Si les zombies sont connus depuis l’ouvrage d’anthropologie Magic Island publié en 1929, et qu’un certain nombre de films (le plus célèbre étant White Zombie, avec Bela Lugosi), il aura tout de même fallu attendre Night Of The Living Dead de George A. Romero en 1968 pour les voir passer du statut de faire valoir mystérieux à celui de mythe terrorisant. Mais avec les années, l’horreur a laissé sa place aux rires. Outre les zomédies telles que Shaun Of The Dead ou Zombieland, dont l’humour est destiné à rendre les morts-vivants divertissants pour le grand public (même si dans le cas du film britannique, il n’y a pas vraiment de concessions sur le plan visuel), une grosse majorité de l’industrie des films à petit budget s’est inscrite dans cette vision. En effet, l’humour est un bon moyen de ne pas interpeller le spectateur à la vue d’effets spéciaux risibles ou de faux raccords : après tout, on ne se prend pas au sérieux ! Ce parti-pris fait donc la joie des réalisateurs qui a défaut d’en avoir le talent, en ont le titre. Le film de zombies peut donc tout autant être une usine à talents, désireux de s’illustrer par leur ingéniosité, au-delà d’un budget dérisoire, qu’une opportunité mercantile de retirer un petit bénéfice d’une « œuvre » faite à la va-vite. A la vue de ce Shadow Dead Riot, on est d’ailleurs vite tenté de le situer dans cette catégorie de divertissements. L’affiche ressemble en effet plus à une sorte d’avertissement invitant le spectateur à détourner son chemin qu’à un aperçu éveillant l’intérêt. Derek Wan ne s’étant jusque-là illustré qu’en tant que directeur de la photographie dans des productions Hong Kongaise (et en tant que metteur en scène de deux téléfilms), on envisage cette expérience comme un entraînement, plus que comme la mise en images d’un récit avec une vision. Et pour pallier le manque de poids de son nom, on lui octroie deux vedettes d’un cinéma autre, Tony Todd, qui a connu la gloire dans Candy Man (et qui a déjà eu l’occasion de partager l’écran avec des goules dans le remake de Night Of The Living Dead, par Tom Savini), et Misty Mundae, actrice qui a réussi à se faire un nom dans le cinéma indépendant tendance trash. Or, la présence de ces « grands » noms ne garantit pas, comme on peut s’en douter, un budget confortable. L’actrice principale a une carrière bien plus modeste, même si elle a fait de la figuration dans Inside Man de Spike Lee. Mais la grande surprise de ce Shadow Dead Riot se situe dans son générique, qui annonce fièrement la présence de Tony Leung Siu Hung au poste de chorégraphe des scènes d’action. Serait-on dans un film d’arts martiaux ?
Dès les premières images, on constate que Derek Wan a une belle expérience de directeur de la photographie. Si les décors (ou plutôt le décor) ne tromperont personne, l’image, qu’on devine tourner en dv, bénéficie d’un soin particulier, ce qui contribue à immerger dans l’ambiance sordide de cette introduction sanglante. Rituels vaudous, scarifications et cannibalismes sont les ingrédients de ce prologue un peu caricatural, mais réussi. On s’éloigne donc de l’image moderne du zombie dont la condition est le résultat d’expériences scientifiques, ou de la propagation d’un virus. Avec l’avalanche d’infectés courant dans tous les sens qu’on voit habituellement dans ce genre de production, ce choix plus proche de l’origine des morts-vivants est vraiment agréable. On peut y voir un opportunisme qui jouerait sur l’image de marque de Tony Todd, habitué du surnaturel et des rituels terrifiants avec la série des Candy Man. Mais cet élément est intégré naturellement au récit, et contribue à installer une ambiance pesante. Car tout en utilisant les clichés inhérents au genre et en se jouant d’eux, Derek Wan ne cède pas à la facilité du second degré facile. Le ton est plutôt sérieux, même si les personnages versent dans les pires clichés. Carla Greene, dans le rôle de « Solitaire », joue les héroïnes chevaleresques, avec une dureté surprenante, qui détone au milieu du jeu des autres acteurs. Il suffit de voir le médecin lubrique en action, s’évertuer à exprimer le désir par les grimaces les plus spectaculaires. La subtilité ne s’arrête pas là, comme l’illustre le choix du prénom Elsa pour la gardienne homosexuelle prête à tout pour obtenir les faveurs des prisonnières. A ce titre, comme dans un grand nombre de films de prison pour femmes, l’homosexualité entre détenues et les abus prennent une place importante, « justifiant » les plans répétés sur les poitrines nues des actrices. Le premier tiers du métrage semble être l’occasion pour le réalisateur d’appliquer les quotas, puisque cet aspect ne sera presque plus présent l’heure restante. Bien sûr, la traditionnelle douche avec promesses d’abus reste présente, tout comme les tendances perverses du médecin, mais le récit va un peu dépasser cette accumulation de scènes faciles pour progresser davantage.
On peut en effet découper Shadow Dead Riot en trois éléments : son contenu soft porn, destiné à attirer un public peu regardant de ce point de vue (à part quelques plans de nu, il n’y a aucune scène qui s’étire en longueur), les conflits entre l’héroïne et la prisonnière en chef, qui ferait passer Hulk Hogan (voire l’incroyable Hulk) pour une fillette, et le récit lié à la fameuse introduction. Dans tous les cas, il y a peu de chance pour que les scénaristes aient eu des migraines en rédigeant leur scénario. Outre les clichés inévitables (l’héroïne qui finit en isolement, mais est soutenue par sa voisine de chambre. Son éveil progressif à une plus grande humanité. Ses conflits avec la hiérarchie et les autres détenues.), les coïncidences qui conduisent certains personnages à se rencontrer dans certaines circonstances sont un peu trop ahurissantes pour être crédibles, même en faisant preuve de bonne volonté. Néanmoins, la volonté de plonger le récit dans une ambiance surnaturelle est appréciable. Wan parvient à tirer le meilleur de son décor, notamment la cellule d’isolement dont les murs semblent garnis de moisissure. Le lieu principal de l’action reste un grand couloir bordé de cellules, même si les douches sont beaucoup exploitées. Ce choix contribue à l’ambiance oppressante, en particulier lorsque les zombies envahissent la prison, donnant la sensation qu’il n’y a pas d’échappatoire. Il n’y a rien d’innovant, mais le travail est bien fait. Même certains effets spéciaux parviennent à être convaincants, comme ce passage où le sang se déverse dans les cellules. On apprécie d’autant plus qu’il aurait été facile de singer The Shining, mais Wan fait le choix de s’approprier cette situation, et elle sert réellement son propos. Autre scène qui rappelle un classique de l’horreur sans en être une simple copie : le bébé zombie. Comme dans Braindead de Peter Jackson, un rejeton mort-vivant va se montrer particulièrement vorace, mettant en valeur les maquillages réussis. Si le mannequin n’est pas très crédible, son attitude est vraiment inquiétante, loin de l’hilarité que pouvait provoquer l’ignoble enfant du film néo-zélandais. D’ailleurs, les maquillages sont plutôt réussis dans l’ensemble. Les visages des goules font penser à un assemblage d’immondices, rappelant bien leur décomposition et leur aspect putride, et les effets gores ne sont pas ridicules. Les moins réussis sont camouflés par un montage un peu plus frénétique, certains plans rappelant d’ailleurs Story Of Rikki et ses têtes explosées de marionnettes.
Car de façon surprenante, Wan ne surdécoupe pas ses scènes d’action, sauf, comme précisé précédemment, quand il est nécessaire de camoufler certains effets moins convaincants. L’émeute de l’introduction est significative de ce traitement. Le combat à grande échelle est assez maîtrisé, puisqu’on ressent pleinement le chaos, tout en ayant l’opportunité de coir ce qui se déroule à l’écran. Le travail de tony Leung pour ce passage n’est pas inoubliable mais reste très sympathique, même si on aurait aimé que le tout dure plus longtemps. Les affrontements ne sont pas si nombreux que ça, mais ils sont dispersés avec suffisamment de régularité pour qu’on ne s’ennuie pas. La première heure alterne en effet combats, soft porn et scènes censées développer les liens entre les protagonistes. Mais c’est surtout pour son dernier tiers que Shadow Dead Riot mérite d’être vu. Dès que les zombies se décident à sortir de terre, l’action ne cesse plus. En fait, dès qu’on voit des mains dépasser d’une pelouse artificielle, le spectacle commence réellement. Ce passage rappelle les scènes bien plus réussies des deux premiers Return Of The Living Dead. Alors que les combats de la première heure se sont révélés sympathiques (grâce notamment à quelques chutes énergiques et quelques coups de pied brutaux), le long final va enfin mettre en valeur le talent de Tony Leung. Bien sûr, il ne s’agit pas d’un film d’arts martiaux, et les acteurs ne sont manifestement pas des athlètes émérites. Mais le chorégraphe parvient à insuffler suffisamment d’énergie tout en variant le type d’action pour qu’on se laisse convaincre. Le passage à tabac des zombies à ce titre particulièrement jouissif, même si on aurait apprécié des mises à mort plus violente. Les morts-vivants quant à eux se montrent agressifs, n’hésitant pas à dévorer leurs victimes. Dommage que le budget pour l’hémoglobine n’est pas été plus important, d’autant plus que les quelques effets auxquels on a droit sont réussis. On a finalement plus l’impression d’être dans un beat ‘em all grandeur nature que dans un film d’horreur, même si Tony Todd se charge de nous rappeler qu’il est un véritable monstre. Son duel avec l’héroïne comporte d’ailleurs quelques un des meilleurs échanges. Mais l’équipe privilégie les confrontations courtes et variées plutôt que les longs duels complexes. Le fan d’arts martiaux peut le regretter, mais il faut garder à l’esprit que ce parti-pris évite de mettre en valeur l’inexpérience du casting. De plus, le final étant très long, le rythme n’en est que plus trépidant.
La conclusion est brève mais illlustre bien ce à quoi on vient d’assister : un spectacle modeste mais sympathique, fait avec plus de soin que ce qu’on aurait pu croire. On pourra s’étonner de trouver Tony Leung au poste de chorégraphe dans un film de zombies US, mais son expérience permet de passer un bon moment, en particulier lors du très sympathique final. Shadow Dead Riot n’a rien d’un film inoubliable, mais il reste un petit budget plus que regardable.
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