mercredi 23 février 2011

All-Star superman - le dessin animé

Dc et Comics et l’animation, c’est une longue histoire. Superman et Batman ont eu droit à leur série animée, La Ligue de La Justice a eu droit à plusieurs saisons, et ces dernières années, des longs métrages d’animation ont vu le jour. La plupart proposent des histoires originales, mais l’an dernier, Judd Winnick a pu adapter son run Under The Hood, qui narrait le retour de Jason Todd, pour un résultat plus convaincant encore que ne l’était le comic. All-Star Superman s’inscrit dans cette logique, en animant le récit créé par Grant Morrison et Frank Quitely. La bande annonce était rassurante, puisqu’on retrouvait ses repères, l’intrigue étant la même. L’atmosphère graphique laissait par contre davantage de marbre. En effet, Quitely est un dessinateur au style particulier. Ses inspirations cartoons sont évidentes, tant dans sa façon d’illustrer les personnages que d’employer les onomatopées. Le côté imparfait de ses créations leur donne une véritable humanité, qui était tout à fait adaptée au propos. Or, dans le dessin animé, les protagonistes sont trop monolithiques, trop parfaits, trop lisses, trop fades même. C’est particulièrement vrai dans le cas de Superman, dont le physique de boy-scout est trop parfait pour qu’on s’attache à lui. Un choix surprenant, car dans les précédents adaptations de ses aventures, notamment Doomsday, son visage était émacié et lui donnait beaucoup de caractère. Mais pour compenser cette froideur, la responsable du casting vocal a choisi d’employer James Denton, connu pour ses rôles dans Le Caméléon, ou plus récemment Desperate Housewives. D’ailleurs, ce sont principalement des acteurs de séries télévisées qui ont été sollicités, comme Christina Hendricks, échappée de Mad Men pour incarner une Lois Lane plus vraie que nature, ou Anthony Laplaglia, inoubliable Jack Malone de Fbi Portés Disparus, en Lex Luthor. Dans un rôle plus anecdotique, on retrouve John Dimaggio, que les adeptes de Futurama en version originale connaissent bien pour son rôle de Bender. Le comédie avait déjà transformé l’essai en doublant la voix du Joker dans Under The Red Hood, avec beaucoup de succès.


Avec un tel casting, le doublage est évidemment réussi, chacun parvenant sans difficulté à se glisser dans la peau de son personnage, et à lui donner vie. C’est peut être Laplaglia qui livre le meilleur travail : son Lex Luthor exprime une menace palpable, mais aussi la détermination froide et l’ambition dévorante. Musicalement, on appréciera une partition qui sait se faire discrète, mais illustre efficacement l’action, appuyant de façon éclatante le côté épique de certaines scènes. Il faut dire que le matériel d’origine se prête largement à un tel traitement. Chaque épisode adapté dure environ 10 minutes, mais on constate avec regret que certains passages clés de l’intrigue n’ont pas été conservés. L’aventure sur la planète Bizarro était très importante, et immergeait le lecteur dans la solitude du héros, tout en mettant en valeur son intelligence et ses capacités d’adaptation. On n’en verra aucune trace dans le dessin animé. Mais c’est surtout l’épisode à Smallville qui fait cruellement défaut. On y trouvait la scène la plus importante de l’histoire, celle des funérailles, qui en plus d’être particulièrement émouvante, résumait parfaitement l’essence même du héros. A la place, il faut se contenter d’une brève discussion sur une tombe, qui ne possède pas le même impact. Enfin, on regrettera que les scènes mettant en valeur les collègues du Daily Planet, en particulier Jimmy Olsen, n’aient pas été conservées, les seconds rôles perdant ici beaucoup de leur consistance et se contentant de faire des apparitions.  Passées ces déceptions, l’intrigue reste identique, souvent à la case près, on retrouve donc ses marques avec plaisir. Les scènes d’action ont été un peu allongées pour l’occasion, il faut dire qu’elles ne constituaient pas l’essentiel du récit. Mais comme dans le comic, l’intérêt de All-Star Superman, c’est ses personnages. Et même en connaissant l’intrigue, on prend plaisir à suivre leurs péripéties. D’autant plus que malgré un côté trop lisse en ce qui concerne les dessins des protagonistes, les décors sont de toute beauté. Qu’il s’agisse des plans sur la ville, de la forteresse de solitude, ou surtout des plans dans l’espace, le rendu est magnifique. Les scènes se déroulant à proximité du soleil sont splendides  et réellement impressionnantes, et contribuent au côté épique du final.



La dernière partie est très fidèle à ce qu’on pouvait lire, et l’ajout d’un épilogue pour Lex Luthor est tout à fait bienvenu, car il permet au personnage d’évoluer et s’inscrit dans la logique de la ligne All Star. Les fans du comic trouveront immanquablement à redire, parce que certaines scènes importantes ont été supprimées, ou que les dessins sont moins marquants, mais cette adaptation reste réussie, et parvient à retranscrire l’essence du comic, ce qui constitue une formidable occasion de découvrir le travail de Grant Morrison pour ceux qui n’auraient pas lu la bande dessinée. Pour de plus amples précisions sur l’histoire, je vous invite à consulter la chronique sur le comic, juste en dessous.

samedi 19 février 2011

All Star Superman


Superman est l’un de ces personnages que tout le monde connaît. C’est aussi l’un des plus vieux super-héros existant, puisque ses premières aventures remontent à 1938, dans les pages de Action Comics 1, précédant d’un an celle de l’autre grande figure de Dc Comics, Batman. Pourtant, quand la maison d’édition décide de lancer la ligne All Star en 2005, c’est le chevalier noir qui sera le premier à en être le sujet. Censée revitaliser des icônes considérées comme un peu poussiéreuses, ce titre permet à des grands noms de l’industrie de développer des aventures en marges de la continuité, une liberté censée permettre une plus grande créativité. Frank Miller et Jim Lee n’ont pas réussi à convaincre avec leur nouvelle version de l’homme chauve-souris, à cause d’un scénario sans enjeux, de dialogues risibles, et surtout d’un rythme de parution qui fait penser à une mauvaise plaisanterie (à ce jour, il n’y a toujours pas de fin). Le travail de Grant Morrison et Frank Quitely, en plus d’être conclu, est largement reconnu, tant par le public que la critique, puisque la série s’est même vue attribuer d’innombrables prix. Entre autres deux Eisner Awards,  deux Harvey Hawards, et enfin 3 Eagle Awards.  Composé de 12 épisodes, le titre se trouve aujourd’hui dans des éditions de 6 épisodes. En France, les épisodes étaient publiés en librairie par deux, comme pour All Star Batman and Robin. Avec une telle réputation, et la qualité des derniers dessins animés produits par Dc, il n’était pas étonnant qu’on annonce une adaptation pour le petit écran, dont la sortie est programmée pour le 21 Février. L’occasion de se replonger dans ce récit et de s’attarder sur ses qualités et ses défauts. Si Frank Miller a tendance à s’accaparer un personnage pour imposer sa vision très particulière, Grant Morrison préfère mêler les différentes visions existantes afin de proposer un traitement dense, comme on a pu le voir dans son run sur Batman. Le projet All Star Superman s’inscrit largement dans cette optique. En effet, c’est au début des années 2000, en discutant avec des scénaristes comme Mark Millar ou Mark Waid que le scénariste a eu quelques idées afin de ramener le héros à son essence pure.

 

A ce titre, la couverture du premier épisode peut surprendre. On y voit un Superman assis sur un nuage au dessus de Metropolis, regardant sereinement le lecteur. Difficile en effet d’imaginer celui qui a débuté dans les pages de Action Comics se tourner les pouces quand il a tant à faire dans la métropole ! Le style de Quitely est très particulier et peut déplaire, mais il parvient incontestablement à transmettre des ambiances et des émotions. Et en l’occurrence, l’apaisement du héros est communicatif et semble naturel. Pourtant, le premier épisode est loin d’être aussi calme. La première page résume avec flamboyance ses origines, de la disparition de la planète Krypton à son recueil par Jonathan et Martha Kent. L’alchimie entre les dessins très expressifs de Quitely et l’écriture précise de Morrison est évidente, et le découpage du récit ne cesse d’impressionner. Il suffit d’admirer en pleine page le héros volant à proximité du soleil pour comprendre ce qui fait de lui un être extraordinaire. Ce n’est pas sa force surhumaine, ou sa vitesse. Superman est plus qu’un héros, c’est le symbole du bien, un être pur, dont l’abnégation peut sembler agaçante, en particulier à une époque où l’univers des comics se veut plus sombre et plus réaliste. Mais c’est justement ce décalage entre cet être presque divin, et une réalité sinistre, qui fait toute sa force. Bien sûr, ses exploits sont formidables, et Morrison illustre ce constat par l’accomplissement de douze miracles, rappelant d’ailleurs les douze travaux d’Hercule. Mais c’est sa volonté et ses principes inébranlables qui font de Superman le plus grand des super héros. Se préparant durant presque tout le récit à mourir, le héros n’abandonne jamais, et lutte jusqu’au bout pour ses convictions, et pour cette planète qu’il a appris à aimer. La narration peut paraître décousue dans un premier temps, car plutôt que de construire son récit sur la base d’un exploit par épisode, Morrison fait le choix de ne pas suivre une ligne directrice précise, et conte chaque chapitre comme s’il était indépendant, comme s’il était une histoire à part entière.




complexe. Et c’est bien l’intérêt : l’intrigue principale n’est jamais oubliée, mais elle ne laisse jamais le développement des personnages en retrait. Et tous bénéficient d’un traitement approfondi. Le scénariste manifeste une affection particulière pour les seconds rôles, qui ont un véritable sens et une véritable identité. Certains passages classiques font sourire, mais s’ils s’inscrivent dans une continuité de l’image du personnage, ils ne constituent pas une finalité. Ils servent d’accroche, ce qui permet de ne pas être décontenancé lorsque les protagonistes sont plus développés. Inévitablement, Lois Lane joue un rôle important, puisque sa relation avec Superman a toujours été l’un des fondements du personnage. A ce titre, sa réaction face à certaines révélations est intéressante, et bien plus qu’une simple amante, elle est l’un des symboles les plus forts de l’espoir que peut représenter le Kryptonien pour l’humanité. De même, Jimmy Olsen a toujours été un second rôle intéressant. L’héroïsme qu’il manifeste à plusieurs reprises prouve l’inspiration d’une figure presque divine comme Superman. Tout en étant drôle et en manifestant un égo très humain, le jeune journaliste fait preuve d’une loyauté vraiment touchante. Et si on attache si facilement à ces mesdames et messieurs tout le monde, ce n’est pas seulement parce qu’on les connaît bien, c’est aussi parce que la qualité de l’écriture et les dessins de Quitely en font des êtres attachants. L’artiste livre un travail remarquable, comme en témoigne certaines pages au découpage surprenant, mêlant images transversales qui chevauchent dessins en pleine page par exemple, ou esquisses au noir et blanc qui n’ont rien de gratuit, et développent certaines idées du récit. Et il faut avouer qu’elles sont nombreuses, sans qu’on n’ait jamais la sensation que Morrison livre un travail en contradiction avec l’essence du héros. Au contraire, on a souvent le sentiment de lire ce qui fait exactement de Superman un personnage unique. Deux scènes en particulier sont inoubliables, sans être trop longues ou trop insistantes. Le discours de Clark à Smallville est tout simplement impressionnant, car il provoque beaucoup d’émotion et s’impose comme le fondement définitif de Superman. Ce passage trouvera écho dans l’épisode 9, particulièrement pertinent, puisqu’il remet en perspective ce qu’aurait pu être le destin de la terre si l’homme d’acier avait été un colonisateur.


Dans The Return Of Bruce Wayne,  Morrison dressait un portrait extrêmement complexe et riche de Batman, basé sur toutes les visions existants depuis sa création, rappelant son essence, mais insistant également sur des aspects mois mis en valeur habituellement. Dans All Star superman, il accomplissait déjà un travail similaire, raison pour laquelle le titre devrait être lu par tous ceux qui pensent que le boy scout de Krypton n’est pas intéressant à cause de sa morale exacerbée et de son invulnérabilité. En effet, tout en évitant le piège d’en faire un être trop faible, systématiquement mis à mal par la magie ou la Kryptonite (des facilités scénaristiques souvent employées par des auteurs peu imaginatifs), le scénariste le rend encore plus invincible, tout en le confrontant à des obstacles tellement complexes que le héros doit faire appel à l’ensemble de ses ressources pour triompher. Car comme il ne cesse de le répéter : « il y a toujours une solution ». Et cette bouffée d’optimisme berce l’ensemble du récit, sans paraître trop utopiste ou naïve. La plus grande force de superman, c’est de faire croire à son message, c’est d’inspirer, de pousser à se dépasser, pas parce qu’il dit de le faire, mais parce que lui-même est convaincu. Parce que lui-même, et ce dans les conditions les plus extrêmes, se dépasse, afin de trouver la solution. La scène dans laquelle Lex Luthor comprend réellement la façon dont le héros voit le monde est tout simplement extraordinaire, car elle met en exergue toute l’innocence de cet être qui pourrait facilement imposer sa loi, s’il ne s’imposait pas lui-même des règles. Et ses règles constituent la solution qu’il a choisir pour préserver son héritage. Pour préserver l’esprit de ceux qui l’ont recueilli, ceux qui l’ont sauvé. Le parallèle entre ce que lui ont transmis ses parents Kryptoniens et ses parents terriens est aussi touchant que pertinent, et c’est l’addition de toutes ces composantes qui en font un être bien plus complexe et intéressant que le simple boy scout qu’on nous présente parfois. Il était important que ce soit Lex Luthor qui permette de comprendre ces éléments, puisqu’il est la némésis parfaite du personnage. Leur relation complexe est développée de façon passionnante, sans être trop prégnante.
 

Mais pour illustrer son propos, le scénariste ne se contente pas d’utiliser des têtes connues. En parlant des Superman du futur, présentés dans l’épisode 2, Morrison peut développer les thèmes métaphysiques qui lui sont chers. Le voyage dans le temps, ses implications, ses lois, sont employés ici avec pertinence. Car l’auteur ne se perd pas dans des délires de science fiction gratuit et emploie ces éléments scénaristiques comme des outils s’inscrivant naturellement dans le développement de ses thématiques et de ses personnages. Alors que le récit aurait pu être une étude sur l’inéluctabilité d’événements futurs, Morrison s’appuie sur ce qui pourraient être des prophéties pour illustrer le moral d’acier de l’homme de Krypton, prêt à se battre contre les éléments, les événements, et à accomplir des miracles jusqu’à son dernier souffle. Et avec de tels thèmes, la conclusion se devait d’être inoubliable. Le dernier épisode remplit largement ce pari, et se révèle tout simplement épique, achevant de faire du Superman de All Star Superman un être aussi pur et exceptionnel qu’humain et attachant. Lorsque le mot fin est lisible, on à la fois heureux, triste, et empli d’espoir. Mais surtout on est confiant dans l’avenir, on a envie de croire à l’impossible, et on a envie, comme le héros de se dépasser.
All star Superman est considéré comme certains comme l’histoire définitive du héros, bien qu’elle se situe en marge de la continuité. Chacun y trouvera sa réponse, mais il est évident qu’il s’agit d’un récit important, à découvrir !

mercredi 16 février 2011

Big Tits Zombies

Dire du cinéma japonais qu’il fait dans la dentelle ne reflète pas tout à fait l’image généralement associée au 7ème art nippon. Bien sûr, on ne peut pas généraliser sur la base de quelques dizaines (voire quelques centaines pour les fans) d’œuvres parvenues jusqu’à nous. Après tout, il n’y a pas un genre japonais, mais des genres. Cependant, du dessin animé au Yakuza eiga, en passant par la comédie ou le fantastique, on constate des points communs. Une vision de la narration très différente de ce qu’on trouve en occident. La culture d’un pays a de toutes manières un impact évident sur le traitement du média, et c’est bien pour cette raison qu’une grande culture otaku s’est développée en France. Des réalisateurs comme Takashi Miike se sont fait les spécialistes d’un cinéma autre, expérimentant davantage dans le v-cinéma (l’équivalent japonais du direct to video), plus libre. Des réalisateurs comme Yudai Yamaguchi, Yoshihiro Nishimura ou Noburo Iguchi se sont fait les spécialistes de séries B qu’on pourrait qualifier de basique, dont le principal intérêt reste l’explosion d’hémoglobine. De ce point de vue, ces œuvres sont généreuses, et on ouvert la voie à toute une sous industrie pas toujours très consciencieuse. Takao Nakano, qui s’est fait une spécialité des films à petit budget un rien racoleurs, s’inscrit plus dans l’héritage des profiteurs mercantiles que des artisans passionnés avec son Big Tits Zombies. Les titre original est identique à celui de la bande dessinée adaptée, mais les autres noms sont nettement plus racoleurs, tout comme l’ensemble du marketing du film. Il suffit d’observer les affiches pour comprendre les intentions des producteurs : mélanger des morts-vivants et des jeunes femmes en tenues légères serait une formule gagnante. Pour certains, le simple fait qu’un film soit indépendant est signe de qualité. Si en plus il s’agit d’une production asiatique, alors on est certains de pouvoir crier au miracle, car c’est évident, contrairement à toutes ces grosses productions aseptisées hollywoodiennes, le propos est sincère ! Or, Takao Nakano met toute son énergie pour démontrer à quel point le cinéma « autre » peut se contenter d’accumuler les clichés et jouer sur des arguments faciles, au détriment d’un vrai sens de la narration et d’une histoire digne de ce nom. Si la firme Troma, célèbre studio indépendant américain, fait également dans le racoleur, des œuvres comme Poultrygeist ont le mérite d’être jusqu’au boutistes et de développer un vrai message, aussi peu subtil soit-il !


Le cinéma d’exploitation a connu ses heures de gloire dans les années 70, et en 2007, Robert Rodriguez et Quentin Tarantino lui ont rendu hommage avec leur dyptique Grindhouse. Depuis, il n’est pas rare de voir des petits productions surfer sur ce qui est devenu une mode, alignant les effets de montage censés monter que la pellicule est abîmée, ainsi que les musiques datées et les thèmes sexuels outrés. En bon recycleur, Takao Nakano va donc exploiter cette recette avec un souci du détail anémique, dans une introduction sans intérêt. A ce titre, les fameux effets grindhouse ne seront exploités que dans l’introduction, et on ne peut que s’en réjouir, tant le rendu est mauvais et semble hors de propos. La volonté de souligner les différentes inspirations, ou peut-être le manque d’idées conduisant au plagiat pur et simple, va pousser Takao Nakano à construire sa chronologie de façon identique à celle du Machine Girl de Noboru Iguchi. L’occasion de contempler la première, mais aussi l’une des seules, scènes d’action. Et le constat est sans appel : chorégraphie flemmarde et actrices qui ont plus l’habitude de mimer les scènes d’amour que les combats, le résultat est médiocre. Sora Aoi, héroïne principale, nous gratifie de plusieurs coups de pied retournés franchement pathétique, sans puissance et sans souplesse. Mais ce n’est manifestement pas ce qui intéresse le réalisateur, qui préfère enchaîner les gros plans sur l’entrejambe de son interprète, afin qu’on puisse distinguer ses sous-vêtement sous son short. L’hémoglobine n’est pas non plus convaincante, à cause du choix douteux du sang numérique. Là où la plupart de ses congénères préfèrent les maquillages à l’ancienne, plus viscéraux et jouissifs, Takao Nakano semble ne pas savoir sur quel pied danser. Il privilégie le numérique, probablement par facilité, mais certaines scènes bénéficieront de maquillages plus traditionnels et bien plus sympathiques. Ce manque de pertinence dans les choix artistiques est certainement ce qui caractérise le plus ce Big Tits Zombies, comme en témoigne la chanson titrée « Vampire », qui accompagne le générique. Et comme si le retour en arrière, destiné à expliquer l’épidémie zombie ne suffisait pas, on nous gratifie d’un nouveau retour en arrière, afin d’expliquer la présence de l’héroïne dans un club minable. En plus d’être inutile, et de ne rien apporter au développement du personnage, cette scène devient rapidement ennuyeuse. Tous ces choix douteux mettent exergue le manque de consistance d’un récit sans enjeux. Sachant qu’il s’agit de l’adaptation d’une bande dessinée, on imagine que le nombre de volumes devait être assez réduit pour que le réalisateur n’ait à ce point rien trouver à raconter. Sur une durée de 1h10, il réussit à livrer un produit (car c’est bien de ça qu’il s’agit) suffisamment plat pour qu’on regarde sa montre à plusieurs reprises. Car à part nous montrer des disputes puériles entre les danseuses, ou d’autres excuses tout aussi insipides pour les filmer avec vulgarité, il ne sait pas quoi développer. En comparaison, le Zombies Strippers avec Robert Englund et Jenna Jameson, qui possédait son lot de scènes ennuyeuses et passait la majorité de son temps à montrer des « spectacles », présentait une introduction et une conclusion de qualité, qui suffisaient à satisfaire le fan de tripailles. Ici, il faudra supporter 45 minutes pour arriver laborieusement à l’invasion des 6 ou 7 zombies qui peuplent le film.



Les rares scènes qui pourraient paraître un peu plus ingénieuses ne sont non seulement pas bien exploitée, mais sont en plus reprises d’autres films. On pense notamment à l’éveil des sushis zombies, directement volés du Flic Ou Zombie avec Treat Williams et Joe Piscopo. En plus d’avoir limiter ses recherches pour la mise en scène au plagiat, le réalisateur enchaîne les clichés, allant jusqu’à faire dire à une des danseuses que boire de l’alcool réchauffe (quand on sait très bien qu’au contraire il refroidit le corps). Ne parlons pas des héroïnes, qui n’ont aucune personnalité, défaut que le jeu médiocre des actrices ne peut absolument pas compenser. Bien sûr, on pourra argumenter que ce genre de petite production est basée sur e fun immédiat, et l’enthousiasme de l’équipe. Mais bien trop souvent, tous ces éléments sont de simples excuses pour mettre en boite des produits faits à la va-vite, sans aucune conscience professionnelle, et sans aucun professionnalisme d’ailleurs. Big Tits Zombies n’est même pas du niveau de certains courts ou moyens métrages que l’on peut trouver sur youtube ou dailymotion. Pourtant, on a envie d’y croire. Quand une vive lumière éclaire une tronçonneuse, on se prend à sourire, et à espérer que le massacre qui va suivre sera généreux en hémoglobine. Mais dès que les morts-vivants se présentent, on comprend qu’il n’y aura pas de rédemption. Il n’y a en effet aucune unité dans le traitement des zombies. Certains portent des masques d’halloween, d’autres des couches de maquillages, d’autres encore, une légère touche de maquillage… le je m’en foutisme général est flagrant et on n’a jamais l’impression que le réalisateur respecte son public. On peut même considérer qu’il se fiche de nous, lorsque le combat final n’est rien d’autre que la scène qu’on a déjà vue en introduction. Identique au plan près. Sur une durée de 1h10, on nous présente donc 2 fois la même scène de 5 minutes. Ce n’est plus du système D, c’est de l’escroquerie. D’autant plus que le récit, déjà peu prenant et peu convainquant, enchaîne les mauvaises idées, comme le retour en zombie de la sœur de l’héroïne, pourtant morte bien loin du lieu de l’action. La fin va quant à elle tenter de capitaliser sur les quelques références balancées de façon aléatoire, reprenant son compte la fameuse réplique de Dawn Of The Dead, « Quand il n’y a plus de place en enfer, les morts reviennent sur terre », le temps d’une blague amusante. C’est finalement la très niaise réplique « love is wonderful » qui va clore ce qui est plus un navet qu’un nanar, quoi que le réalisateur essaie de nous faire croire.



Big Tits Zombies est un divertissement ennuyeux, qui surfe sur plusieurs modes sans jamais convaincre, et qui se fiche de ses spectateurs, jugeant qu’il suffit de balancer quelques idols en petite tenue pour les contenter. C’est à cause de ce genre de films que le grand public a une mauvaise image des morts-vivants, et le décrire comme une œuvre fun et décomplexée, c’est refuser de voir l’escroquerie dont on a été victime durant 1h10. a éviter.

dimanche 13 février 2011

Gutsville

Si le quotidien d’un lecteur de comics est bercé par les aventures des héros de chez Dc et Marvel, voire Image, l’industrie est d’une telle richesse que les produits indépendants sont innombrables. Difficile de tout lire, par manque de temps, manque de publicité, et tout simplement manque d’argent. Mais une fois de temps en temps, il est intéressant de sortir des mondes qui nous sont familiers pour découvrir des récits surprenants. C’est la découverte du travail du dessinateur Frazer Irving (dans les pages de The Return Of Bruce Wayne, et Batman And Robin), et l’envie de contempler un peu plus de ses illustrations, qui m’ont conduit à lire Gutsville. Le titre et la couverture du premier épisode suffisent d’ailleurs largement a interpellé, grâce à un travail sur la couleur fascinant et à une iconographie inquiétante. Au scénario, on retrouve Simon Spurrier, qui a écrit plusieurs épisodes du surfeur d’argent, du Punisher, ou encore de wolverine. Mais c’est en Angleterre qu’il a commencé à écrire, et son expérience dans l’industrie indépendante explique sa liberté de ton. Le projet Gutsville est son initiative, et devait compter 6 épisodes à l’origine. Le premier épisode est paru en mai 2007, le deuxième en Septembre de la même année. Il faudra attendre mars 2008 pour lire le troisième épisode, dernier à être paru aujourd’hui. Spurrier confie avoir fini les scénarios des deux prochains épisodes, et avoir rédigé un plan détaillé du final. C’est le dessinateur Frazer Irving, qui est, selon lui, à l’origine des retards accumulés. Il faut dire que l’artiste effectue un travail considérable sur chaque dessin, comme il est possible de le constater sur son blog, où il publie les différentes étapes de certaines de ses couvertures. De plus, Gutsville est un projet pour lequel l’équipe n’a pas été payée pour le moment, et n’envisage pas de l’être avant que les droits aient été achetés pour le cinéma. Ce qui apparemment ne pourrait pas se faire avant que le tout ait été publié. Mais peut-être la qualité de l’œuvre n’est-elle pas suffisante pour justifier une attente démesurée ?


Quand on doit créer un univers à part entière et raconter une histoire complexe, 6 épisodes ne sont pas de trop. Afin de ne pas se perdre dans une longue et interminable introduction, le scénariste fait le choix d’ajouter un texte introductif qui contextualise la fameuse ville des tripes. En quelques lignes, on comprend que les personnes avalées par ce qui pourrait être une baleine, y ont vu une analogie avec Jonah, et ont bâti leur culte autour de la croyance qu’une fois lavés de leurs pêchés, ils pourraient sortir. On comprend également que les décennies passant, leurs enfants ont perpétué leur héritage, et que sans les avancées technologiques du reste de la civilisation, leurs mœurs restent à peu de choses près les mêmes. Ce concept intrigant pourrait ressembler à une sorte d’étude sociologique, surtout lorsqu’on assister à certaines mises à morts aux consonances très symboliques. Rapidement, la présence d’un tueur en série, le « nosunman », va lancer de nouvelles pistes. Le premier épisode est riche en présentation, les nouveaux personnages ne cessent d’arriver, et les sous-intrigues semblent innombrables. On a bien du mal à croire que tout nous sera révélé en à peine 5 autres épisodes. On pourrait d’ailleurs avoir du mal à saisir le propos, si l’écriture n’était pas si rigoureuse. Ce qui n’est pas évident dans un premier temps, Spurrier privilégiant largement l’argot. Le souci du détail de son écriture trouve un écho spectaculaire dans le travail graphique de Frazer Irving. Comme dans Batman And Robin, ses dessins créent une atmosphère surréaliste tout à fait bienvenue. L’utilisation abstraite de la couleur amplifie largement cette impression d’être dans un autre monde, un monde d’horreur. La page titre, remplie de rouge, est tout à fait en accord avec le ton et le propos.


Dans les endroits les plus modestes, les traits sur les décors font plus brouillon, plus nerveux. Dans les lieux plus guindés, il existe une austérité plus prégnante, qui illustre bien la rigidité d’un système où religion et entretien de la crainte sont synonymes. Chaque personnage a des motivations crédibles, et paradoxalement, c’est ce qui fait qu’on a un peu de mal à s’attacher à eux. Ils sont tellement humains qu’ils peuvent en être dégoutants. Albert Oliphant est ainsi plus pathétique qu’attachant. Même Emélia, dont l’objectif est de « venir en aide aux pauvres » se présente comme un être calculateur. Mais alors qu’on commence à se familiariser avec ce monde en vase clos, l’équipe va nous perdre dans le dreamtime, une sorte de réalité alternative, où le temps et l’espace ne font qu’un, où on est ici et partout à la fois. Cet endroit est l’occasion pour Irving de varier des dessins déjà très riches. L’ambiance y est alors plus onirique que cauchemardesque, et contraste avec le quotidien rance des habitants. L’irruption de ce monde de rêve dans le réel est un élément qu’on devine important pour le reste de l’histoire. S’il y a un élément qu’Irving retranscrit parfaitement, c’est la claustrophobie. Visuellement, les expérimentations sont d’ailleurs nombreuses, comme lors de cette scène où on ne verra que les troncs des interlocuteurs. Un parti-pris loin d’être gratuit et qui permet d’insister sur des éléments importants. Tout en continuant d’introduire de nouveaux éléments, Spurrier parvient à faire progresser les intrigues déjà existantes, et toutes semblent évoluer en parallèle. On comprend qu’à terme, elles se rejoindront. Gutsville est une sorte de récit choral, et en ce sens, parvient à maintenir notre attention sur de multiples éléments, sans qu’on ait la sensation d’être réellement perdu. On est davantage intrigué.


Mutineries, révolutions, révélations sur d’anciens cultes, et surtout, l’origine du fameux nosunman, autant d’éléments qui viennent rythmer une intrigue plutôt dense. D’autant que l’alchimie entre l’écriture et les dessins est d’égale qualité tout au long des trois épisodes. Malheureusement, quand les événements commencent réellement à s’enchaîner avec frénésie, le lecteur n’a plus rien à lire, puisque même si Frazer Irving a repris les crayons, la publication des nouveaux épisodes n’est pas encore datée. Gutsville est un projet très intéressant et plein de potentiel, espérons avoir un jour l’opportunité de le juger dans son intégralité.

jeudi 10 février 2011

Shaolin - Benny Chan

Les fans de films d’arts martiaux ont souvent entendu parler de « films de karaté », une appellation relativement agaçante. Mais même le grand public, qui pense que les pratiquants d’arts martiaux sont tous des karatékas, a une idée plus ou moins précise de ce que représente Shaolin. Au cinéma, il y eut un véritable engouement pour les arts martiaux de shaolin au milieu des années 70, quand Liu Chia-Liang conseilla au réalisateur Chang Cheh de s’emparer du sujet. Et l’Ogre de Hong Kong a justifié son surnom en manifestant un appétit démesuré pour les fameux moines, et en particulier les conséquences de la destruction du temple. Et si ces œuvres mettent davantage l’action sur le côté spectaculaire et l’héroïsme forcené, Liu Chia-Liang, une fois passé à la réalisation, s’est fait le représentant le plus mémorable de la philosophie de Shaolin, dont il est un descendant direct. Mais la disparition des films d’arts martiaux purs a annoncé le déclin du cycle shaolin, et même avec l’explosion des kung fu câblés, le temple n’a pas connu de nouvelle jeunesse cinématographique. L’annonce d’un projet dédié au sujet par Benny Chan ne pouvait donc qu’interpeller. Le réalisateur s’est montré particulièrement ambitieux ces dernières années, et il a réuni pour l’occasion un casting alléchant. Andy Lau n’est pas un authentique pratiquant, ce qui ne l’a pas empêché de débuter sa carrière comme action star, enchaînant les tournages énergiques dans des rôles de combattant émérite. Ce Shaolin signe son retour dans un rôle plutôt physique, après The Warlords, dans lequel il ne se battait finalement que peu. Face à lui, Nic Tse, qui a acquis une certaine expérience d’acteur physique, et qui pour une fois incarne une belle ordure. Car Benny Chan mélange les générations, et s’offre les services de stars aussi bien que de seconds rôles qui ont su marquer les années 90 par leur présence. Enfin, la participation de Yuen Kwai et Yuen Tak aux chorégraphies donne une légitimité martiale à une œuvre qu’on attend tout de même davantage pour ses combats que pour son histoire.



Et dès les premières images, on constate que Benny Chan a eu à cœur de faire de son Shaolin plus qu’une simple série B. Les paysages naturels dévastés et recouverts de boue ne sont d’ailleurs pas sans rappeler le travail effectué sur The Warlords de Peter Chan. La crasse, le temps, les cadavres qui jonchent le sol, tout est fait pour créer un contexte historique réaliste, dénonçant les conditions de vie chaotiques de l’époque, et les abus dont étaient victimes les petits gens. Le réalisateur donne d’ailleurs beaucoup d’ampleur à sa mise en scène, grâce à une caméra presque toujours en mouvement. L’alternance systématique de mouvements de grue ascendants puis descendants, ainsi que son recours répété aux plongées, permet de s’immerger de façon spectaculaire dans le récit, même si cette technique finit par être redondante. Tout en étant visuellement efficace, elle rappelle, dans l’esprit, l’emploi excessif de zooms dans les films de Chang cheh mettant en scène les venoms. Visuellement, entre des décors de qualité et une réalisation aussi soignée que dynamique, l’ensemble est plutôt convaincant. Le fameux temple semble peu étendu, mais reste plutôt bien exploité. Seule une montagne qui verra une poursuite épique se dérouler peine à convaincre, à cause d’une impression irritante de carton pâte. Car sans être un road movie, shaolin nous fait voir du paysage pendant sa première moitié, et tant le temple que les moines sont réduits à de la figuration, sans rapport direct avec l’histoire. Car c’est bien le destin de Hou, incarné par Andy Lau qui nous est conté. Ce dernier trouve un rôle à la mesure de son talent, dont il nous démontre l’étendue. Nic Tse nous prouve à quel point il est aisé de surjouer les chefs militaires mégalomanes et cruels. Mais Andy parvient à éviter cet écart, et si l’évolution psychologique de son personnage était plus convaincante sur le papier, Hou serait réellement mémorable. En l’état, la star nous rappelle qu’il est un véritable acteur, et en quelques regards, il parvient à exprimer tellement d’émotion qu’on constate à quel point son potentiel n’est pas toujours exploité à sa juste valeur. Sa première scène est très représentative, car on ressent la menace qu’il représente en même temps que certains de ses comportements rassurent. L’ambivalence de son attitude est parfaitement rendue, et malgré l’ignominie de ses actes, on s’attache rapidement à cet homme complexe. Néanmoins, ses remords et sa remise en question sont basés sur une facilité scénaristique qui les rend peur intéressants. De plus, son cheminement n’est pas du tout développé, et la rencontre avec Shaolin reste trop artificielle.


Pourtant, on était en droit d’attendre une découverte approfondie des traditions shaolin, lorsque notre héros rencontre le cuisinier incarné par Jackie Chan. Mais Benny Chan reste en surface, racontant une histoire dont les enjeux restent limités. C’est d’autant plus regrettable que d’autres réalisateurs nous ont montré tout le potentiel cinématographique du temple, or ici, tant les entraînements que l’élévation spirituelle restent anecdotiques. La fameuse attaque finale est également traitée de façon surprenante. Pas tout à fait intimiste comme elle l’aurait pu l’être, mais n’insistant pas réellement non plus sur la bataille monumentale, c’est finalement la conclusion qui permet de constater l’étendue du conflit. Comme si Benny Chan avait une grande quantité d’idées, mais les oubliait au fur et à mesure, pour y revenir ensuite. Ainsi dans la deuxième heure, le personnage d’Andy Lau, tout en restant le héros, reste curieusement en retrait. Il est dit qu’il a dépassé les sentiments de haine ou de vengeance, mais il semble ne plus être qu’une coquille vide. C’est d’autant plus regrettable que l’acteur s’investit beaucoup et que son jeu est très juste. Mais n’aurait-il pas été plus pertinent d’explorer davantage ses tourments, en insistant sur son ambivalence ? A ce titre, Hou peut rappeler le Wu Lang interprété par Gordon Liu dans Eight Diagram Pole Fighter, non seulement parce que leurs destins présentent des similitudes, mais aussi parce qu’une scène en particulier vient faire écho à l’œuvre de Liu Chia-Liang. Mais andy se coupant les cheveux avec un ciseau a un impact émotionnel moins important que le rasage de crâne de Gordon Liu, à cause d’une réalisation soignée mais trop contrôlée, trop précise. Et c’est bien là le problème de ce Shaolin : la simplicité de l’histoire aurait été bien plus facile à accepter si le réalisateur était parvenu à nous investir dans son récit. Mais l’élégance de sa mise en scène est trop calculée. La recherche esthétique n’est d’ailleurs pas toujours un gage de réussite, on psetera par exemple de retrouver l’utilisation de teintes sépias dans un flashback, procédé cliché auquel Chan semble tenir. Mais tout ce travail n’est pas inutile, et quelques scènes en particulier restent très marquantes. A ce titre, l’utilisation du ralenti n’est pas excessive, et sert généralement le propos. La montée d’escalier précédant le traquenard bénéficie ainsi d’une formidable montée en tension, et cette anticipation donne beaucoup plus d’impact à la scène. De même, l’entraînement en binôme d’Andy et d’un enfant moine est filmé avec une grâce tout à fait pertinente dans le contexte, et le ralenti accompagne élégamment une musique appropriée. Ce qui n’est pas toujours le cas, la bande originale oscillant entre mélodies puissantes et morceaux mièvres, même si ces derniers sont moins nombreux.  Ainsi, malgré cette sensation de contempler une œuvre un peu froide, il y a une véritable unité dans Shaolin.


Affirmation qu’on peut remettre en question lorsqu’on évoque le jeu des acteurs. Si Andy Lau se montre très convaincant, Nic Tse rate une occasion d’interpréter un antagoniste marquant. Il faut dire que le rôle est mal écrit et ne dépasse pas le classique traître cruel. Wu Jing confirme que la sobriété tout à fait bienvenue qu’il manifestait dans City Under Siege lui convient très bien, malheureusement, il n’est pas présent plus de 10 minutes à l’écran. Et c’est bien dommage car il donne beaucoup d’humanité à ce moine impulsif et très humain. Les personnages féminins sont également gâchés, et ce n’est pas Fan Bing-Bing qui va contredire ce constat. Il aurait été aisé d’en faire un rôle marquant, mais elle n’est qu’une coquille vide, interprétée sans conviction de surcroit. La surprise vient finalement de Jackie Chan. Sans être la star, il est bien plus présent à l’écran qu’on pourrait le croire, et nous rappelle à quel point il peut être charismatique. On a un peu l’impression de voir ce que serait devenu son personnage de Little Big Soldier s’il avait été recueilli au temple dans l’enfance. Chan se montre plus attachant que jamais et joue avec beaucoup de naturel un rôle simple mais touchant. Chacune de ses apparitions est un vrai plaisir, et il s’illustre même dans un combat très réussi. Du point de vue martial, shaolin propose quelques échanges spectaculaires. Le rythme n’est pas démentiel, puisque la première heure ne compte qu’un combat d’introduction et un traquenard. Ce dernier est par contre enthousiasmant. Il n’y a pas de véritable échange martial, mais quelques coups spectaculaires, et surtout une série de poursuites vraiment immersives. Mais il faudra attendre la dernière partie du film pour assister à une succession d’affrontements pas si longs qu’on pourrait le croire, mais déjà plus consistants. Wu Jing aura l’occasion de s’offrir sa scène digne d’un film de Chang cheh, même s’il ne combat que trop peu, et l’action sera au centre du récit à partir de ce moment. Le gros final est moins dantesque qu’on aurait pu le croire. Le nombre de figurants se battant est bien moins important que prévu, et finalement, l’accent est mis sur les duels. Xiong xin-xin nous montre d’ailleurs qu’il bouge encore très bien, dans un échange de coups de sabre mémorable avec Xin Yu, qui n’est pas sans rappeler les grands moments des wu xia pian des années 90. Le combat entre Nic Tse et Andy est également très bon, même si bien trop court. C’est d’ailleurs la règle dans ce Shaolin, les combats ne durent jamais aussi longtemps qu’on l’aimerait. Pourtant, les chorégraphes ont fait un travail remarquable, et le montage est très bon, restant toujours lisible, tout en insufflant un dynamisme qui manque ces dernières années ! Reste que le climax accomplit sa mission : en mettre plein la vue, entre des duels martiaux de toute beauté et des explosions bruyantes, avant de finir sur un boom !


Avec Shaolin, Benny Chan compense City Under Siege, et livre un produit de qualité, qui devrait satisfaire les amateurs d’action. Mais il confirme également que s’il est un très bon artisan, il manque une âme à son travail, et c’est bien dommage.

lundi 7 février 2011

Red Dead Redemption - Undead Nightmare

Si la particularité de la console de Nintendo, la Wii, est sa reconnaissance de mouvements, les deux géants sony et Microsoft ont vendu leur console sur leur puissance graphique époustouflante, et sur leurs jeux destinés à des joueurs plutôt expérimentés. Mais il y a un autre élément que la xbox360 et la ps3 ont popularisé : les fameux DLC. A tel point que presque tous les jeux ont droit à leurs dlc, qu’il s’agisse de simple packs de costumes ou d’armes, de nouvelles missions, voire de nouveaux scénarios. Cette pratique, qu’on peut voir comme une expérimentation de la dématérialisation des jeux (un procédé qu’on imagine aisément devenir courant à l’avenir), fait l’objet de vives critiques des joueurs, qui y voient souvent une malhonnête démarche purement mercantile. Mais s’il est facile de crier à l’arnaque face à certains éditeurs peu scrupuleux, Rockstar a déjà prouvé aux acheteurs que ses dlc étaient conçus avec un soin particulier. Ainsi, GTA IV a bénéficié de deux extensions se déroulant en parallèle du jeu principal, les destins des différents protagonistes se croisant à plusieurs reprises, tout en offrant une expérience de jeu différente, basée sur un scénario original, et des personnages avec une véritable histoire. The Lost and Damned et The Ballad Of Gay Tony permettaient de passer quelques heures de plus à Liberty City, au gré d’intrigues à l’écriture toujours très travaillée. Même en effectuant les missions principales sans s’arrêter sur les activités secondaires, il y avait de quoi occuper quelques heures. Quand l’éditeur a annoncé un nouveau scénario pour son western en monde ouvert, le crépusculaire Red Dead Redemption, on pouvait donc se sentir rassuré. Pourtant, la description d’une vision cauchemardesque, peuplée de morts-vivants a suffi a éveiller la méfiance. Les zombies et les infectés étant à la mode dans les jeux vidéos ces dernières années (même un jeu de guerre comme Call Of Duty dispose maintenant d’un mode zombies !), il était compréhensible que les joueurs n’y voient qu’une occasion de vendre un contenu supplémentaire fait à la va vite. Le mélange de l’horreur et du western paraissait également peu pertinent à certains. Cette rencontre s’est pourtant déjà déroulée dans Undead Or Alive (dont la critique est disponible sur ce blog). De plus, on peut tout à fait envisager que le western serve de décor à un récit surnaturel, après tout, ça n’est pas très différent d’une histoire d’horreur dans un cadre contemporain. Au-delà de ces appréhensions, les bandes annonces précédant la mise en vente insistaient une nouvelle fois sur la trame scénarisée de cette extension, ce qui permettait de supposer que Rockstar avait une nouvelle fois produit un récit travaillé, plutôt qu’une simple modification de l’environnement et des assaillants, comme un éditeur l’aurait peut-être envisagé.


Et dès les premières images, on constate que l’atmosphère est non seulement très différente du jeu original, mais véritablement prenante. Graphiquement, cela s’illustre par des filtres un peu plus sombres, et surtout la présence permanente de nuages d’un gris désespérant. De plus, les goules ont véritablement envahi les lieux, si bien qu’on redécouvre ces villes qu’on a appris à connaître avec un œil nouveau. Mais surtout, la quête du joueur va être introduite par une scène cinématique digne d’un épisode des Contes De La Crypte. On a en effet l’impression d’être dans une sorte de réalité alternative, à l’image des What If de Marvel ou des Elseworld de Dc Comics. Le récit se situe dans la dernière partie du jeu d’origine, un peu avant la dernière mission principale. Les protagonistes n’ont donc plus besoin d’être présentés, et les personnalités de chacun sont exploitées de façon judicieuse, pour créer un cadre familier, qui donne la sensation d’être en terrain connu, avant de bouleverser tout ce qu’on connaît. Cette mise en scène contribue grandement à l’immersion, et comme John Marston, on est bien vite dépassé par l’épidémie. La jouabilité va ainsi être radicalement différente. Alors que notre père de famille en quête de paix avait pour habitude de se cacher derrière des éléments du décor pour échanger des coups de feu sans trop en recevoir, il doit ici rester en mouvement pour échapper à des morts-vivants à la démarche hésitante, mais qui se rueront sur lui avec un acharnement que seul des zombies peuvent manifester. Et comme dans la vision classique de ces assaillants décharnés, c’est d’un tir en pleine tête qu’il faut les tuer. Le jeu proposant plusieurs types de visée, chacun est libre d’adapter la difficulté. La visée libre reste une fois de plus bien plus intéressante. Elle représentait déjà un challenge bien plus motivant dans le jeu principal, mais elle donne ici tout son sens à l’explosion des cervelles. Et les affrontements ne manquent pas ! Outre les missions de la trame principale, chaque ville est ainsi envahie de zombies. On ne peut d’ailleurs plus sauvegarder en campant en pleine nature. Il faut donc éliminer la menace, représentée par une barre qui se vide à mesure qu’on élimine les goules. Ces combats sont très intenses, et chaque lieu offre un défi différent. Ainsi un petit village peut présenter un grand nombre sur une superficie limitée, ce qui rend la lutte acharnée. On est vite submergé par les morts-vivants hargneux, et dans un premier temps, la tension ne retombe pas. Puis on va progressivement faire diminuer leur nombre, et ce n’est que sur la route qu’on sera constamment confronté à l’épidémie. Cependant, les villes sont assaillies à intervalles réguliers, et il faudra surveiller cette progression pour éliminer dès que possible les zombies, afin de ne pas les laisser envahir une nouvelle fois l’intégralité de la carte. Il y a également quelques cimetières dans lesquels il faudra supprimer un chef zombie pour éviter que ses hordes ne sortent incessamment de sous terre, rappelant les fleurons cinématographiques du genre. Outre les traditionnelles armes à feu, qui ne sont efficace, une fois de plus, qu’en visant la tête, John dispose également d’une torche avec laquelle il peut brûler ses ennemis, mais la maniabilité est moins agréable, et l’intérêt réduit.


Comme dans la trame principale, on retrouve des quêtes secondaires, qui permettent d’allonger la durée de vie, et surtout de s’immerger davantage dans cet univers si particulier. L’histoire en elle-même est sympathique, et permet de faire le point sur le destin des personnages qu’on a croisés auparavant. On enquête à leurs côtés sur la cause de l’épidémie, et une fois de plus, ces rencontres permettent de dévoiler la carte, jusqu’à avoir accès à l’intégralité du paysage. Undead Nightmare joue donc sur la nostalgie qu’on peut avoir à quitter ces visages burinés, et cette stratégie fonctionne. Le schéma est identique à celui du jeu original, mais le déroulement diffère, grâce aux nouvelles mécaniques de jeu. On regrettera malgré la qualité des dialogues, que le récit ne soit pas plus étoffé, la dernière partie étant d’ailleurs un peu décevante, notamment à cause d’une dernière mission vite expédiée. La conclusion est par contre plutôt amusante, et on a une fois de plus la possibilité de continuer à jouer après avoir terminé l’histoire. Une liberté qui n’est pas de trop, ne serait-ce que pour terminer les objectifs secondaires et les défis. Et une fois encore, Rockstar gâte le joueur, avec des dressages de chevaux de l’apocalypse, possédant tous des pouvoirs particuliers, ou des objectifs de chasse. Ces challenges ne sont pas indispensables, mais restent amusants, et justifient qu’on continue de se balader sur cette carte infestée de zombies, éclatant au passage quelques cervelles dans des râles terrifiants ! Red Dead Redemption : Undead Nightmare est donc une nouvelle extension de qualité pour Rockstar, à la durée de vie conséquente, et bénéficiant d’un véritable travail d’écriture et de mise en scène, même si l’histoire aurait pu être plus intéressante. Le mariage entre le western et l’horreur fonctionne très bien, et les amateurs de morts-vivants trouveront largement leur compte, avec la quantité monumentale de goules à éliminer !