Si la mode des adaptations de jeux vidéo au cinéma existe depuis quelques années déjà, ce n’est que récemment qu’on a assisté à une profusion de séries dérivées dans les comics et dans la littérature romanesque. Un univers comme celui de Silent Hill baigne cependant dans une mythologie suffisamment riche pour que dès 2004, IDW Publishing s’empare de la franchise. Spécialisée dans les adaptations, comme en témoignes les comics « Angel », « Star Trek », en passant pas « 24 » ou encore « Doctor Who », il s’agit d’une toute jeune compagnie, fondée en 1999. On notera que l’un des titres créés pour IDW Publishing, « 30 Days Of Night » a été adapté au cinéma, dans un film mettant en vedette Josh Harnett, qu’on a pu apercevoir dans « Sin City ». Désirant offrir aux fans une lecture de qualité, la maison d’édition va s’attacher les services du scénariste Scott Ciencin, à l’expérience déjà solide. Auteur versatile, Ciencin a écrit pour les univers de Godzilla, Buffy, Dinotopia, mais aussi divers comics tant pout Marvel que pour Dc. Autant dire que lorsqu’il écrit « Dying Inside », il est loin d’être un amateur, et la société semble satisfaite de son travail, puisqu’il écrira 5 des 7 comics dédiés à la fameuse ville (le 7ème étant actuellement en cours de publication). Afin d’illustrer le récit horrifique de Ciencin, IDW fait appel à l’un de ses dessinateurs réguliers, l’australien Ben Templesmith, qui a notamment travaillé sur « Hellspawn » et « 30 Days Of Night ». Son style très particulier n’est pas sans rappeler le travail de Dave McKean, mélangeant esquisses au crayon, avec des effets de couleurs et d’encrage surréalistes, qui donnent un cachet onirique à ses illustrations. Avec une telle équipe, on peut attendre un résultat dans la continuité de l’univers créé dans la saga vidéo-ludique.
Et effectivement, dès les premières images, on comprend que l’expérience ne sera pas classique. L’aspect crayonné donné un côté irréel, le jeu sur les teintes sombres et sur les ombres est inquiétant, et on s’interroge sur les événements qui nous sont présentés. Il y a une recherche d’expression plutôt que de perfection dans les dessins, ce qui donne beaucoup de vie à l’ensemble. Elément intéressant, l’univers cauchemardesque de Silent Hill est remis en perspective par l’utilisation d’une caméra qui capture la folie de ce monde tordu, alors qu’habituellement, seuls ceux qui se rendent sur place ont l’opportunité de vivre une telle expérience. Le récit tient compte de ce qui a déjà été fait, comme le prouve la référence à l’ordre. On trouve d’ailleurs une cohérence dans la violence prononcée, le gore grand guignol, qui même s’il pourrait passer pour un effet de style facile, instille une sensation de malaise Silent Hillesque dans l’âme. Mais rapidement, la narration va être confuse et user de grosses ficelles. Le flashback pour révéler un élément sinistre du passé d’un protagoniste est un procédé trop classique pour réellement convaincra, d’autant plus que les personnages peinent à intéresser. Peut-être est-ce dû en partie à des dialogues qui cherchent trop à être « cool », accumulant les expressions ordurières, « Fuck » revenant par exemple tous les 10 mots. Ce parti-pris (très à la mode) devient rapidement agaçant et en décalage avec le propos. L’univers de « Silent Hill » est considéré plus cérébral que celui très série B de « Resident Evil » par exemple, hors, Ciencin adopte un ton trop série B et trop superficiel, qui nuit à la caractérisation des personnages. De même, si on peut accepter que les éléments soient surréalistes dans la ville de Silent Hill, il est plus difficile d’assister à des incohérences dans le comportement des protagonistes avant qu’ils n’y soient arrivés.
S’ajoute la prévisibilité de certaines situations, comme les confidences du psychiatre, qui n’aura de cesse, dans sa narration, de nous rappeler qu’il possède des secrets très sombres. Une évidence dans un tel contexte, qu’il n’était pas nécessaire de nous imposer avec tant d’insistance. Le premier épisode ne constitue pas une introduction brillante, mais parvient néanmoins à susciter suffisamment d’intérêt pour donner au lecteur l’envie de découvrir la suite. Car malgré des dialogues artificiels, Ciencin parvient, en grande partie grâce aux dessins de Templesmith, à créer une ambiance, et à inquiéter. La vue du fameux panneau « Welcome To Silent Hill » est une vision aussi familière que réjouissante, ce qui explique autant certaines déceptions que le fait qu’on soit peut être prêt à pardonner plus facilement certaines parti-pris regrettables.
La confusion de la narration va trouver un écho dans les dessins des créatures, dont on a du mal à distinguer la forme. Le style de Templesmith est aussi puissant que déstabilisant, et on ressent parfois une certaine frustration à ne pas avoir une image claire de ce qui se passe. D’autant plus que le deuxième épisode va confirmer les défauts du premier. Il y aura notamment une rupture de ton importante, qui constitue une surprise, qu’elle soit bonne ou mauvaise restant à l’appréciation de chaque lecteur. Ce twist est assez audacieux, et rappellera, dans une moindre mesure une œuvre culte du 7ème art…. Autre surprise, qui risque d’en déconcerter plus d’un : Templesmith n’assure plus la partie graphique à partir du 3ème épisode ! Aadi Salman est un jeune dessinateur originaire de Malaysie qui s’est fait une spécialité des histoires horrifiques, puisqu’on le retrouvera par la suite à dessiner la série « HackSlash ». La transition entre les deux artistes se fait finalement sans difficulté, leur style étant assez proche. Comme ce changement accompagne la nouvelle narration, on se laisse porter par une ambiance une fois de plus prenante, même si le découpage est un peu chaotique, rendant parfois la compréhension difficile. Mais plus que le visuel, c’est la narration qui perd le lecteur, partant dans toutes les directions sans parvenir à développer une ligne directrice réellement convaincante. Le scénariste va enchaîner les twists afin de maintenir le suspense, mais les personnages ne sont pas suffisamment approfondis pour être crédibles, et l’écriture reste trop superficielle.
Un constat qui ne va pas s’améliorer, le côté racoleur allant crescendo à mesure que l’on avance dans les épisodes. C’est bien simple, on en vient presque à se demander si on est devant un épisode spécial Halloween de la série South Park ! L’ajout incessant de nouveaux personnages, de nouveaux monstres, ou de nouveaux zombies illustre d’ailleurs bien la difficulté de Ciencin à raconter une véritable histoire, un comble pour une saga dont les scénarios recherchés constituent la marque de fabrique ! Même les détracteurs de « Silent Hill Homecoming » ne peuvent pas nier une recherche scénaristique qui dépasse de loin le simple copier/coller, notamment grâce à la profusion de fins qui apportent toute une vision unique du récit. « Dying Inside » ne repose sur pas grand-chose à part une ambiance graphique très sympathique et une cascade d’expressions ordurières. Comme les derniers épisodes vont être de plus en plus difficiles à suivre sur le plan visuel, c’est finalement l’ennui qui nous gagne quand la conclusion s’abat sur nous.
Non dénué de bonnes idées, tant sur le plan visuel que scénaristique, « Dying Inside » est une première expérience plus proche du brouillon que de l’œuvre aboutie, à cause d’un côté brouillon qui peut agacer. On a bien sûr plaisir à retourner dans la petite ville, mais il ne s’agit pas de l’incursion la plus réussie.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire