lundi 3 janvier 2011

Defendor


Les super-héros ont été, depuis leur création, une source d’inspiration inépuisable. Le cinéma, s’il s’est d’abord montré frileux quand il s’agissait d’exploiter les justiciers masqués, en a fait ces dernières années une mode qui semble en pleine expansion. Et si les gros studios Marvel et Dc sont les chefs de file en la matière, quelques œuvres un peu plus indépendantes font leurs essais. Au milieu de l’avalanche de héros presque invincibles, on constate également un regain d’intérêt pour les personnages moins spectaculaires, plus proches de notre quotidien. En effet, Batman ne possède pas de super pouvoirs, mais ses exploits sont dignes des plus surhumains des héros. Le succès modéré de Kick-Ass, tant sous forme de comics qu’au cinéma, prouve néanmoins que le public est demandeur de héros un peu ratés, et qui font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont. Car les héros losers n’ont rien de nouveau, comme en témoigne la vie d’un certain Peter Parker, dont les pouvoirs en font pourtant plus qu’un simple être humain. Et Peter Stebbings va développer ce parti-pris avec encore plus d’austérité : inutile d’attendre de grosses explosions ou des jet-packs dans son « Defendor ».
Plus connu pour ses prestations d’acteur, Stebbings signe sa première réalisation en mettant en scène les « exploits » d’un Woody Harrelson plus vrai que nature. Après un « Zombieland » hilarant, on pouvait s’attendre à ce que l’acteur réitère une prestation de héros cool au style brutal et élégant. Une impression que la bande annonce, comme souvent trompeuse ne faisait que renforcer. Inutile en effet d’attendre un nombre incalculable d’affrontements, ni une participation importante de l’actrice Sandra Oh, connue pour son rôle dans la série Tv « Grye’s Anatomy ». Si son rôle est important, elle n’apparaît pas plus d’une dizaine de minutes.

Et si ces surprises ne seront pas du goût de tout le monde, elles ne constituent pas les seules extravagances de « Defendor », qui parvient à ne jamais se dérouler comme on pourrait le croire. Une déclaration qui pourrait être effrayante, les premières réalisations n’étant pas toujours très maîtrisées. Mais Stebbings parvient à narrer une histoire touchante, sans oublier l’humour. Si l’introduction ne permet pas réellement de comprendre le parti-pris, elle immerge immédiatement le spectateur, et lui donne envie de découvrir qui est cet étrange personnage qui se peint un masque sur le visage et qui lutte contre le crime d’une façon un peu trop spontanée. Batman a sa bat-ceinture, Defendor a des flacons renfermant des abeilles… et lorsqu’il n’a plus de gadgets, ce héros n’hésite pas à prendre ses jambes à son cou. Rarement en effet, on aura vu un justicier masqué se faire autant passer à tabac par ses adversaires. A tel point qu’on en vient à penser que Defendor est plus un punching-ball qu’un super-héros. Mais qu’est-ce qu’un héros après tout ? Car c’est bien la question au centre du film, et lors d’un flash-back très réussi, car sans artifices, l’équipe nous livre une réponse touchante. Si la question de l’identité est toujours au centre des aventures des héros masqués, elle est ici le cœur du récit, et malgré son manque d’efficacité, on se prend rapidement à admirer ce curieux personnage, pour sa persévérance, sa ténacité, sa sincérité, et surtout son grand cœur. Au-delà de la mission, il y a un enfant qui s’est échappé dans la « folie », pour ne pas affronter l’horreur de la réalité. Un enfant persuadé qu’il suffit de mettre un casque et des collants pour punir ceux qui exploitent les faibles. Un enfant qui pense que le mal porte toujours un nom et qu’il ne peut pas triompher du bien.





Ce parti-pris audacieux se révèle particulièrement percutant, car il permet de s’attacher rapidement aux personnages. Si Arthur reste le centre de l’attention, son petit monde a une importance considérable dans l’histoire. Les personnages ont un sens pour l’intrigue, et pas seulement du point de vue utilitaires. Ils sont vivants et profondément humais, et c’est justement ce qui fait de Defendor un personnage si crédible. Mais surtout, le spectateur n’a pas souvent eu l’occasion de voir le handicap mental traité à travers le thème du super-héros. Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, le sujet est traité avec beaucoup de pudeur, le personnage n’étant jamais tourné en ridicule. L’interprétation de Woody Harrelson participe énormément à cette justesse. L’acteur se montre très drôle, mais ne fait jamais de son Defendor un imbécile, raison pour laquelle il faut un certain temps avant de comprendre qu’il souffre d’un retard mental. On pense d’abord qu’il est un peu décalé, qu’il s’agit d’un original, comme l’acteur en a souvent interprété. Puis on comprend qu’il ne réfléchit pas selon les codes traditionnels de la société, et que son monde est noir et blanc, des teintes qui lui permettent d’affirmer haut et fort qui il est. Ou qui il voudrait être. Car comment assumer qui on est dans une société où chaque geste est jugé, si ce n’est en s’inventant une identité ?

Car avant d’être un film d’action (il y a tout de même quelques échanges musclés), « Defendor » est un film à personnages, qui privilégie l’évolution des protagonistes sur l’action ou un récit inutilement complexe. La narration sous forme de flash-back permet à la dramaturgie de s’installer avec efficacité et donne un côté intimiste tout à fait bienvenu, sans qu’on verse dans le mélodrame larmoyant, ce qui aurait tout de même été une faute de goût. Le budget est vraiment minime pour une production hollywoodienne, mais l’aspect visuel est totalement maîtrisé, de la photographie au montage, offrant un rendu très convaincant, qui évite le cliché de la réalisation frénétique dérivée des séries tv. Qu’il s’agisse de raconter une dispute, un procès, ou un affrontement entre le héros et des mafieux, Stebbings sait ce qu’il veut raconter, et il le fait bien. Un constat rassurant, car le rythme est plutôt contemplatif, et sans une maîtrise de la narration et de la mise en scène, l’ennui aurait pu être important. Mais outre l’aspect technique, c’est l’implication émotionnelle du spectateur qui permet de rester concentré sur l’intrigue. Car les personnages sont attachants, ce qui rend leur destin prenant. Cela donne également nettement plus d’impact aux scènes à suspense, car on peut ressentir la douleur des protagonistes, s’inquiéter pour eux, et espérer que tout finisse bien. L’imprévisibilité du départ sera d’ailleurs constante, et le traitement plutôt réaliste du film empêche le récit de céder à la facilité d’une fusillade à dos de jetpack, ou autres coups d’éclat aussi spectaculaires que peu crédibles. Au final, on a vraiment l’impression d’avoir connu ces personnages, d’avoir ri avec eux, d’avoir eu peur pour eux, et ça, c’est un signe qui ne trompe pas.

« Defendor » est vraiment un film à voir avec l’esprit ouvert, car même si certains passages sont amusants, il s’agit d’un film plutôt triste en définitive, et le final est d’ailleurs particulièrement émouvant, et donc réussi. Pour un premier film, il s’agit d’une expérience qui se vit, qui surprit, et qu’il faut découvrir soi-même. Un film de super-héros atypique, qui en respecte les codes, tout en les détournant avec succès.

3 commentaires:

  1. J'en avais déjà entendu parler en bien également, je le met dans ma liste "film à voir". C'est un peu dans la même veine que Zebraman non ?

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  2. Tes commentaires commençaient à me manquer ^^
    On peut y voir une base proche effectivement, mais Zebraman s'inscrit tout de même dans un registre fantastique. Defendor reste réaliste du début à la fin. Par contre, les deux ont un côté touchant et vrai, une nostalgie qui les rapproche effectivement.

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  3. Hélas pour moi c'est le temps qui me manquait mais bon heureusement que les bonnes résolutions tombent à pic lol

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