samedi 15 janvier 2011

Versus l'ultime guerrier


Voilà un film qui aura fait parler de lui, et ce bien avant sa sortie. Pourtant, ni son réalisateur, Ryuhei Kitamura, ni son acteur principal Tak Sakaguchi, n’avaient encore eu l’occasion de s’illustrer au cinéma. Le premier n’avait réalisé que deux petits films avec des amis, et le second était, d’après la légende, un combattant de rue réputé. Cherchant des fonds pour réaliser son film ultime de zombies, Kitamura, connaissant la réputation de Tak, va à sa rencontre et lui propose d’exploiter ses talents devant la caméra. Vendu comme l’actionner ultime, « Versus » dispose d’arguments indéniables : un mélange de chambara (le film de sabres japonais) moderne, forêt infestée de zombies, gore outrancier, rythmé effréné…

Le lieu unique de l’action permet de ne pas gaspiller le budget, mais cette entourloupe, souvent utilisée dans les films indépendants, donne parfois un aspect fauché qui peut être pénible.  Ce n’est finalement pas le cas ici. L’énergie de l’équipe est aussi incroyable que communicative. La caméra, virevoltante, instille un dynamisme plein de style, qu’on pourrait qualifier de prétentieux, ou de clip de 2 heures, si le parti-pris avait été trop premier degré. L’ensemble se présente plutôt comme une farce réalisée entre potes, d’où la bonne humeur générale. L’humour est donc au rendez-vous et permet de contrebalancer des poses parfois un peu trop grandiloquentes. Il faut dire que l’influence de « Matrix » est assez évidente, l’une des scènes les plus célèbres du film étant même parodiée. Malgré cette maîtrise technique surprenante, qui change de la plupart des petits budgets réalisés à la va vite, il est clair que l’équipe ne dispose pas d’outils suffisantes pour livrer des plans de caméra vraiment esthétique, et les travellings sont parfois un peu grossiers.

Kitamura manifeste néanmoins une vraie vision, un réel sens de l’esthétique, que ses films à plus gros budgets confirmeront largement. Les scènes de flashback, tournés sous forme d’hommage aux chambaras classiques, sont à ce titre très réussies, et ne se contentent pas d’être des affrontements violents. Au contraire, à la manière des meilleurs combats au sabre, la montée en tension précédant le duel a une importance indéniable, et l’intensité est redoutable. La musique appuie efficacement cet effet, même si dans les autres scènes elle se révèle plus anecdotique. Elle est en tout cas toujours en phase avec ce qui se passe à l’écran.




Et il s’en passe des choses dans cette forêt. Ce qui démarre comme la fuite d’un fugitif, puis un film de gangsters, puis un film de zombies, va mélanger tous les genres, tout en privilégiant le surnaturel, essayant ainsi d’installer une histoire plus complexe qu’on ne pourrait le croire, pour aboutir à un récit de légende. Malgré tout, l’action n’est pas aussi présente qu’on pourrait le croire. En fait, il y a beaucoup d’échanges de coups de pied, de sabre, de feu…. Mais l’emphase pour des dialogues longs coupe le rythme et on se demande parfois si les protagonistes cesseront un jour de discuter. Ce parti-pris se justifie par la mise en place de l’histoire, mais les dialogues ne sont pas toujours d’une grande finesse, et leur apport au récit n’est pas toujours évident.

Comme la plupart des acteurs étaient loin d’être des professionnels, le résultat peine à convaincre de ce point de vue. Tak Sakaguchi est un parfait exemple : physique de tombeur, coupe de cheveux de rebelle, promptitude à porter des coups violents pour terrasser les adversaires, il est immédiatement moins à l’aise lorsqu’il s’agit de faire la conversation. Sa sobriété et son charisme lui permettent malgré tout de s’attirer la sympathie du spectateur, et même si ses films suivants ne feront pas de lui le nouveau Toshiro Mifune, sa présence à l’écran est évidente. Sa façon de poser dans un style très comic book est un peu excessive, mais fait partie de l’identité du personnage et reste sans commune mesure avec le concours de grimaces auquel se livrent la plupart des autres « acteurs ».
« Versus » n’a de toutes manières pas pour ambition de gagner des prix d’interprétation, et même si l’écriture ‘est inégale, on ne peut que saluer l’ambition d’en faire plus qu’un petit film de potes bricolés rapidement et écrit entre deux bouffées de cigarettes. L’argument principal reste la présence de zombie et la quantité d’action. Les combats au corps à corps s’inscrivent plus ou moins dans l’héritage du cinéma de Hong Kong, sans atteindre la précision effarante des meilleurs films de l’ex colonie. Les duels restent dynamiques et variés, et les passages de massacre de zombies, sans être aussi gores qu’on l’aurait voulu, restent jouissif. Les morts vivants restent malgré tout curieusement en retrait, à l’image du combat final, qui n’est autre qu’un duel au sabre. Ce passage est d’ailleurs déconcertant, alternant des plans à la chorégraphie très intense et d’autres où les acteurs semblent balancer leur sabre sans trop savoir quoi faire.

Globalement, et malgré des longueurs, « Versus » est un digne héritier du « Bad Taste » de Peter Jackson, drôle, décalé, et rythmé.

1 commentaire:

  1. Trop long, mais en effet un bad taste à la jap' !! J'étais monté sur Paris avec un pote pour le voir çui-là : on s'était bien poilé.

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