samedi 19 février 2011

All Star Superman


Superman est l’un de ces personnages que tout le monde connaît. C’est aussi l’un des plus vieux super-héros existant, puisque ses premières aventures remontent à 1938, dans les pages de Action Comics 1, précédant d’un an celle de l’autre grande figure de Dc Comics, Batman. Pourtant, quand la maison d’édition décide de lancer la ligne All Star en 2005, c’est le chevalier noir qui sera le premier à en être le sujet. Censée revitaliser des icônes considérées comme un peu poussiéreuses, ce titre permet à des grands noms de l’industrie de développer des aventures en marges de la continuité, une liberté censée permettre une plus grande créativité. Frank Miller et Jim Lee n’ont pas réussi à convaincre avec leur nouvelle version de l’homme chauve-souris, à cause d’un scénario sans enjeux, de dialogues risibles, et surtout d’un rythme de parution qui fait penser à une mauvaise plaisanterie (à ce jour, il n’y a toujours pas de fin). Le travail de Grant Morrison et Frank Quitely, en plus d’être conclu, est largement reconnu, tant par le public que la critique, puisque la série s’est même vue attribuer d’innombrables prix. Entre autres deux Eisner Awards,  deux Harvey Hawards, et enfin 3 Eagle Awards.  Composé de 12 épisodes, le titre se trouve aujourd’hui dans des éditions de 6 épisodes. En France, les épisodes étaient publiés en librairie par deux, comme pour All Star Batman and Robin. Avec une telle réputation, et la qualité des derniers dessins animés produits par Dc, il n’était pas étonnant qu’on annonce une adaptation pour le petit écran, dont la sortie est programmée pour le 21 Février. L’occasion de se replonger dans ce récit et de s’attarder sur ses qualités et ses défauts. Si Frank Miller a tendance à s’accaparer un personnage pour imposer sa vision très particulière, Grant Morrison préfère mêler les différentes visions existantes afin de proposer un traitement dense, comme on a pu le voir dans son run sur Batman. Le projet All Star Superman s’inscrit largement dans cette optique. En effet, c’est au début des années 2000, en discutant avec des scénaristes comme Mark Millar ou Mark Waid que le scénariste a eu quelques idées afin de ramener le héros à son essence pure.

 

A ce titre, la couverture du premier épisode peut surprendre. On y voit un Superman assis sur un nuage au dessus de Metropolis, regardant sereinement le lecteur. Difficile en effet d’imaginer celui qui a débuté dans les pages de Action Comics se tourner les pouces quand il a tant à faire dans la métropole ! Le style de Quitely est très particulier et peut déplaire, mais il parvient incontestablement à transmettre des ambiances et des émotions. Et en l’occurrence, l’apaisement du héros est communicatif et semble naturel. Pourtant, le premier épisode est loin d’être aussi calme. La première page résume avec flamboyance ses origines, de la disparition de la planète Krypton à son recueil par Jonathan et Martha Kent. L’alchimie entre les dessins très expressifs de Quitely et l’écriture précise de Morrison est évidente, et le découpage du récit ne cesse d’impressionner. Il suffit d’admirer en pleine page le héros volant à proximité du soleil pour comprendre ce qui fait de lui un être extraordinaire. Ce n’est pas sa force surhumaine, ou sa vitesse. Superman est plus qu’un héros, c’est le symbole du bien, un être pur, dont l’abnégation peut sembler agaçante, en particulier à une époque où l’univers des comics se veut plus sombre et plus réaliste. Mais c’est justement ce décalage entre cet être presque divin, et une réalité sinistre, qui fait toute sa force. Bien sûr, ses exploits sont formidables, et Morrison illustre ce constat par l’accomplissement de douze miracles, rappelant d’ailleurs les douze travaux d’Hercule. Mais c’est sa volonté et ses principes inébranlables qui font de Superman le plus grand des super héros. Se préparant durant presque tout le récit à mourir, le héros n’abandonne jamais, et lutte jusqu’au bout pour ses convictions, et pour cette planète qu’il a appris à aimer. La narration peut paraître décousue dans un premier temps, car plutôt que de construire son récit sur la base d’un exploit par épisode, Morrison fait le choix de ne pas suivre une ligne directrice précise, et conte chaque chapitre comme s’il était indépendant, comme s’il était une histoire à part entière.




complexe. Et c’est bien l’intérêt : l’intrigue principale n’est jamais oubliée, mais elle ne laisse jamais le développement des personnages en retrait. Et tous bénéficient d’un traitement approfondi. Le scénariste manifeste une affection particulière pour les seconds rôles, qui ont un véritable sens et une véritable identité. Certains passages classiques font sourire, mais s’ils s’inscrivent dans une continuité de l’image du personnage, ils ne constituent pas une finalité. Ils servent d’accroche, ce qui permet de ne pas être décontenancé lorsque les protagonistes sont plus développés. Inévitablement, Lois Lane joue un rôle important, puisque sa relation avec Superman a toujours été l’un des fondements du personnage. A ce titre, sa réaction face à certaines révélations est intéressante, et bien plus qu’une simple amante, elle est l’un des symboles les plus forts de l’espoir que peut représenter le Kryptonien pour l’humanité. De même, Jimmy Olsen a toujours été un second rôle intéressant. L’héroïsme qu’il manifeste à plusieurs reprises prouve l’inspiration d’une figure presque divine comme Superman. Tout en étant drôle et en manifestant un égo très humain, le jeune journaliste fait preuve d’une loyauté vraiment touchante. Et si on attache si facilement à ces mesdames et messieurs tout le monde, ce n’est pas seulement parce qu’on les connaît bien, c’est aussi parce que la qualité de l’écriture et les dessins de Quitely en font des êtres attachants. L’artiste livre un travail remarquable, comme en témoigne certaines pages au découpage surprenant, mêlant images transversales qui chevauchent dessins en pleine page par exemple, ou esquisses au noir et blanc qui n’ont rien de gratuit, et développent certaines idées du récit. Et il faut avouer qu’elles sont nombreuses, sans qu’on n’ait jamais la sensation que Morrison livre un travail en contradiction avec l’essence du héros. Au contraire, on a souvent le sentiment de lire ce qui fait exactement de Superman un personnage unique. Deux scènes en particulier sont inoubliables, sans être trop longues ou trop insistantes. Le discours de Clark à Smallville est tout simplement impressionnant, car il provoque beaucoup d’émotion et s’impose comme le fondement définitif de Superman. Ce passage trouvera écho dans l’épisode 9, particulièrement pertinent, puisqu’il remet en perspective ce qu’aurait pu être le destin de la terre si l’homme d’acier avait été un colonisateur.


Dans The Return Of Bruce Wayne,  Morrison dressait un portrait extrêmement complexe et riche de Batman, basé sur toutes les visions existants depuis sa création, rappelant son essence, mais insistant également sur des aspects mois mis en valeur habituellement. Dans All Star superman, il accomplissait déjà un travail similaire, raison pour laquelle le titre devrait être lu par tous ceux qui pensent que le boy scout de Krypton n’est pas intéressant à cause de sa morale exacerbée et de son invulnérabilité. En effet, tout en évitant le piège d’en faire un être trop faible, systématiquement mis à mal par la magie ou la Kryptonite (des facilités scénaristiques souvent employées par des auteurs peu imaginatifs), le scénariste le rend encore plus invincible, tout en le confrontant à des obstacles tellement complexes que le héros doit faire appel à l’ensemble de ses ressources pour triompher. Car comme il ne cesse de le répéter : « il y a toujours une solution ». Et cette bouffée d’optimisme berce l’ensemble du récit, sans paraître trop utopiste ou naïve. La plus grande force de superman, c’est de faire croire à son message, c’est d’inspirer, de pousser à se dépasser, pas parce qu’il dit de le faire, mais parce que lui-même est convaincu. Parce que lui-même, et ce dans les conditions les plus extrêmes, se dépasse, afin de trouver la solution. La scène dans laquelle Lex Luthor comprend réellement la façon dont le héros voit le monde est tout simplement extraordinaire, car elle met en exergue toute l’innocence de cet être qui pourrait facilement imposer sa loi, s’il ne s’imposait pas lui-même des règles. Et ses règles constituent la solution qu’il a choisir pour préserver son héritage. Pour préserver l’esprit de ceux qui l’ont recueilli, ceux qui l’ont sauvé. Le parallèle entre ce que lui ont transmis ses parents Kryptoniens et ses parents terriens est aussi touchant que pertinent, et c’est l’addition de toutes ces composantes qui en font un être bien plus complexe et intéressant que le simple boy scout qu’on nous présente parfois. Il était important que ce soit Lex Luthor qui permette de comprendre ces éléments, puisqu’il est la némésis parfaite du personnage. Leur relation complexe est développée de façon passionnante, sans être trop prégnante.
 

Mais pour illustrer son propos, le scénariste ne se contente pas d’utiliser des têtes connues. En parlant des Superman du futur, présentés dans l’épisode 2, Morrison peut développer les thèmes métaphysiques qui lui sont chers. Le voyage dans le temps, ses implications, ses lois, sont employés ici avec pertinence. Car l’auteur ne se perd pas dans des délires de science fiction gratuit et emploie ces éléments scénaristiques comme des outils s’inscrivant naturellement dans le développement de ses thématiques et de ses personnages. Alors que le récit aurait pu être une étude sur l’inéluctabilité d’événements futurs, Morrison s’appuie sur ce qui pourraient être des prophéties pour illustrer le moral d’acier de l’homme de Krypton, prêt à se battre contre les éléments, les événements, et à accomplir des miracles jusqu’à son dernier souffle. Et avec de tels thèmes, la conclusion se devait d’être inoubliable. Le dernier épisode remplit largement ce pari, et se révèle tout simplement épique, achevant de faire du Superman de All Star Superman un être aussi pur et exceptionnel qu’humain et attachant. Lorsque le mot fin est lisible, on à la fois heureux, triste, et empli d’espoir. Mais surtout on est confiant dans l’avenir, on a envie de croire à l’impossible, et on a envie, comme le héros de se dépasser.
All star Superman est considéré comme certains comme l’histoire définitive du héros, bien qu’elle se situe en marge de la continuité. Chacun y trouvera sa réponse, mais il est évident qu’il s’agit d’un récit important, à découvrir !

3 commentaires:

  1. Si j'ai lu quelques titres sur Batman, mes lectures sur Superman sont quasi-inexistantes j'ai lu le premier tome de Superman : identité secrète de l'excellent Kurt Busiek (Marvels) mais il ne s'agit même pas du vrai héros.

    De plus, j'ai l'impression que Batman possède plus de sorties librairie incontournables que son copain volant mais c'est vrai que si j'ai l'occasion de découvrir All Star Superman ou For all seasons je n'y manquerais pas :)

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  2. ça me donne également envie de lire For all seasons! Jeph Loeb avait fait du bon travail sur Daredevil Yellow, l'ambiance y était géniale. Et Tim Sale avait livré des planches phénoménales, comme celle de la chaise électrique.

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  3. Cher Anonyme,


    je suis pour la liberté d'expression, néanmoins je t'invite à exprimer ta rebellion de façon plus saine et plus productive qu'en postant des commentaires vulgaires et sans rapport avec l'article. Je prends donc la liberté d'effacer ton message et te souhaite une bonne journée.

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