dimanche 29 novembre 2009

Le Procès de Oui Oui - Chapitre 4


Chapitre 4 : Aux frontières de la folie


Les pas s’arrêtent… juste à côté de sa cachette… puis la personne s’éloigne… Mais qui est ce personnage qui le poursuit. Y a-t-il un lien avec cette créature qui l’a attaqué à la sortie d’Arkham ? Si on cherche à le tuer, c’est certainement qu’il est sur la bonne voie pense-t-il. Il lui faut donc continuer ses investigations. Mais avant de s’infiltrer, il doit découvrir pourquoi Mr Culbuto l’a dénoncé aux forces de l’ordre. Peut être obtiendra-t-il des renseignements importants... peut être que Mr Culbuto a vraiment joué un rôle dans cette histoire, comme avait l’air de le penser le gnome…




Afin de passer inaperçu, le pantin s’habille d’un par-dessus marron et d’un chapeau. Une fois aux abords de l’épicerie de Mr Culbuto, il s’engage dans une ruelle sur le côté, et décide de s’introduire dans l’arrière boutique, afin de ne pas attirer l’attention des clients. Lorsque le gros bonhomme rentre à son tour, Oui-oui se glisse derrière lui et pointe un gros feutre dans son dos.



« - Si vous bougez je vous descends !

- Oui-oui ? tu ne vas quand même pas…

- silence ! Pourquoi vous m’avez dénoncé ?

- Je ne voulais pas, mais après ce qui est arrivé à ce pauvre Potiron…

- Menteur ! Potiron était mon meilleur ami ! Vous saviez très bien que je n’aurais jamais pu faire ça !

- Je... je ne savais pas quoi faire, je suis désolé, tu comprends, si je ne t’avais pas signalé, on m’aurait arrêté pour complicité et mon magasin…

- Votre magasin ?! Potiron est mort, on me pourchasse, et vous ne pensez qu’à votre magasin ! Qu’est-ce que vous savez sur la mort de Potiron ?

- Mais rien voyons, je…

- Arrêtez votre numéro ! J’ai lu son journal. Vous l’avez croisé, ou peut être même suivi après un de ses meetings. Vous saviez ce qu’il faisait. Qui me dit que ce n’est pas vous qui l’avez dénoncé à ces hommes qui le surveillaient ?!

- Mais enfin, de quoi tu parles ?

- Vous m’avez assez pris pour un idiot, il est temps d’en finir…

- Non, non ne fais pas ça ! D’accord, j’ai dit à ces hommes qu il était et où il habitait, mais c’est tout !

- Comment êtes-vous rentré en contact avec eux ?!

- En fait, j’ai remarqué que Potiron se rendait régulièrement dans ce quartier, ça m’a intrigué.

- Vous cherchiez encore un ragot à colporter…

- Je… oui. Je pensais qu’il avait une liaison ou quelque chose comme ça. Mais ce que j’ai découvert était bien plus croustillant… Et puis ces hommes m’ont proposé un marché : je leur révélais tout ce que je savais sur Potiron et ils me payaient grassement. Je ne pouvais pas laisser passer une chance pareille !

- Ordure ! C’est ta faute s’il est mort !

- Non, je te jure, je pensais qu’ils se contenteraient de lui faire peur, je !

- Silence ! Tu vas payer maintenant ! »






Fou de rage, Oui-oui envoie un direct du droit dans le nez de l’épicier, l’assommant à moitié, et l’envoie mordre la poussière d’un coup de pied dans le ventre. Sans lui laisser le temps de se relever, il l’attrape par le col, le soulève, et le jette à travers la vitre. Il s’élance alors à travers les débris et hurle « Toi je vais te défoncer !!!! ».Stupéfait par la violence de son adversaire, Mr Culbuto attrape les chevilles d’une passante et la fait tournoyer en l’air comme une massue. Puis il s’avance vers le nain et lui assène un coup de son arme improvisée. Il enchaîne alors avec un direct en pleine mâchoire, mais c’est lui qui se fait mal en atteignant la tête en bois du pantin.Alors que ce dernier se prépare à en finir avec l’épicier, des sirènes de police retentissent. Oui-oui s’enfuit dans une ruelle en criant : "J’te retrouverai pourriture!". Dans sa hâte, il trébuche sur une poubelle et roule à terre. En se relevant, il constate qu’il a fait tomber son bonnet. Mais il ne peut plus revenir en arrière, ou bien on l’arrêtera. Oui-oui n’a pas le temps de cacher le bonnet, mais il sait à présent que la piste du journal était la bonne…


En passant par les petites ruelles, il n’a aucun mal à semer ses poursuivants pour une fois. Mais s’il veut mener à bien ses investigations, il doit se débarrasser de son identité civile… on ne doit plus le reconnaître… Il lui faut une tenue qui lui permettra de se fondre dans la masse. Une fois la nuit tombée, il décide de s’introduire dans un magasin de vêtements. L’alarme se déclenche, mais il n’est pas inquiet : les forces de l’ordre ne mettent pas les pieds dans le quartier défavorisé de la ville. Une ville réputée pour son confort et son harmonie… parce que peu de gens la connaissent dans son ensemble. D’ailleurs, Oui-oui a toujours refusé de s’éloigner de son pâté de maison… Aujourd’hui, tout est différent… Bonnet noir, col roulé noir, pantalon noir… personne ne le reconnaîtrait. Même lui a bien du mal à se retrouver. De toutes manières, il n’est plus sûr de le vouloir. Il a vu bien trop de choses pour retrouver son ancienne vie.
Alors qu’il avance tête baissée, il ne peut s’empêcher de penser que tous les regards sont braqués sur lui… si on le reconnaissait ? Si on finissait par l’attraper ? Non, il ne peut pas échouer. Pas maintenant. Il doit d’abord retrouver les assassins de Potiron et les faire payer… S’ils n’en finissent pas avec lui avant… Mais comment ont-ils pu envoyer à ses trousses une créature si monstrueuse et un individu habillé d’argent sans attirer l’attention ? Quelque chose ne colle pas… Peut-être ont-ils pensé qu’en jouer la carte de l’extravagance, on ne penserait pas à eux… Bientôt, il saurait…
Oui-oui connaissait la situation de ce quartier. Mais c’est une chose de s’imaginer la misère, et c’est autre chose que de la voir de ses propres yeux. Malgré ses efforts, il ne peut réprimer le nœud qui lui broie l’estomac. C’est donc pour venir en aide à ces gens que son ami est mort… Visitant tous les lieux les plus fréquentés, le pantin tente de repérer les hommes qu’a pu approcher Potiron, posant questions sur questions, essayant de se faire remarquer, pour les obliger à sortir de leur cachette… Mais personne ne semble comprendre de quoi il parle… Le meurtre a dû en secouer plus d’un… Mais il ne peut pas abandonner. Il finira bien par trouver. Ou alors on le trouvera, et à ce moment, ils le regretteront…
Alors qu’il est accoudé à un bar, quelqu’un pose la main sur son épaule droite, et une voix féminine lui demande de se rendre derrière l’établissement. S’exécutant immédiatement, notre héros tombe nez à nez avec une jeune femme pantin, d’à peu près sa taille, dont la tête penche, non pas d’arrière en avant comme lui, mais de gauche à droite.
« - Je sais qui vous êtes Oui-oui. Vous feriez bien de rentrer chez vous.
- Je ne partirai pas. Je suis en quête de réponses.
- Pour quelqu’un qui n’a jamais su dire non, je vous trouve un peu trop catégorique.
- Il n’y a plus de Oui-oui. J’ignore ce que vous me voulez, mais si vous ne pouvez pas répondre à mes questions, merci de me laisser.
- J’ai connu votre ami. Il était très têtu lui aussi… et maintenant…
- Vous connaissez Potiron ?!
- Difficile de ne pas le connaître. Il a passé des journées entières à discuter avec nous ici, à nous rappeler tout ce qui n’allait pas… Vous savez où ça l’a conduit. Si vous ne voulez pas connaître le même sort, vous devriez oublier tout ça et partir…
- Attendez ! »

Mais la jeune fille n’écoute plus et s’en va. Il ne sait pas vraiment pourquoi, mais il ne peut pas s’empêcher de la suivre. Il sent irrésistiblement attirée par elle. Jamais une femme ne l’avait troublé ainsi. En vérité, jamais une femme ne l’avait troublé… A chaque instant qui passe, elle s’enfonce un peu plus dans la foule, forçant Oui-oui à accélérer le pas un peu plus. Il en oublierait presque pourquoi il est ici. Plus rien ne semble compter qu’elle… Sans jamais se retourner, elle se déplace dans un labyrinthe dont elle semble avoir le plan en tête. Finalement, le pantin la rattrape, et l’entraîne dans une ruelle vide. Sans rien dire, il la plaque contre un mur et commence à l’embrasser avec fougue…Avant qu’il n’ait eu le temps de comprendre ce qui se passait, les voilà chez elle...Après une explosion romantique d’une sauvagerie incroyable, les deux amants s’endorment enlacés


« - Tu es aussi douce qu’un loukoum arrosé de miel de sapin.
- Et toi, tu es mon taxi du plaisir. Je n’aurais jamais imaginé ça…
- Il y a tellement de choses que j’ai vu ces derniers jours et que je n’aurais jamais imaginées…
- Je… je ne peux pas… écoute, ces hommes, ils m’ont payé pour t’éloigner. Ils savaient que tu viendrais mettre ton nez dans leurs affaires après la disparition de ton ami. Je devais te conduire dans leur repaire pour qu’ils te passent à tabac… Mais je ne pouvais pas et maintenant… j’ai peur.
- Il ne faut pas. Je ne les laisserai pas te faire de mal. Quand tout ça sera fini, je t’emmènerai loin d’ici. Mais d’abord, je dois leur faire payer ce qu’ils ont fait à mon ami.
- Mais tu ne pourras jamais les vaincre ! Ils sont trop nombreux, ils…
- Je n’abandonnerai pas, je te l’ai déjà dit. Et puis il n’y a pas que Potiron : je dois laver mon honneur.
- Mais… »

Avant que la jeune femme n’ait le temps de terminer sa phrase, la porte d’entrée vole en éclats. D’instinct, le nain en bois s’empare de la lampe de chevet et la fait tournoyer, avant de percuter le crâne d’un de ses agresseurs avec cette massue improvisée. Mais déjà, un autre sbire se jette sur lui et tente de briser le ressort qui lui sert de cou. Immédiatement, Oui-oui lui assène un direct du droit dans le nez, pose ses pieds sur son ventre, et le repousse en étirant ses jambes. Se relevant d’un flip avant, le pantin reçoit un coup de pied dans l’estomac qui le renvoie mordre la poussière. Deux hommes lui saisissent les bras et cogne son crâne contre le mur. Alors que la douleur commence à devenir insupportable, il trouve la force de réagir et envoie son pied droit en arrière, atteignant le tibia de l’un d’eux qui s’écroule en tenant son membre meurtri. Profitant d’avoir un bras libre, le pantin bourre l’estomac de son autre agresseur de coups de poing, puis lui attrape le nez et le tord aussi fort qu’il peut, avant de le pousser sauvagement contre un mur.

Soudain, il se sent léviter, son corps quitte le sol… un homme de main gigantesque le soulève, et le projette à travers la vitre de la chambre. S’écrasant lourdement sur le petit balcon de secours, il constate que ses poursuivants sont venus en nombre : une dizaine l’attend à l’extérieur. Sa nouvelle amie a raison : il ne peut pas les affronter tous, pas dans l’immédiat. Il n’est pas prêt. Il lui faut s’enfuir ! Il s’élance dans les escaliers de secours avec l’énergie du désespoir. Mais à peine l’a-t-il atteint que la porte de la cage d’escalier s’ouvre avec fracas : le gorille qui l’a jeté par la fenêtre est déjà là. Prenant une grande inspiration, Oui-oui court jusqu’au bord du toit et saute de l’autre côté, atteignant l’immeuble voisin de justesse. Mais une autre surprise l’attend : l’homme en combinaison argentée le pointe de son arme. Le pantin a juste le temps de plonger au sol pour éviter sa rafale, qui atteint l’homme de main qui le poursuivait en plein vol. Le malheureux part alors s’écraser quelques mètres plus bas, dans un bruit d’os brisés. Mais Oui-oui n’a plus de force, il est à la merci de son agresseur. Il ne pourra pas esquiver le prochain coup.



Alors que l’homme d’argent va faire feu, un homme en combinaison dorée se jette sur lui et l’assomme d’un direct en plein visage. « Il faut qu’on s’enfuie, je t’expliquerai ce qui se passe quand on sera en sécurité ! » Lance-t-il au pantin avant de joindre le geste à la parole et de sauter sur un toit voisin. Après un sprint effréné de toits en toits, les deux compagnons de fortune s’arrête dans un vieil immeuble délabré.
« - Je sais que tu essaies de venger ton ami, mais il ne faut pas.
- Qu’est-ce que vous racontez ? Vous êtes avec ces ordures en fait ?!
- Non, c’est plus compliqué que tu ne crois. Je viens du futur. Je m’appelle Chapiro.
- Je ne vous crois pas. Vous ne pouvez pas venir du futur et porter une tenue aussi rétro.
- Tu serais surpris de voir comment son les choses… mais tout ça n’est pas important. A mon époque, le monde est dirigé par un dictateur. Le pire qu’on ait connu depuis longtemps.
- Quel rapport avec moi ?
- Tu connais très bien ce dictateur. Il s’appelle Potiron…
- Vous dîtes n’importe quoi ! Potiron ne ferait pas de mal à une mouche. Son but était d’aider les gens qui souffrent !
- Au début, oui. Mais après avoir renversé le pouvoir en place, il est devenu orgueilleux, égocentrique, et paranoïaque. Il fait systématiquement exécuter ceux qui s’opposent à lui…
- Je ne vois pas comment il aurait pu passer à un tel extrême !
- Les gens ont souvent des intentions nobles, mais ils se laissent dépasser par les événements, et c’est ce qui est arrivé à ton ami. Il a perdu la tête et multiplié les exécutions. Tout le monde vit dans la terreur.
- Donc… si je comprends bien… c’est vous qui l’avez tué…
- Il le fallait, pour que cesse toutes ces horreurs.
- Et vous ne pouviez pas vous contenter de faire rater son putsch ?!
- ça n’aurait pas été suffisant. On a envisagé cette éventualité, mais ça ne l’aurait pas découragé… Vous comprenez ? »
Galvanisé par la rage, le pantin sent ses poings se serrer. Il n’est plus maître de son corps… sans même s’en rendre compte, il se jette sur son interlocuteur et lui arrache son casque avant de lui bourrer le crâne de coups de poings. Lorsqu’il arrête de frapper, il ne reste qu’une bouillie rougeâtre…
Suite et fin dans le chapitre 5 du procès de Oui-Oui.



vendredi 27 novembre 2009

Le procès de Oui Oui Chapitre 3

Chapitre 3 - L'ignoble vérité









Les forces de l’ordre vont encore le pourchasser. Il doit d’abord atterrir quelque part, se déguiser, et se rendre à pied chez le gnome. Sinon on le repèrera trop facilement. Il ne peut pas rentrer chez lui, on doit l’y attendre. Et tous les magasins sont fermés. Il n’a pas le choix, il doit rentrer par effraction dans l’un d’eux. Habillé tout en noir et déguisé d’un passe-montagne, il se faufilera plus facilement.




Sautant de toit en toit, il finit par atteindre celui de la maison de son ami. Il n’a qu’à passer par la cheminée pour rentrer. Ainsi, personne ne le verra. La chute est plus spectaculaire qu’il ne l’aurait cru. Heureusement qu’il est fait de bois, ou bien il se serait vraiment fait mal ! Par ailleurs, le bois étant un combustible à l’efficacité redoutable, notre héros ne peut qu’être heureux que personne n’ait eu l’idée d’allumer un feu !A présent, il lui faut être minutieux afin de découvrir ce qui pourrait pousser quelqu’un à vouloir assassiner un innocent comme Potiron. Les lieux ont déjà été retournés par les forces de l’ordre, mais lui seul connaît suffisamment son ami pour deviner ses cachettes…



Personne ne s’était jamais demandé comment un réfrigérateur de tailler normale pouvait assouvir la faim Gargantuesque du gnome. Personne à part Oui-oui. Il avait un jour découvert que le meuble réfrigérant en question n’était qu’un leurre. En actionnant une manette, on découvrait une entrée juste derrière. Le pantin n’avait jamais eu l’occasion de s’aventurer plus loin. Son ami était toujours arrivé juste avant qu’il n’ait le temps de s’engouffrer dans l’ouverture. Il va enfin percer le mystère, même s’il est certain de trouver des vivres pour des mois…



Le garçon de bois avance à tâtons dans l’obscurité, cherchant désespérément l’interrupteur salvateur qui lui permettra de poursuivre ses investigations. Soudain, la porte dérobée se referme, le laissant dans le noir le plus complet. Il lui faut absolument trouver la lumière pour sortir. Sentant son rythme cardiaque s’accélérer, il s’arrête de chercher quelques instants pour reprendre son souffle et se calmer. Finalement, ses doigts atteignent la surface si ardemment attendue. Quelle n’est pas sa surprise lorsqu’il constate l’absence totale de nourriture. Au lieu de ça, des piles de papier inondent la pièce. Il s’agit de tracts. Des tracts politiques.



Oui-oui se sent trahi au plus haut point en comprenant que celui qu’il avait toujours considéré comme son meilleur ami n’était autre que son pire ennemi : un gauchiste ! S’il avait découvert cela quand son ami était encore en vie, il l’aurait peut être tué lui-même.Mais les choses ont beaucoup changé en quelques heures, et le nain n’est plus certain de savoir en quoi croire.



Il doit y avoir autre chose cependant. Hormis les tracts et les T-shirt ornés d’une étoile rouge, il trouve un cahier… ou plutôt un journal… le journal de Potiron….





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Les vacances d’été approchent à grand pas, le temps est là pour en témoigner. C’est une époque que j’affectionne particulièrement. Elle me rappelle les vacances en famille de mon enfance, mais aussi les après-midi entre copains au bord de la plage, les flirts… Tout ça paraît tellement loin… Quand je repense à tout ça et que je vois le nombre de personnes qui vivent dans la misère… pourquoi tous les enfants n’auraient pas le droit de profiter d’été aussi beaux que ceux que j’ai connus ? Oui-oui aime beaucoup l’été lui aussi, mais parce qu’il a plus de clients et qu’il peut travailler encore plus…Tout ça me paraît tellement injuste… mais que puis-je y faire ? J’aimerais changer les choses, mais je ne sais pas par où commencer. Je me sens tellement inutile, tellement égoïste…Je ne peux plus continuer comme ça. Je ne peux plus me satisfaire de cette vie, rester les bras croisés en sachant que des gens, des enfants souffrent. Je vais trouver quelque chose….




Vendredi 13 juin




Aujourd’hui, j’ai parlé à Oui-oui de ce que je ressentais, de l’injustice de lois qui refusent aux gens d’échapper à leur destin… Il m’a répondu qu’on ne pouvait pas accepter que ces gens viennent « chez nous » sinon ce serait la porte ouverte à tout. Tout le monde viendrait squatter chez nous et ça ne serait pas juste. Il est bien content d’avoir plus de monde à conduire dans son taxi, mais il ne veut pas partager autre chose…Il n’a rien compris. Pourquoi serait-on plus chez nous ici qu’eux ? Parce que nous y sommes nés ? Pourquoi serions-nous propriétaires d’un endroit ? La terre n’appartient à personne. Ces gens n’ont pas mérité de vivre dans la misère. On leur refuse un avenir meilleur, et sous quel prétexte ? Ils sont nés ailleurs. Coupables d’être nés ailleurs…Et on vient nous parler de justice. Ça me rend malade. Mais ce qui me rend fou, c’est d’entendre des gens prendre leur pied en sachant qu’on renvoie ces malheureux dans des pays où le seuil de pauvreté atteint des cimes incongrues… Comment peut-on se laver les mains de la souffrance comme ça ? Cette fois, c’est décidé, il faut que je fasse quelque chose…






Vendredi 4 juillet




Ce voyage m’a fait beaucoup de bien. J’avais besoin de voir de mes yeux cette souffrance que je connaissais de loin. Quiconque voit ça ne peut se sentir indifférent. Si seulement la population avait conscience de tout ça… de cette chance que nous avons… J’ai pu rencontrer des gens fascinants… des gens qui m’ont donné des idées. On ne changera pas les choses sans bouleversements… Tant que l’économie primera, des gens comme Oui-oui continueront de ne se soucier que de leur petite personne. Si tout ça est tellement injuste, c’est parce que c’est l’argent qui gouverne. Si on renverse le pouvoir et qu’on met fin à ce culte de l’argent, on pourra enfin commencer à penser aux autres. Mais je ne peux pas faire ça seul. Je dois organiser un putsch dans les règles. Et pour ça, il me faut de l’aide. Je dois être discret. Tant que nous ne serons pas assez pour remporter la victoire, personne ne doit être au courant de mon projet. Je vais m’infiltrer dans les quartiers les moins aisés. Là où les gens doivent se battre pour survivre. Leur désespoir sera le moteur de notre révolution. Ils voudront aider ceux qui souffrent encore plus qu’eux…


Mardi 8 juillet
J’ai déjà commencé à me faire des connaissances parmi les populations les plus défavorisées de la ville. Mais contrairement à ce que je croyais, ils n’ont pas l’air intéressés par le sort des malheureux qui viennent ici. Seule leur propre misère semble leur importer. Qu’à cela ne tienne, j’utiliserai leurs propres arguments pour les convaincre de m’aider. Ce n’est pas un procédé qui me plait, mais ils bénéficieront également des progrès de notre nouveau système. Il faut que je continue à les motiver, pour le moment, il est trop tôt pour lancer une attaque…En rentrant, j’ai rencontré Mr Culbuto. J’ignore comment, mais il avait l’air de savoir pourquoi j’étais là-bas. Je ne sais pas encore si je devrais tout lui dire, ou s’il peut s’agir d’un piège…

Vendredi 11 juillet
J’ai été repéré par des hommes de main des boites qui emploient mes camarades de la révolution. Ils me prennent pour un activiste qui cherche à couler leurs commerces. Je dois être prudent. Je vais me faire discret quelques temps. Une révolution ne se fait pas en 1 mois, et je dois être sûr de moi pour la réussir. Tant que ces hommes seront après moi, je ne pourrai pas me concentrer sur ma tâche. Par chance, ils ignorent qui je suis…

Samedi 12 juillet

Oui-oui est passé me voir aujourd’hui. Je suis un peu inquiet à ce sujet. Il a bien failli découvrir ma cachette. S’il comprenait mon projet, il me dénoncerait certainement. C’est un fervent serviteur de l’Etat. Pour lui, seul comptent l’ordre établi et l’argent… Je n’aurais jamais cru devoir me méfier de mon meilleur ami un jour… mais dorénavant, il va falloir que j’évite de trop le voir…

Vendredi 25 juillet

Depuis deux semaine,, je pense que je suis surveillé. Je vois sans cesser traîner un groupe d’hommes. Je les croise dans tous les endroits qui me sont familiers et ils ne cessent de me dévisager… Ils m’ont peut être découvert, mais je suis sûr qu’ils n’oseront rien faire. Ils essaient juste de m’intimider… Mais mon combat est trop important. Je vais faire profil bas quelques temps, peut être partir à la campagne pour me ressourcer, leur faire croire que j’abandonne… et quand je reviendrai, je serai plus fort ! Il faut quand même que j’aille prévenir les autres avant de disparaître…

Samedi 26 juillet
Impossible de les retrouver ! J’ai eu beau me rendre à tous nos lieux de rendez-vous, je n’en ai trouvé aucun. J’ai même essayé de les attendre discrètement à la sortie du travail, mais impossible d’en croiser un seul… et s’ils les avaient fait disparaître ? Je commence à être inquiet pour ma vie. Les hommes qui me surveillent ne prennent même plus la peine de se cacher : ils restent jour et nui devant ma maison… Je ne peux pas appeler la gendarmerie… je ne dois pas compromettre la révolution pour ma propre sécurité… mais je commence à avoir peur… je me sens seul… je me sens fatigué… La nuit, j’entends des bruits, comme si on essayait de s’introduire chez moi… je n’en dors plus ! Il faut absolument que je m’éloigne…



Dimanche 27 juillet
Oui-oui veut absolument me voir chez lui ce soir. Je ne sais pas pourquoi, il est resté très évasif. Mais je lui dois bien ça. Depuis que j’ai entamé ma mission, je ne lui ai plus consacré de temps, et je ne peux pas partir sans lui dire au revoir. Ça ne me retarde que d’un jour après tout… Même si nous ne partageons plus grand-chose, nous avons été amis pendant si longtemps… et puis il est plus inconscient que méchant. Je vais préparer un sac avec quelques affaires, et je partirai dès que je l’aurai vu. Ce sera plus sûr que d’attendre demain. Et puis il me servira de diversion…>


Le pantin n’arrive pas à en croire ses yeux…lui qui pensait connaître Potiron… il a l’impression de découvrir un inconnu… Il comprend mieux pourquoi son ami était si distant ces derniers temps… Comme il aimerait pouvoir retourner en arrière, discuter avec lui et même, l’aider ! Le Joker et Potiron ont complètement changé sa façon de voir les choses…Le Joker… et s’il était en danger lui aussi ? Mais que pourrait-il y faire ? Pour le moment, c’est lui qu’on poursuit, et on a déjà essayé de le tuer à plusieurs reprises… En plus, il n’a rien trouvé de tangible pour l’innocenter. Le journal de Potiron pourrait orienter les forces de l’ordre vers d’autres pistes, mais ça ne suffirait pas à laver son honneur. Et puis l’assassin (ou les assassins) a pris soin de laisser des preuves incriminant le pauvre Oui-oui sur le lieu du crime…

Au moins, il sait à présent qu’il lui faut s’orienter vers les quartiers défavorisés pour retrouver le tueur. En retraçant le parcours de Potiron, et en se faisant remarquer comme lui, il remonterait la piste et mettrait fin à cette machination… Il lui faudrait envoyer le journal de Potiron au Gendarme par mesure de sécurité…
Alors qu’il sort de la cachette, constate la présence de poils de différentes couleurs sur le carrelage de la cuisine. Alors qu’il se baisse pour le ramasser le réfrigérateur explose, le propulsant à travers la vitre. En se relevant, il constate qu’un homme habillé en combinaison argentée le pointe d’une arme étrange. Le nain a juste le temps de rouler sur le côté pour esquiver la rafale qui lui destinait l’étranger. Il s’élance aussi vite qu’il peut et plonge dans un buisson, espérant obtenir quelques minutes de répit… mais l’individu ne cesse de lui tirer dessus. Oui-oui rampe alors le long du buisson, et se glisse dans un trou bordant la clôture… qui disparaît en fumée après un nouveau tir de son agresseur. Il n’a pas le choix, il lui faut aller en ville. Au milieu de tous les passants, son poursuivant ne pourra pas le retrouver et n’osera pas tirer ! Il n’est qu’à quelques centaines de mètre du boulevard le plus fréquenté ! Prenant une grande inspiration, il se lance dans un sprint épuisant, si bien qu’il est pris de douleurs insupportables dans tout le corps… mais il ne peut pas s’arrêter… s’il cesse de courir, on le tuera !

Soudain, un tir atteint sa jambe droite, le projetant au sol… la douleur est telle qu’il en pleurerait. Il n’a jamais connu de souffrance aussi vive... et pourtant, il lui faut se relever. Ou bien la prochaine balle risque de le tuer… Chaque pas est une torture, et il ne peut que boiter, mais il continue… Le voilà à présent au milieu de la foule… il lui faut se faufiler dans une ruelle pour se cacher… il a besoin de repos… Il sait que son assaillant est tout prêt… mais s’il ne s’arrête pas, la fatigue le tuera… Se précipitant dans une ruelle sur sa droite, il se jette dans une benne à ordures, et se cache sous les rebuts, s’en recouvrant autant qu’il peut…

Il entend des pas se rapprocher, et se prend à prier…



A suivre

lundi 16 novembre 2009

Le procès de Oui Oui chapitre 2









Chapitre 2: Jailhouse Oui-oui


Le pantin écoute à peine quand le juge prononce sa sentence, basée sur une preuve irréfutable, ce bonnet qui lui appartenait : enfermé à vie à l’asile d’Arkham. Le psychiatre qui l’a examiné, le docteur Crane, a jugé son état inquiétant : Oui-oui représente un danger pour la société, mais un danger qu’il ne peut contrôler a-t-il dit. Il a besoin d’être soigné et devrait être interné dans un établissement spécialisé… Si c’était vrai ? S’il était devenu fou ? S’il avait tué Potiron ?

Alors qu’on l’emmène dans le véhicule qui le conduira à l’asile d’Arkham, le bonhomme de bois remarque une silhouette qui semble le surveiller…Il reconnaîtrait cette ombre difforme n’importe où ! C’est celle qui le poursuivait la nuit du meurtre ! Il interpelle les gardes, leur jure que le meurtrier est juste là, mais personne ne veut le croire… et l’ombre semble se rire de sa détresse… Pourtant, personne à part lui ne semble la voir ! Si elle n’est pas réelle, alors il est condamné, lui aussi…Vacillant entre les différents degrés de réalité, Oui-oui se sent misérable… un fou meurtrier… comme sa mère… pourtant, il avait tout fait pour ne pas devenir comme elle… Et son grand père… lui aussi était devenu fou… C’était peut être une malédiction qui frappait sa famille ? Peut être étaient-ils tous condamnés à perdre la raison ?

Mais sans doute ne le saurait-il jamais. Après tout, sa lignée allait s’arrêter avec lui, puisqu’il allait passer le reste de ses jours dans un asile… A présent, l’ombre semblait le suivre partout. Chaque ruelle que le véhicule passait, chaque coin sombre, semblait être un repaire pour cette silhouette menaçante… Peut être qu’il avait réellement besoin d’être interné. Au moins, elle ne le suivrait pas là-bas. Elle cesserait de le tourmenter, cette ombre sans visage…



Lorsque le véhicule s’arrête devant le lourd portail de l’asile, Oui-oui sent son cœur se serrer. Il n’avait jamais vu un bâtiment si sombre et si effrayant… Mais une fois à l’intérieur, tout change. Fini cette impression terrifiante de terreur… Une musique chaude et exotique vient réconforter son pauvre cœur. Un chant qu’il dirait Hawaïen retentit dans les couloirs de l’asile. Les chambres des détenus sont fermées par des vitres en plexiglas. Un homme à la peau entièrement blanche, aux cheveux verts et aux lèvres rouges, habillé comme une vahiné, tape sur un tambour en chantant, accompagné par un petit homme portant un chapeau gigantesque. Les détenus sont enfermés dans leur cellule individuelle, ce qui ne les empêche pas de partager ensemble ce moment de bonheur. Une jeune femme brune, très élégante accompagne de sa douce voix et de ses mouvements angéliques le chant de ses compagnons de cellule. En fait, les individus les plus surprenants peuplent les couloirs de l’asile, mais tous prennent plaisir à accueillir « le petit nouveau » de leur chant de bienvenue. Au bout du couloir, Oui-oui reconnaît même Monsieur Culbuto.

A peine le chant de bienvenue terminé, les internés enchaînent avec une reprise très réussie de « jailhouse rock », chantée par un homme dont la moitié du visage est brûlée. Toute la peau de la partie gauche est rongée, comme si on l’avait trempée dans de l’acide. Ce qui n’empêche pas le bougre de se démener derrière son micro, en lançant régulièrement une pièce de monnaie en l’air. Finalement, il se tourne vers Oui-oui et lui annonce :

« - Avoir de la chance 23 fois de suite, c’est assez extraordinaire. Il semble qu’on t’accepte parmi nous. On m’appelle double-face. Là-bas, c’est le joker à côté de lui, le chapelier fou. En bout de couloir tu as Mr Culbuto et en face de lui, le bienveillant Oswald Copplebot, mais tu peux l’appeler pingouin. Enfin, la lady que tu vois est Mary Poppins, une gouvernante talentueuse. Et toi, comment tu t’appelles, petit ?

- Je… Oui-oui m’sieu.- Et qu’est-ce que tu fais là Oui-oui ? Tu m’as l’air d’un garçon équilibré…

- Mais voyons, coupe le Joker, qui n’est pas équilibré ici ? C’est dehors que les gens sont fous ! Moi je suis là pour me reposer de la bêtise de tous ces gens, mais je sors quand je veux.

- C’est vrai ? S’écrie Oui-oui. Mais comment faîtes-vous ?

- Chaque chose en son temps. Réponds le Joker. Dis nous d’abord ce que tu fais là, ou tu risques d’énerver face marbrée.

- Je t’ai déjà dit de ne pas m’appeler comme ça Joker ! Lance double face, en jetant sa pièce en l’air. - Ils disent que je suis fou et que j’ai tué mon ami Potiron, mais c’est faux ! Je lui ai organisé un dîner surprise d’anniversaire !

- Un dîner d’anniversaire ? Intervient Mary Poppins ? Comme c’est mignon ! Je vois d’ici les jolies banderoles, le gros gâteau, les chapeaux pointus…

- Oui, il y avait tout ça et…

- et le chantier que vous laissez au petit personnel une fois la fête finie ! Hurle Mary Poppins. J’ai horreur des fils de bourges qui veulent se la jouer rebelles épris de liberté ! Y a rien de pire ! Vous ne pensez qu’à vous, ça me rend folle !

- Bravo petit, tu nous l’a énervée ! Lance le joker, hilare. Je te jure que celle-là, dès qu’on sort, je me la fais ! Mais revenons-en à nos moutons, si tu n’as pas tué ton ami, alors qui ?

- Je ne… je ne sais pas, tout ce que j’ai vu c’est une ombre, et elle me poursuit et…

- Il en tient une couche le garçon ! Coupe le Joker, un sourire machiavélique sur les lèvres. Tu devrais lui parler un peu, chapelier.

- Oui, mon petit, il a raison. J’ai déjà trouvé un rôle pour ce brave Culbuto, et depuis il n’en sort plus ! Mais on a un poste vacant, et je crois que tu serais parfait, tête de bois !

- De quoi vous parlez ? S’inquiète Oui-oui.- Et bien je porte un chapeau, mais surtout je vends des chapeaux. Ils ne sont pas pour moi. Simplement, les chapeaux ne suffisent pas ! Et puis on a besoin d’un guide. Le chat qui nous donnait des ordres est mort. Mais tu fais à peu près la même taille, et tu as la même tête ronde, si on te scie les dents, elles seront suffisamment pointues pour que tu le remplaces !

- Mais je ne veux pas prendre la place d’un chat !- Petit, intervient double-face, la vie c’est pas compliquée : tu deviens le chat et on t’emmène avec nous en promenade, ou tu refuses et tu restes ici. Si tu n’arrives pas à te décider, je décide pour toi, mais ça ne te plaira peut être pas. Enfin, laissons faire le dest...

- Non, je veux bien être votre chat ! Mais emmenez-moi avec vous, je vous en prie ! »Alors que Oui-oui a pris une décision qui va changer le cours de sa vie, une infirmière d’une corpulence admirable investit leur couloir en hurlant « piqûre !!! ».



« - Tu te demandes ce qu’on t’a fait ! Lance le Joker, un rictus hideux ornant alors son visage. C’est avec ça qu’ils prétendent « guérir » les gens comme nous, ceux qu’ils appellent les fous. Je parie que tu n’avais jamais mis les pieds dans un asile…

- Non, m’sieu… Mais mon père m’a toujours dit que les asiles, c’était le club med pour les meurtriers qui voulaient éviter la prison. Il disait qu’un homme qui tue son voisin n’avait qu’à prétendre être fou, et que c’était trop facile.

- Et ton père, il est déjà rentré dans un asile ?

- Non m’sieu.

- Et toi tu penses qu’il a raison ?

- Oui, m’sieu. Si mon père, ou le président, le dit, c’est que c’est vrai.

- Bien. Et cette sensation de brûlure, tu la sens ?

- Ou…oui… qu’est-ce que c’est ? ça brûle partout ! Je sens plus mes bras m’sieu !

- Oh, ne t’inquiètes pas, dans quelques instants tu sentiras autre chose. Tu vas avoir l’impression que ton corps pèse une tonne, et que ta tête s’enfonce dans le sol, et puis ils t’attacheront à ton lit. Et quand tu te réveilleras, la bouche pâteuse et la tête toujours aussi lourde, je te conseille d’éviter de crier… »

Avant même que le clown à la chevelure verte n’ait terminé son explication, le pantin sombre dans un état catatonique, accompagné par les ricanements déments de son interlocuteur. Son sommeil est perturbé par des cauchemars comme il n’en a jamais fait. Des images de gencives arrachées, de bouches gigantesques dont les dents viennent lui arracher les oreilles, viennent le hanter. Des chants de morts se mêlent à des hurlements pour terrasser ses oreilles. Lorsqu’il se réveille, il est attaché à un lit et il dégouline de sueur. Sa tête est lourde et sa bouche pâteuse… Il a mal partout… il ouvre la bouche pour crier, mais il n’y arrive pas. Sa mâchoire lui fait mal. Tout son être semble hurler, comme si on lui avait tordu les os dans tous les sens. Finalement, un son sort de sa bouche, un son qu’il prolonge tant qu’il peut, et qu’il intensifie avec toute la force qui lui reste… Quelques instants plus tard, des infirmiers rentrent dans sa chambre et le plaque sur son lit, alors qu’il ne pouvait déjà pas beaucoup bouger du fait de ses liens. L’un d’eux s’empare d’une seringue et pique le bras du pauvre Oui-oui, dont les cauchemars recommencent avec plus de virulence…





Lorsqu’il se réveille enfin, ses paupières sont lourdes, ses bras refusent de bouger et ses jambes tremblent. Mais on l’a détaché. Il peut enfin se joindre à ses nouveaux amis dans la cour. Mais maintenant, il sait que s’il s’agite trop, on le « soignera ». Autant de fois qu’il le faudra…

« - Alors, que penses-tu de cette première expérience ?! Lance le Joker. C’est conforme à ce que tu imaginais ? Le club med ?

- Mais… pourquoi ils font ça ?

- Et bien vois-tu petit, la société n’aime pas les gens trop créatifs. Les gens du spectacle comme moi sont mal vus. On nous reproche de ne pas nous plier aux règles. Personnellement j’ai toujours trouvé ça hypocrite dans un pays où on parle d’égalité.

- Tu ne vas pas recommencer ta lutte des classes ! Intervient Mary Poppins. - C’est pourtant là le problème ! Répond le clown. Personne ne devrait commander personne ! Si quelqu’un a envie de faire une grosse farce, il devrait en être libre ! Mais non, il faut toujours que des hommes en collant ou des psychopathes en costume cravate décident pour nous ! Ton président et ses amis, ils ont encore plus de problèmes que nous ! Tout le monde en a, mais eux, ce sont les pires ! Hypocrites, menteur, paranoïaques, égocentriques….

- Mais vous ne pouvez pas dire ça !S’indigne Oui-oui. Le président c’est quelqu’un de bien, il fait bouger les choses, on le voit tout le temps partout et…

- Mais c’est qu’il est amusant ce pantin ! S’esclaffe le Joker. En quoi ta vie a changé depuis qu’il est là ?

- Mais il se bat pour qu’on gagne plus, et puis sa femme c’est la nouvelle Jackie Kennedy et…

- Là tu marques un point : depuis qu’il est là, il a triplé son salaire, on peut donc dire que son combat pour le pouvoir d’achat est sincère. Maintenant, imagine qu’il ne soit plus là…

- Non, ne dîtes pas des horreurs pareilles !!

- Imagine qu’il n’y ait plus d’hommes politiques, ni de policiers…

- Mais mon ami le gendarme, qu’est ce qu’il ferait ?

- Il ferait ce qu’il veut, comme nous tous ! Le bonheur c’est la liberté, et on n’est pas libre tant qu’on se fait commander.

- Comment tu peux dire ça ? Intervient Mr Culbuto. On a tous besoin d’un but dans la vie. Si on n’a plus de but c’est l’anarchie et le chaos !

- Ne dis pas de bêtise, soupire le clown. Tu confonds tout. L’anarchie est un mouvement politique. Toi tu parles d’anomie. Les gens sont d’une ignorance de nos jours, c’est désespérant. Et tu me feras le plaisir d’aller voir dans le dictionnaire la définition d’anomie et d’anarchie. Ton but à toi c’est de construire des théières humaines, c’est bien ça ?

- Oui. Il faut le faire.

- Pourquoi ?

- Le chapelier, il m’a donné un but, il m’a confié une mission, il…

- Il t’a commandé pour servir ses desseins, et toi tu le suis aveuglément.

- Non, c’est faux, c’est… »



Perturbé par cette révélation, le petit homme s’éloigne en répétant sans cesse « il faut le faire ».Mis mal à l’aise par la tournure de la conversation, le pantin décide de s’isoler quelques instants pour reprendre ses esprits. Bizarrement, les paroles du Joker ne lui paraissent pas si démentes. Après tout, il avait travaillé toute sa vie. Il avait même passé toute sa vie à travailler. Mais pourquoi ? Il avait pu s’acheter un nouveau taxi, avec des phares fluorescents, un allume cigare dernier cri, ce qui ne lui servait à rien puisqu’il ne fumait pas, un robot coiffeur qui lui cirait également le bout du nez, mais après tout, il pouvait faire tout ça dans sa salle de bain. De même, son téléphone portable faisait thermomètre, appareil photo numérique et même télévision, mais il avait déjà un appareil photo numérique, un caméscope numérique et une télévision haute définition chez lui, et il n’avait pas le temps de s’en servir.Il avait également une bibliothèque remplie de livres, une collection d’environ 600 romans, tous en exemplaire poche, parce que c’est plus pratique, mais aussi en grand format, parce que c’est mieux pour faire dédicacer. Mais il n’avait même pas lu 1/10 ème de ses livres, et ne les lirait probablement jamais.

En fait, Oui-oui souffrait de la fièvre acheteuse, un virus très virulent, qui se répandait à une vitesse incroyable et poussait à acheter les choses les plus inutiles. Cette maladie terrible n’offrait aucun repos à celui qui en souffrait, car une fois le bien convoité acheté, sa fièvre lui donnait envie d’autre chose. Et le pauvre bonhomme de bois avait beau travailler toujours plus, ce n’était jamais assez pour s’offrir tout ce dont il avait besoin. Mais avait-il réellement besoin de tout ça ? Finalement, un téléphone qui ne faisait ni appareil photo, ni thermomètre, ne lui servait-il pas autant que celui qu’il possédait ? Une voiture sans gadget ne roulait-elle pas aussi bien que la sienne ?

Alors il comprit où voulait en venir le Joker. Certains dirigeaient et s’enrichissaient, pendant que les autres s’appauvrissaient en s’entourant de besoins qui n’en étaient pas sans jamais trouver le bonheur. Peut être fallait-il effectivement tout faire sauter, donner un bon coup de fouet à cette peinture trompeuse qu’était la société ?Alors qu’il erre dans ses pensées, Double-face s’avance vers lui et lui explique le plan qui leur permettra de s’évader. Ils agiront durant le dîner…Alors que le groupe déguste ses brocolis à la vapeur, Oui-oui bondit sur la table et hurle « travailler plus pour que l’autre débile qui nous sert de président gagne plus ? Mes f…. oui ! »Mary Poppins ne peut s’empêcher de s’indigner devant tant de vulgarité, mais reste concentrée.




Alors que 4 infirmiers parmi les plus imposants de l’équipe pénètrent dans le réfectoire, la gouvernante anglaise dégaine une ombrelle avec laquelle elle bloque la porte de sécurité. Le chapelier fou s’arme quant à lui d’un immense chapeau qu’il jette sur les infirmiers, puis le referme à l’aide d’un tendon de bœuf, les emprisonnant à l’intérieur. Pendant que Mary Poppins continue de faire tournoyer son ombrelle pour empêcher la lourde porte électrique de se refermer, Double-face passe son bras dans l’ouverture, et d’un geste aussi précis que chanceux, envoie sa pièce fétiche sur le bouton de fermeture, enrayant le mécanisme. Profitant de la panique, les comparses s’élancent dans un couloir et se cachent dans un coin.

« - Où est le Joker ? S’inquiète Mr Culbuto.

- On dirait qu’il a filé sans nous ! Coupe le pingouin. C’est bien son style ! Maintenant on est coincé !

- Peut-être pas. Intervient Double-face.

- Tu as plutôt intérêt ! menace Mary Poppins. C’était ton plan, et tu as intérêt à nous sortir de là !

- Le Joker nous a déjà prouvé à plusieurs reprises qu’il était tout à fait capable de s’évader seul, et même de revenir, sans que personne ne s’en aperçoive. Avant que nous ne commencions, j’avais prévu l’éventualité de sa trahison. Le sort a décidé que je ne devais pas lui faire confiance, j’ai donc prévu une alternative.

- Mais comment ? Seul le Joker était assez fin pour pénétrer dans le conduit d’aération, atteindre la salle de sécurité et nous ouvrir la porte !

- Le petit va prendre sa place.

- Lui ! S’esclaffe Mary Poppins. Mais sa tête est tellement grosse qu’il ne passera jamais !

- C’est vrai… en temps normal. Mais avec ce chapeau que j’ai demandé au chapelier de préparer, nous pourrons comprimer sa tête suffisamment pour qu’il rentre dans le conduit. Seulement, il te faudra faire vite, car si tu le gars trop longtemps, il te broiera le crâne. »

Terrorisé, mais comprenant qu’on ne lui laisse pas le choix, Oui-oui accepte d’obtempérer. A peine a-t-il enfilé le chapeau qu’il sent son souffle se couper. Mais ses acolytes ne perdent pas un instant et le poussent aussi loin que possible à l’intérieur du conduit. Il n’a pas le droit à l’erreur : il ne pourra pas retirer le chapeau tant qu’il sera dans le conduit, ou il mourra étouffé, la tête coincée entre les parois, et s’il tarde trop à l’enlever, sa tête explose… Il doit se concentrer… Double-face a bien pris soin de lui faire apprendre par cœur le plan de l’aération pour qu’il ne se trompe pas de direction. Mais il sent la panique l’envahir… de quel côté est-il ? Il a du mal à respirer…. Il avance aussi vite qu’il peut, cherchant à tâtons les ouvertures de côté… La troisième à gauche… une… deux… trois… mais s’il en avait manqué une ? Il n’a qu’à s’avancer pour vérifier et revenir en arrière s’il se trompe… mais non, il ne pourra pas revenir en arrière ! S’il se perd, c’est fini ! De toutes manières, sa main glisse le long de la paroi depuis tout à l’heure.

Il n’a pas pu manquer une ouverture.Des cris… ses acolytes le pressent. Ils sont attaqués, et ils ne tiendront pas longtemps ! Il n’a pas le droit de les laisser tomber ! Ils ont été tellement gentils avec lui ! Tant pis, il tente de prendre à gauche. Sa tête lui fait mal… le chapeau le sert de plus en plus. Il ne tiendra plus très longtemps… Il devrait se trouver au bon endroit à présent. Mais la grille refuse de céder ! Et il ne peut pas enlever le chapeau pour voir ce qui se passe !« Oui-oui, dépêche toi ! Hurle Double-face. Ils ont lâchés des termites ! Si tu ne sors pas vite elles vont te dévorer ! »Effectivement, depuis quelques secondes, le pantin a remarqué de petits bruits de pattes. Elles doivent être nombreuses pour qu’il les entende… et le son se rapproche… si elles l’atteignent, il ne leur faudra que quelques secondes pour faire de lui un souvenir ! Il frappe la grille de toutes ses forces, mais rien ne semble y faire. Soudain, une vive douleur l’assaille, sa cheville le brûle ! Une des termites a dû le rejoindre en faisant du zèle ! ça veut dire que les autres sont presque là !

Porté par l’énergie du désespoir, le nain de bois plaque sa tête contre la grille, joint ses deux poings, et s’assène un coup de massue derrière le crâne. L’impact est tellement puissant que la grille cède et qu’il tombe dans la salle.Il lui faut vite retirer le chapeau maintenant ! Le chapelier lui a expliqué qu’il n’aurait qu’à tirer sur la ficelle pour le desserrer. Mais rien ne se passe et la ficelle s’arrache ! Il n’y arrivera plus ! Sa tête va exploser ! Le chapelier a compris : « ouvre nous la porte et je te libèrerai ! ». Le pantin cherche la bouton à tâtons, mais il y en a tellement qu’il ne sait plus où chercher ! Les termites… elles se rapprochent, il les entend ! Un bruit sourd retentit… un de ses compagnons a été projeté contre la vite en plexiglas… Faîtes que ce ne soit pas Double-face se prend à prier Oui-oui. Il a appuyé sur tous les boutons, et pourtant rien ne s’ouvre ! Aveuglé par la rage autant que par le chapeau, il tambourine de toutes ses forces sur la vitre, sans résultat bien sûr. Mais alors qu’il se prépare à mourir, sa main touche un objet… une clé… la porte est fermée à clé ! Vite, il réussit ouvrir, et ses acolytes s’engouffrent à l’intérieur. Le chapelier a réussi à lui retirer le chapeau ! Il est sauvé ! Mais il leur faut encore fuir, et d’ici peu les forces de l’ordre seront là.La sortie n’est plus qu’à quelques mètres, ils s’y précipitent en courant. L’un d’eux déjà est tombé, il leur faut donc rester soudés.


Ils ne savent pas si le pingouin a été tué par le choc contre le plexiglas, mais ils n’ont pas le temps de vérifier. Alors qu’il vient de franchir la porte, quelqu’un saisit le col de chemise de Oui-oui et le jette dans une flaque de boue. En se relevant, il se trouve nez à nez avec une forme noire à l’air menaçant. La forme s’élance vers lui sabre en main et tente de lui trancher la tête, mais le pantin réussit à glisser sous ses jambes grâce à la boue. Double-face, qui vient de comprendre, jette sa pièce en l’air… en observant le résultat, il serre le poing, avant de l’écraser sur ce qui semble la tête de la forme sombre. « Sauve-toi petit ! » Hurle-t-il.En voyant que son mentor est en position de faiblesse, Oui-oui hésite. Quand la mystérieuse créature plonge la tête de Double-face dans la boue pour le noyer, le pantin décide d’aller l’aider. Mais une main ferme saisit son épaule. C’est Mary Poppins. « Tu l’as entendu ? Sauve toi ! Je vais aller l’aider ! » Joignant le geste à la parole, la gouvernante anglaise dégaine son ombrelle, en saisit une extrémité dans chaque main et la bloque sous le cou de la créature. Le monstre sombre lâche alors sa victime, assomme son adversaire d’une gifle, et s’élance derrière le pantin en hurlant.

Tout à coup, un objet explose devant la forme, qui est soufflée par l’explosion : c’est Mr Culbuto qui vient de lui jeter une théière explosive de sa création ! Il fait signe à notre héros de s’enfuir et se dresse devant leur ennemi. Le chapelier fou tend alors un parapluie à Oui-oui : « Je l’ai pris au pingouin. Il n’en aura plus besoin. Il s’en servait pour s’échapper, tu n’as qu’à appuyer sur ce bouton et tu seras hors de danger. Et n’oublie pas ce qu’a fait Double-face pour toi… »Sans laisser le temps à son interlocuteur de répondre, le chapelier lui engouffre le parapluie dans la main et appuie lui-même sur le bouton, avant de s’élancer vers la créature. Le parapluie s’ouvre alors complètement et tournoie comme l’hélice d’un hélicoptère. Impuissant, le pantin ne peut qu’assister au combat, qui semble tourner en la défaveur de ses nouveaux amis. Il ne peut s’empêcher de penser que cette créature ressemble à l’ombre qui le poursuivait. Mais que lui veut-elle ? Pourquoi le tuer, si ce n’est pour l’empêcher de découvrir la vérité ? Il doit enquêter. Trouver des indices. Il doit se rendre chez Potiron pour comprendre qui pouvait lui en vouloir…



A SUIVRE

lundi 9 novembre 2009

Le procès de Oui Oui - un polar hard-boiled

Nouveau mois et nouvelle fan fiction, écrite il y a 2 ans, elle met en scène Oui Oui dans un polar noir bourré d'action, et d'autres personnages plus surprenants..

Chapitre 1: Le crime


Aujourd'hui:

Une forme ronde et blanche traverse une vitrine et s'écrase sur le trottoir. A travers les débris, le nain Oui-oui bondit l'air furieux et hurle au gros bonhomme qu'il vient d'expédier à travers la vitre "Toi je vais te défoncer!!!!". Le gros bonhomme se relève, s'empare des chevilles d'une passante et s'en sert comme d'une massue sur son agresseur. Profitant de la diversion, Il envoie un direct en pleine mâchoire du pantin, avant de hurler de douleur et de serrer son poing meurtri. L'homme de bois éclate de rire et s'avance d'un air menaçant vers le gros homme en blanc.
Tout à coup, le hurlement des sirènes rappelle à Oui-oui qu'il doit fuir. "J’te retrouverai pourriture!" Lance-t-il avant de s'élancer dans une ruelle.


4 jours plus tôt:

Oui-oui ne tient plus en place. Il n'attend qu'une chose, que sa journée de travail s'achève. Voilà qui est surprenant pour ce garçon dont la devise est "travailler plus pour gagner plus". Mais aujourd'hui n'est pas un jour comme les autres: C'est l'anniversaire de son meilleur ami, le gnôme Potiron.
Bien sûr, le nain a déjà préparé une suprise-party à laquelle sont conviés toutes leurs connaissances. Mirou l'ourse en peluche a même prévu une Piñata!
Tout devrait bien se passer, mais notre héros veut à tout prix arriver tôt afin de vérifier le moindre détail de la fête! Il est tellement pris par ses réflexions qu'il manque de justesse d'écraser Jules, le cocker de Mme Mascara. Malheureusement, Coco le petit Yorkshire n'a pas eu autant de chance et est effectivement passé sous les roues de la voiture bleue et jaune du pantin.

Alors qu'il n'est plus qu'à quelques centaines de mètres de chez lui, le petit taxi bleu et jaune semble éprouver des difficultés à avancer. Après quelques crachats de divers pièces métalliques, le véhicule stoppe net dans un dernier râle effrayant.
Anxieux, Oui Oui bondit sur le trottoir et se précipite pour examiner le moteur de sa monture mécanique. Malheureusement, le pantin a toujours jugé plus intéressant de dessiner des bandes dessinées que d'écouter son professeur de mécanique. De toutes manières, il n'a plus le temps s'il veut préparer la fête comme il l'entend! Il lui faut finir le chemin à pied!
La nuit est déjà tombée, et Oui Oui n'aime pas marcher seul dans l'obscurité. Il sait que le croque-mitaine peut surgir à tout moment de n'importe quelle ombre...

En plus, il n 'y a personne dans la rue. Il est seul, sous l'éclairage jaunâtre des vieux lampadaires... Tout à coup, il entend un bruit de pas! Il est sûr qu'il a entendu quelqu'un! Mais il n'arrive pas à savoir de quelle ruelle il provient... et si c'était vraiment le croque-mitaine cette fois?! Mais les pas s'arrêtent... De petits rires moqueurs lui parviennent, voilés par le brouillard. Paniqué, notre héros décide de courir jusqu'à chez lui, une ombre traverse la rue en un instant, si bien qu'il ne peut distinguer de qui, ou de quoi il s'agit... Tout à coup, une douleur insupportable s'empare de sa cheville, et le petit pantin s'étale de tout son long sur le
trottoir. Les rires fusent avec plus de force, comme si son poursuivant se rapprochait.. Oui-Oui sent son coeur battre à tout rompre.... les pas se rapprochent... pourtant, il a beau chercher partout, il ne voit personne. Serait-il devenu fou? Cette ombre existe-t-elle vraiment? Oui, il sait qu'il a bien vu. Il n'entendrait pas ces rires ni ces bruits de pas sinon. Le brouillard s'épaissit à chaque seconde qui passe... Les voix... il entend plusieurs à présent... et plus il les entend, plus il se sent coupable. Il ne sait pas pourquoi, mais la honte l'assaille. Il ne comprend pas ce que disent les voix, mais les entend-il vraiment? Le bonhomme de bois se relève péniblement et tente de continuer sa route sans prêter attention aux voix. Soudain, les bruits de pas accélèrent, comme si on lui courait après. En se retournant, il aperçoit une ombre s'enfuir dans une ruelle.

Que faire? S'élancer à sa poursuite pour connaître la vérité, ou en profiter pour s'échapper et s'enfermer à double tour? La seconde solution est bien plus tentante, mais s'il s'en va, il ne saura jamais s'il a rêvé, si on se moque de lui, ou même... s'il a perdu l'esprit.. Alors que notre héros décide de rentrer, il découvre la terrible vérité: toutes les directions sont les mêmes... peu importe de quel côté il se dirigera, il arrivera toujours au même endroit. Et de tous les côtés, cette ombre, grande et menaçante, à la forme étrange, indéfinissable. Elle ne fuit plus. Au contraire, elle s'approche inexorablement de lui. Le souffle de Oui-Oui est de plus en plus court. Il ferme alors les yeux pour essuyer la sueur qui a coulé dans ses yeux et qui les lui brule. Quand il les rouvre, l'ombre n'est plus là. Il ne sait pas si c'est un soulagement. S'il devient fou, que va-t-il devenir? Va-t-on l'enfermer dans cet asile d'arkham, comme Mr Culbuto?

Mr Culbuto était un petit homme calme que tout le monde appréciait pour sa bonne humeur et son bon humour. Mais un jour, l'impensable s'était produit: Mr Culbuto, qui faisait du bénévolat à l'asile d'Arkham, avait énuclé un infirmier avant de lui écorcher la peau à coup de couteau. Lorsqu'on l'avait maîtrisé, il avait expliqué qu'il était son devoir de fabriquer des théières et que le chat l'avait conseillé. Malheureusement, sa victime n'avait pas survécu à ses blessures. Personne ne comprit ce qui avait poussé Mr Culbuto vers la folie.

Maintenant, Oui-Oui comprenait: il avait été harcelé par ces ombres et il en avait perdu l'esprit. Il ne pouvait pas se permettre de finir comme le pauvre homme. Pas avant d'avoir fêté l'anniversaire de Potiron...Il attrape un mouchoir qu'il conservait toujours dans son bonnet, et s'en couvre les yeux. Puis il se bouche les oreilles avec des morceaux de coton. Bien sûr, il ne voit plus rien, et il n'entend plus, mais il arrivera à rentrer. Son père ne l'a pas entraîné pour rien. Quand il avait tout juste 7 ans, son père l'avait emmené dans la forêt. Il lui avait bandé les yeux et attaché les mains dans le dos: "tu ne mangeras que si tu parviens à rentrer à la maison par tes propres moyens et sans te délivrer". Cela lui avait pris 3 semaines, mais il avait finalement réussi à rentrer chez lui.
Puis son père avait recommencé, jusqu'à ce qu'il soit capable de rentrer en une heure... Depuis, le pantin n'emménageait jamais quelque part sans être capable d'y retourner les yeux bandés. Et ce sans tenir compte du point de départ...






Maintenant qu'il a les yeux bandés et les oreilles bouchées, Oui-oui peut avancer sans se préoccuper des ombres qui le pourchassent. Qu'elles soient réelles ou non n'a plus d'importance. Pourtant, il a beau essayer, il n'arrive pas à ne pas y penser.
Elles avaient l'air si réelles... Il a l'impression de perdre pied, de ne plus savoir où il en est. Mais il ne peut pas se permettre de s'égarer. Pas maintenant. Il lui reste encore trop à faire. Son ami a besoin de lui.

En reconnaissant la porte familière de la maison, le nain en bois décide qu'il peut retirer bandeau et boules quiès. Il ne peut s'empêcher de regarder derrière lui, de guetter la présence de ces ombres...Rien. Il a peut être tout simplement rêv... mais soudain, au détour d'une ruelle, il aperçoit une silhouette gigantesque et vaguement tordue qui semble se diriger vers lui! Après avoir poussé un hurlement qui lui vient instinctivement dès qu'il pense être face au croque-mitaine, il s'enferme à l'intérieur de la maison.

Frappé par un sentiment de culpabilité aussi soudain qu'inexplicable, le pantin entreprend de vérifier chaque détail de la décoration d'anniversaire. Les banderoles sont d'une beauté... et bien le seul mot qui vient à l'esprit de Oui-Oui en les voyant est "insolite". La table en revanche est mise avec goût. Un goût à part certes, mais cela reste un goût après tout. Les petits chapeaux pointus prévus pour chaque convive sont déposés à la place de chacun, et le repas est prêt. Il ne reste plus qu'à attendre les invités et à accueillir ce joyeux luron de Potiron! Soulagé de constater que la fête s'annonce bien, le nain décide de s'accorder quelques instants de repos et se prélasse avec délectation dans un fauteuil.

Combien de temps a passé depuis qu'il a fermé les yeux? Quelques secondes à peine, certainement... il n'a pas l'impression d'avoir dormi. Il avait juste besoin de quelques instants pour récupérer ses esprits. Les événements de la soirée l'ont fatigué, mais il sera prêt pour accueillir son ami. Bizarre que les invités ne soient pas encore là, se dit-il. Tiens, du bruit à l'étage. Peut être devrait-il aller voir? Qui cela peut-il bien être? Quelqu'un serait rentré sans qu'il s'en aperçoive? Mais qui aurait eu l'audace de monter sans même le saluer?
Pourtant, à chaque marche qu'il gravit, le bois qui les compose craque avec une telle violence que même en dormant il aurait dû entendre... S'il s'agissait d'un voleur? Ou de quelque chose de bien pire encore?

Par précaution, le nain s'empare d'une brique qu'il dépose dans son bonnet. Si on l'attaque, il n'aura qu'à faire tournoyer sa masse improvisée et à en frapper son agresseur pour l'assommer. Le voilà à l'étage, mais il n'entend plus un bruit. Peut-être a-t-il rêvé? Non, il est certain de ce qu'il a entendu. De toutes manières, il n'y a que trois pièces à l'étage: la salle de bain, la chambre d'ami, et sa propre chambre... notre héros décide de fouiller le couloir de gauche à droite. Personne dans la salle de bain, et pas de recoin où se cacher dans cette pièce. La chambre d'ami à présent... c'est l'endroit dans lequel Oui-oui se rend le moins souvent. Il a toujours eu peur de cette pièce, il évite donc de s'y rendre quand il fait nuit. Mais ce soir, il n'a pas le choix. A peine a-t-il ouvert la porte qu'il se jette sur l'interrupteur. Hors de question qu'il fouille dans l'obscurité! Il ne semble y avoir personne ici non plus. Cette chambre est plus petite que les autres. Hormis le lit, il y a une armoire assez grande, et un lit pour bébé. Il ignore pourquoi d'ailleurs. Aussi loin qu'il puisse se souvenir, ce lit a toujours été là. Par acquis de conscience, Oui-oui ouvre l'armoire, mais n'y trouve rien.

Il ne lui reste plus qu'à vérifier sa chambre. Il est certain qu'elle sera vide, mais puisqu'il est là, autant vérifier jusqu'au bout. Sa chambre... ce n'est pas l'endroit qu'il préfère. En fait, Oui-oui est insomniaque. Ou du moins, il retarde le plus possible le moment
de dormir. Hormis la possibilité que le croque-mitaine se trouve dans sa chambre, c'est l'idée de se retrouver seul avec lui-même qui le terrorise. Le nain a toujours évité les monologues intérieurs. Tout ce qu'il veut, c'est mener sa petite vie de taxi sans se poser de question. Il n'a que trop entendu parler de ces gens qui dérapent, apparemment sans raison, après s'être trop interrogé... comme sa mère. Depuis, il se noie dans le travail. Et quand il ne travaille pas, il met tout en oeuvre pour rendre son ami Potiron heureux. D'ailleurs, il n'a plus de temps à perdre avant que ce dernier n'arrive! Après avoir jeté un rapide coup d'oeil dans sa chambre, il sort et entreprend de descendre. Mais tout à coup il sent une présence dans son dos... un liquide gluant coule dans son cou, et il sent une respiration haletante attaquer sa nuque... il se retourne en hâte, et aperçoit un visage blanchâtre, et deux points rougeâtres à la place des yeux... La créature pousse un hurlement et lui agrippe le cou avec rage. Fou de terreur, Oui-oui attrape son bonnet et le fait tournoyer en l'air, avant de percuter le crâne de son attaquant avec. Le bruit provoqué par le choc ressemble à celui d'une noix de coco qu'on vient de frapper avec un marteau. Les deux adversaires roulent dans les escaliers et s'écroulent au rez-de-chaussée...



Lorsqu'il se réveille, le nain constate que sa vision est floue. Une migraine atroce l'empêche de réfléchir, comme si on enfonçait un tournevis dans sa cervelle et qu'on le tournait avec rage. Dans un effort surhumain, il réussit à se relever et à agripper sa tête entre ses mains. A ses pieds gît la silhouette de son agresseur. Malgré ses problèmes de vue, il est persuadé de connaître cette forme... Après quelques instants, il finit par distinguer avec netteté. Un doute ignoble l'assaille, à mesure qu'il regagne la vue... Il tourne le corps, pour découvrir qu'il s'agit de... son ami Potiron! Et malgré ses efforts, il ne lui trouve pas de pouls! Son ami est mort... il y a tellement de sang...
Mais, ce n'est pas possible, il n'a pas pu... il était déjà recouvert de sang avant que Oui-oui ne le frappe! Et puis le nain se rappelle, quand il s'est tourné vers lui, juste avant de le frapper, Potiron se tenait le ventre, comme s'il souffrait, et son t-shirt était couvert de sang... Mais qui a bien pu faire ça? Et pourquoi?!! Pourquoi a-t-on tué son ami?! Potiron n'avait jamais fait de mal à personne! Mais le tueur est sans doute encore là! Il ne peut pas le laisser s'échapper! Il escalade les marches en quelques bonds.
Une fois arrivé en haut, il est stupéfait d'entendre qu'on défonce sa porte d'entrée. Apeuré, il se cache dans sa chambre, dont il laisse la porte entrouverte. Quelle n'est pas sa surprise en constatant que le GIGN a investi sa maison! Il n'y a plus de doute maintenant: on lui tend un piège! S'il est arrêté maintenant, il ne pourra jamais prouver son innocence! Il lui faut retrouver le coupable au plus vite, pour venger son ami et laver son nom! Alors qu'il envisage de s'enfuir par la fenêtre, il remarque qu'il ne porte plus son bonnet... il l'a sans doute oublié en bas, rempli de la brique dont il s'est servie pour frapper le gnome...

Tant pis, il n'a plus le temps de s'en inquiéter! Il entend déjà ses poursuivants grimper les escaliers. Sans perdre un instant de plus, Oui-oui sort pas la fenêtre, plonge en avant, et s'agrippe à une branche d'arbre. Mais déjà les gendarmes sont dans sa chambre et le pointent de leurs armes en le sommant de s'arrêter. Le nain lâche la branche juste à temps pour éviter les coups de feu qu'on lui réservait, et s'écrase quelques mètres plus bas. Il n'a plus de véhicule, il va donc lui falloir en emprunter un.
Pas de chance pour Mr bonhomme, qui vient de s'arrêter pour vérifier son plan. Oui-oui ouvre sa portière, l'attrape par le cou, et le jette hors du véhicule avec violence. Il démarre alors en trombe, immédiatement suivi par les forces de l'ordre. Il fait nuit, et il n'y a pas grand monde sur les routes. Mais ses poursuivants ne semblent pas décidés à le laisser partir! Le nain a tout de même un avantage: en tant que taxi, il connaît la ville comme sa poche!
Le nain a suffisamment d'avance pour tenter une manoeuvre: arrivé à un carrefour, il tourne à droite, tire son frein à main à fond, et exécute un demi-tour à 200°, avant de foncer vers ses poursuivants, les prenant totalement au dépourvu. Profitant de l'effet de surprise, notre héros parvient à éviter leurs véhicules et s'élance dans la direction opposée. Mais soudain, un bruit sourd l'inquiète, comme si quelque chose était tombé sur le toit de son véhicule. Oui-oui comprend alors qu'un gendarme s'est agrippé... il doit le faire lâcher s'il ne veut pas se faire attraper! Le nain braque d'un côté, puis immédiatement de l'autre, mais le gendarme ne semble pas décidé à lâcher! Oui-oui accélère alors autant qu'il le peut, puis freine d'un coup sec, provocant la chute du pauvre homme. Oui-oui constate alors qu'il ne s'agit pas de n'importe quel représentant des forces de l'ordre: c'est son ami le gendarme! Et il n'a pas l'air décidé à le laisser partir!
L'homme en bleu s'agrippe avec rage au pare-choc. Oui-oui n'a plus le choix, il doit s'en débarrasser! Pas le temps de faire du sentimentalisme, il fonce sur un mur et écrase son ami, en espérant ne pas l'avoir tué. Il pourra toujours prétendre qu'il ne l'avait pas vu, ou qu'il a perdu le contrôle de son véhicule... Mais déjà une camionnette arrive à son niveau. Le pantin braque et percute l'autre véhicule, qui à son tour lui rentre dedans. Il doit le perdre... Les voilà sur une route de campagne. Au loin, un tunnel s'annonce. S'il réussit sa manoeuvre, il n'aura plus à se soucier des forces de l'ordre...Les deux véhicules sont côte à côte, prêt à s'engager dans le tunnel... soudain, une lueur aveuglante les assaille, il s'agit d'un train! Profitant de la terreur, Oui-oui percute une nouvelle fois le véhicule ennemi, puis s'engouffre dans le tunnel, tandis que ses assaillants quittent la route pour éviter la collision...

Il a réussi à leur échapper, maintenant il lui faut se cacher pour élaborer un plan. Par chance, son vieil ami Bouboul l'épicier lui a confié un double des clés de sa maison de campagne. Il n'a qu'à se rendre là-bas pour dormir un peu. Ensuite il cherchera la piste du tueur...

Oui-oui est réveillé... un bruit a mis ses sens en alerte... il sait qu'il est découvert. Par chance, la maison est pourvue d'un tunnel auquel on accède grâce à une trappe. Il s'y engouffre et s'échappe dans la nuit... Mais quelque chose ne va pas: il entend des pas ... Les forces de l'ordre sont au courant pour le tunnel... on l'a dénoncé, c'est sûr! Vite, demi-tour, il n'a plus le choix! Mais de l'autre côté aussi on arrive! Il est encerclé! Il va lui falloir se battre, et il n'a plus son bonnet! Il n'a jamais appris à se battre sans son bonnet et un objet lourd à y fourrer! Le premier à arriver est un berger allemand qui n'a pas dû manger depuis longtemps. Oui-oui s'élance vers lui, l'esquive d'un pas élégant de "saute-mouton", puis agrippe son cou qu'il tente alors de rompre en hurlant. Après avoir entendu les os craquer, il attrape une canine de l'animal, et la tire de toutes ses forces... après quelques secondes d'effort, il parvient à l'arracher, et se jette sur le gendarme le plus proche, lui assenant un coup de canine dans la cuisse. L'homme tombe alors à genou, et Oui-oui lui frôle le cou avec sa canine. Il hurle aux autres de ne pas le suivre, menaçant de tuer leur collègue dans le cas contraire. Voyant qu'on ne lui cède pas le passage, il appuie un peu plus la canine sur la peau du pauvre homme, dont un filet de sang s'échappe. Ses poursuivants le laissent alors passer. Une fois hors du tunnel, il écorche la joue de son otage d'un coup de canine, puis l'assomme avant de partir en courant dans la forêt.

La nature n'est pas son élément, mais en se roulant dans la boue, il parviendra sans doute à faire perdre sa trace aux chiens... mais voilà qu'ils sont déjà sur lui! Les gendarmes ont dû les lâcher pour qu'ils l'attrapent! Cinq chiens enragés sont sur lui, à essayer de le mordre. Il est à terre, et il ne peut pas se lever, car ils sont trop lourds... Il doit se battre pour sauver sa vie! Il envoie des coups de canine de tous les côtés, mais les chiens sont tellement énervés qu'il ne parvient pas à les atteindre!
Soudain, il sent une vive douleur attaquer sa cheville gauche.. l'un d'eux y a planté ses crocs et serre de plus en plus fort. Galvanisé par la rage et la douleur, Oui-oui se redresse et plante la canine dans l'oeil de son agresseur. Il la fait tourner plusieurs fois, jusqu'à ce que l'animal ne bouge plus. Cette fois, c'est tuer ou être tué! Il envoie un coup de coude dans le museau d'un autre des chiens, puis bondit en avant pour leur échapper! Il réussit in extremis à grimper à un arbre... Mais les chiens ne partent pas, et les forces de l'ordre se rapprochent... Il lui faut s'éloigner! Il court sur une branche, et saute sur une autre, atteignant un autre arbre. Sa seule chance est de se frayer un passage d'arbre en arbre! Mais soudain, il est pris de vertiges… sa tête cogne de l’intérieur… Alors qu’il se prépare à sauter sur un autre arbre, il glisse et se sent tomber…

Il est à peine conscient lorsque les gendarmes lui mettent les menottes…











A SUIVRE.....