait aidé les maraudeurs et Mr Sinistre à anéantir les maraudeur, un groupe de mutants vivant sous les égouts, Malicia (Rogue) n’avait pas hésité à l’abandonner en antarctique.


Cet épisode interpelle alors sur la perte de confiance. Un thème cher à la science fiction, et aux récits d’anticipation en particulier. Les plus grandes équipes ont eu à faire face à des situations de crise (Et de ce point de vue, Dc a su choisir les bons titres pour ses crossovers, presque toujours appelés crisis). Qu’il s’agisse de la ligue de la justice d’amérique, dans des arcs comme « la tour de babel », « crise d’identité » ou « le Projet Omac », les vengeurs, qui se sont scindés à travers les âges, les conflits latents atteignant leur paroxysme avec « Civil War ». Mais si la perte de confiance entre héros alliés est courante, elle existe également entre criminels.


Récemment, le Riddler semble s’être racheté une conduite suite à une petite amnésie et officie comme détective privé freelance et honnête. Cette évolution apparaît logiquement après le traitement humiliant que lui ont infligé ses anciens comparses après sa défaite face à Hush. Mais alors que le personnage pensait pouvoir se fier à Catwoman et Harley Quinn qui se sont réformées, elles ont perdu sa confiance après l’avoir utilisé comme appât dans les pages du très moyen « Sirens of Gotham City » (Dini était un auteur particulièrement surestimé pour moi, mais c’est un autre sujet). Le lecteur lui-même ne sait parfois pas à quoi s’en tenir et finit par ne plus faire confiance aux personnages. Ainsi les épisodes 698 et 699 de Batman écrits par Tony Daniel ont-ils semé le doute et la confusion sur le Riddler. S’il semble probable de le voir retourner à ses premières amours, on ne peut que regretter ce changement, le personnage s’étant révélé plus charismatique que jamais en fin limier qui cherche à prouver qu’il est meilleur enquêteur que le chevalier de la nuit.



Après la perte de confiance du lecteur, vient celle de l’opinion publique. Spiderman a été considéré comme une menace tout au long de sa carrière, en grande partie à cause de l’acharnement de J.Jonah Jameson (un aspect qui est trahi par les films de Sam Raimi). Aujourd’hui, c’est Peter Parker qui a perdu toute crédibilité aux yeux de la ville de New York, en sacrifiant son intégrité de journaliste pour défendre un homme injustement accusé. Autre homme araignée, autre époque : Spiderman 2099 (l’une des meilleures séries que le monde des comics ait connues) plaçait au centre de son intrigue les notions de désobéissance civile et de manipulation gouvernementale à la « Big Brother ». L’ensemble des épisodes est construit avec beaucoup d’intelligence, faisant progresser plusieurs intrigues de front (notamment la perte de l’unité de la structure familiale) jusqu’à la remise en question complète d’un système à la limite de la dictature. « Batman année 100 » évoluait sur un trame similaire.


Le film « The Dark Knight » nous questionne à la fois sur les notions de pertes de confiances, sur la légitimité d’un mensonge censé protéger toute une ville, ce qui amène le concept de perte de repères, perte de limites, qui conduit à des abus de pouvoir. En ce sens, cette fin fait écho à celle de « Watchmen » D’alan Moore, dans laquelle un individu faisait le choix de sacrifier des milliers de vie pour « en sauver des millions ». La perte de la perception de la réalité est très présente dans les comics. Grant Morrison l’a utilisée de façon très appuyée (et réussie serais-je tenté d’ajouter, mais cela n’engage que moi) dans son long run, avant et pendant « Batman Rip », avec l’apport du carnet noir. Ce petit cahier recense l’ensemble des histoires incroyables que le héros a vécues, qu’il s’agisse de voyages intersidérales, de luttes contre des aliens… Une discussion entre Bruce Wayne et Alfred nous apprend qu’ils sont incapables de déterminer le réel de l’imaginaire dans ces histoires.

C’est par ce procédé que Grant Morrison a fait en sorte d’intégrer l’ensemble des histoires de Batman dans sa continuité (même si en vérité il a éludé certains faits un peu plus récents). Ce sont ainsi plusieurs dizaines d’années d’héritage d’histoires qui se perpétuent sans ce cahier qui évoque la perte de la prise sur le réel. Car la perte est presque toujours associéé à la transmission, à l’héritage.

Ainsi, un prochain article s’inscrira comme la continuité directe de celui-ci en abordant la question de l’héritage dans les comics.

dimanche 6 juin 2010

Stubbs The Zombie in : Rebel Without a pulse

Voilà un jeu qui n’a pas connu la renommée qu’il méritait, et pourtant il possède bien des arguments pour plaire aux fans de zombies. Le titre est à lui seul toute une histoire… le sous titre, plutôt… « rebel without a pulse, », une référence hilarante au titre original de « la fureur de vivre », : « Rebel without a cause ». Le nom du studio, wideloaded n’est pas forcément familier à beaucoup d’entre nous. Pourtant, son fondateur est connu pour avoir travaillé chez Bungie à la conception du jeu Halo. « Stubbs The Zombie » reprend d’ailleurs le moteur de chez Bungie, en le modifiant à sa sauce.


A ce titre, l’atmosphère graphique du titre est aussi surprenante que réussie. Les fans de la série Fallout ne sont pas totalement en territoire inconnue. Il ne s’agit pas ici, d’un monde post-apocalyptique, mais d’un univers de science fiction tel qu’on l’imaginait dans l’Amérique des années 50, avec les codes vestimentaires de l’époque. On a donc droit à des décors et vêtement très « happy days », avec une architecture de science fiction rétro, des robots ménagers et autres voitures volantes. Ce mélange improbable représente bien l’univers décalé du jeu. (Un parti pris qu'on retrouvera dans le film Fido avec Carrie-anne Moss, traitant également des zombies).

On incarne Stubbs, un ancien commercial décédé qui sort de terre avec la ferme intention, dans un premier temps, de dévorer tous les cerveaux d’humain qui se présenteront. Mais rapidement, sa quête sera de retrouver la femme de ses rêves, une starlette très Monroesque. L’ambiance sonore est en adéquation avec le reste, avec des chansons telles que « Mr Sandman », que Marty McFly entendait en arrivant dans le hill valley des années 50.

La progression du titre est à rapprocher de celle d’un beat’em’all : on avance et on démonte tout ce qui s’oppose à nous. Mais l’originalité de Stubbs est, comme abordé plus haut, de nous placer dans la peau en putréfaction d’un mort vivant, et non dans celle d’un de ceux qui les chassent. De fait, on se traîne plus qu’on ne marche, ce qui donne un rythme surprenant. Mais on profite aussi des avantages d’être en décomposition : arracher sa tête et s’en servir comme d’une boule de bowling pour faire tomber les humains comme des quilles, diriger son bras à distance, lancer des tripes explosives… l’originalité est réellement au rendez vous.


S’agissant d’un jeu de zombies, nous donnant la possibilité de dévorer des cerveaux humains, le gore est également au rendez-vous. Mais c’est surtout l’humour noir qui définit ce titre qui ne se prend jamais trop au sérieux. On regrettera peut être qu’il n’y ait pas plus d’objectifs précis à réaliser, ou de défis tels que le concours de danse contre le chef de la police, mais la répétitivité n’empêche pas de passer un bon moment.

Les environnements qu’on traverse sont assez vastes, et on ne sent pas trop pressé, ce qui permet de les apprécier à son rythme. D’abord classique, ils regroupent les clichés du genre avec bonheur. On se sent presque comme dans un film, du centre commercial à la ferme isolée, sauf que c’est notre personnage qui s’avance pesamment et inquiète les pauvres humains. N’oublions pas la possibilité de jouer à 2 en écran splitté qui rajoute au massacre la joie d’étriper en groupe.


L’idéal serait de voir un « Stubbs 2 » débarquer sur xbox 360, avec un contexte identique, mais un système de jeu plus approfondi. Avec la grande mode des zombies et des infectés, et sachant que le développement d’un second opus avait été annoncé en 2008, on peut toujours espérer une sortie prochaine…

mardi 1 juin 2010

la folie naughty bear

Il ne s'agit pas d'un comic book, mais ce jeu qu'on devrait voir arriver sur xbox360 et ps3 dans le courant du mois présente des zombears, il a donc tout à fait sa place ici.


Petit récapitulatif: on joue le naughty bear, marginal sur perfection island où tous les autres oursons sont chatoyants et on le poil doux. Lui, balafré et socialement inadapté est la risée de tous. Le jour où il n'est pas invité à un anniversaire, c'est la goutte d'eau, Naughty Bear décide de faire payer aux autres ours tous les tours qu'ils lui ont joué... de leur vie.

Sorte de manhunt chez les bisounours, le jeu s'appuie sur le décalage entre un univers rose bonbon et des meurtres ultra violents: cervicales brisées à coups de pied, tête éclatée contre la portière d'une voiture, électrocution, poils incendiés dans un barbecue... les développeurs annoncent 256 mises à mort différentes. Mais la cerise sur le gâteau reste la possbilité de pousser un ourson au suicide en l'effrayant. La torture psychologique, le meurtre sous ses yeux d'un ami et le fameux "booooh" hurlé en plein visage peuvent le faire basculer....


Le concept s'annonce jubilatoire, en espérant qu'il tienne la route sur l'ensemble du jeu. Pour nous faire attendre, les développeurs ont réalisé des parodies de classiques de l'horreur tels que "aliens", "les dents de la mer", ou encore "le projet blairwitch" (n'oublions pas la jaquette qui parodie un passage culte du film "shining"). Ces vidéos sont hilarantes, et ont été suivies d'un concours d'affiche de films sur "Naughty Bear".

Voici celles que j'ai soumises.