samedi 20 novembre 2010

Spider-Man Shattered Dimensions - version wii


Les super-héros et les jeux vidéo, c’est une longue histoire. L’homme araignée comptabilise à lui seul pas loin de vingt adaptations, tous supports de jeu confondus, de ses aventures. Le passage à la 3D a donné lieu à un premier jeu très réussi, puis avec l’arrivée des xbox et ps2, la série a pris un tournant décisif : C’est dans des gta-like que le joueur aurait la possibilité de se balader au bout d’une toile pour explorer Manhattan de long en large. Si « Spider-man 2 », qui reprenait dans les grandes lignes l’histoire du film éponyme se révélait assez convaincant et plutôt fun, les opus suivants ont été réalisés en hâte, de manière à capitaliser sur une recette qui semblait avoir fait ses preuves. Mais même si on a toujours plaisir à survoler la grosse pomme, il faut bien avouer que « Spider-man 3 » et « Spider-Man : Le Règne Des Ombres » laissait un goût amer, à cause d’une réalisation approximative, et même de graphismes franchement datés. Si les adaptations des films bénéficiaient de la voix du doubleur français de Tobey Maguire, « Le Règne Des Ombres » présentait un doublage tout simplement scandaleux, dont l’objectif semblait être de ridiculiser les joueurs. Après le succès éclatant de « Batman : Arkham Asylum », il semblait difficile de livrer un autre gta-like formaté et bâclé. L’annonce du projet « Spider-Man : Shattered Dimensions » semblait témoigner d’une volonté réelle d’offrir une expérience de jeu digne de ce nom.

Le marketing intelligent du jeu a su mettre en valeur la variété des environnements, ne révélant les fameuses dimensions dont le titre fait mention que progressivement. Personne n’a été surpris de retrouver au casting celui que les concepteurs appellent Amazing Spider-Man, soit la version classique du personnage, connue de tous. Le choix d’ajouter la version ultimate du héros paraissait par contre peu pertinent. Lancée en 2000, la ligne ultimate avait pour but de livrer une vision plus moderne des héros marvel, en réécrivant leurs origines de nos jours, avec toutes les conséquences que cela implique. Fini la continuité, on retrouve la plupart des personnages, mais les événements ne sont pas les mêmes. Pas tout à fait du moins. Reste que l’univers reste très semblable, alors où pourrait donc se situer la différence dans le jeu ?

Ce sont les deux autres dimensions qui justifient réellement qu’on s’intéresse à ce « Spider-Man Shattered Dimensions ». Pour ceux qui ne connaitraient pas encore Spider-Man 2099, cet article devrait vous renseigner un peu : http://histoires2comics.blogspot.com/2010/09/spider-man-2099.html. Personnage phare de la défunte ligne 2099, Miguel O’Hara n’est pas une autre version de Peter Parker, mais bien un personnage différent. Si les joueurs des premières aventures en 3d du héros ont eu l’occasion de porter le costume de Spidey 2099, c’est la première fois qu’on a réellement l’occasion d’incarner le héros, et surtout de découvrir son époque. Enfin, en 2009, Marvel a expérimenté la ligne « noir », qui raconte les aventures de ses héros dans un contexte de film noir, l’homme-araignée ayant même eu droit à deux histoires. On retrouve donc Peter Parker, héros évoluant dans le new york des années 30.


Fini donc les balades effrénées de building en building, et place aux niveaux linéaires. Le jeu a été adapté sur la majorité des plateformes, et c’est la version wii qui sert de base à cet avis. Dès la cinématique d’introduction, on comprend que le ton ne sera pas sombre et adulte, comme dans « Batman : Arkham Asylum ». Au contraire, c’est un narrateur qui aurait raconté de façon convaincante les aventures des héros marvel dans les années 60 qui nous explique de façon très conviviale le conflit inter-dimensionnel qui justifie la présence des 4 « versions différentes » de l’homme araignée (mais n’oublions pas qu’en vérité, seules 3 d’entres elles sont Peter Parker). Visuellement, les scènes cinématiques bénéficient d’un rendu visuel toujours en lien avec la dimension impliquée, et la réussite esthétique ne se dément jamais. L’action et l’humour y sont présents, le tout est très dynamique et donne le ton. Bien sûr, le scénario est des plus basiques, et fleure bon justement, les histoires en un ou deux épisodes des débuts de la maison des idées. Mais il est suffisant pour lier les niveaux entre eux. Et à y réfléchir, Paul Dini ne s’était pas beaucoup plus fatigué pour « Batman : Arkham Asylum ». Les dialogues sont par contre plutôt réussis. Ils manquent de finesse, mais atteignent leur but : faire rire. Car s’il y a bien une caractéristique qui n’a jamais quitté le héros au fil des décennies, c’est son humour presque à toute épreuve. Mais surtout, le 2nd degré ne diminue jamais l’intensité dramatique des scènes plus sombres, l’univers noir étant tout de même plus violent que les autres. Passé un premier niveau qui sert de tutoriel et mêle les 4 dimensions, le joueur aura le choix, jusqu’au dernier chapitre, de l’ordre dans lequel il lance dans l’aventure. L’ensemble est en effet constitué de 3 actes, découpés en 4 niveaux, un pour chaque dimension. Il faut bien sûr conclure toutes les dimensions avant de passer à l’acte suivant.

Ce parti-pris donne un rythme très satisfaisant au jeu, mais imparfait. La diversité est vraiment au rendez-vous, et l’action omniprésente, mais certains niveaux sont un peu longs. Le schéma est toujours le même : rencontre avec le boss, affrontements avec des sous-fifres, deuxième rencontre, puis duel final, pour une durée moyenne de 45 minutes (en mode difficile). La rencontre avec le fléau ne dure par contre qu’une petite demi-heure. On rencontrera également Kraven le chasseur et l’homme sable pour la dimension Amazing, Electro, Deadpool et Carnage pour Ultimate. Les univers 2099 et noir font l’objet de choix surprenant, puisqu’ils rencontreront des personnages qu’ils n’ont pas affrontés dans les pages de leurs comics. Ainsi découvrira-t-on Hammerhead noir, ou Lady Octopus 2099. Les affrontements sont plutôt bien faits, chaque boss ne peut être battu qu’en adoptant une stratégie unique, et le côté poursuite dans tout le niveau donne une intensité indéniable, en particulier lorsque Spider-man 2099 poursuit le bouffon 2099. Comme on pouvait le prévoir, les dimensions amazing et ultimate sont très semblables, trop même. A part la voix de Peter, et sa façon de s’exprimer, on ne trouve que peu de différences, les niveaux se ressemblent, et esthétiquement, le traitement est très proche, à base de cell shading très réussi, qui permet aux joueurs de la wii de s’amuser dans l’un des jeux les plus beaux de la console.


 Et cette réussite esthétique ne se dément jamais, d’autant plus que les deux autres héros évoluent dans des univers au rendu visuel très différent. Spider-Man noir se déplace entre des buildings noirs, très noirs. On pense d’abord à Sin City, puis au jeu exclusif à la console de Nintendo « Mad World » (les geysers de sang et les éclats de jaune en moins). Ce parti-pris visuel est non seulement d’une grande beauté, mais il s’inscrit logiquement dans l’ambiance sombre de l’histoire, et même dans les choix de gamplay. En effet, hors de question ici de sauter sur tout ce qui bouge, il faut au contraire se cacher dans l’ombre et surprendre ses adversaires comme dans les meilleurs jeux d’infiltration. Ces phases sont donc originales et prenantes, même si elles ne sont pas dénuées de défaut. Un garde ne réagira par exemple pas en voyant un de ses collègues s’envoler attaché à une toile. Ces niveaux restent les plus réussis du jeu, non seulement parce qu’ils sont un délice visuel de tous les instants, mais parce qu’ils représentent un aspect totalement inédit du personnage dans les adaptations vidéo ludiques de ses aventures.


Ce sont ensuite les aventures de Miguel O’Hara qui vont réjouir le fan. Voitures volantes, équipements high-tech, on est bien dans le futur, il n’y a aucun doute. On regrettera que cette dimension soit moins flamboyante esthétiquement, en particulier lorsqu’on compare au rendu des consoles next-gen. On remarque également rapidement que ce n’est pas tout à fait l’univers 2099 tel qu’on l’a découvert pour la première fois en 1992 qui nous est présenté. Si Miguel est bien l’adulte cynique de l’époque, mais la ville a l’esthétique plus futuriste et moins intéressante du crossover censé relancer la ligne « TimeStorm 2099 » (une relance insipide et sans intérêt qui fera l’objet d’un prochain article). Ce mélange se retrouve dans le traitement appliqué à Kron Stone. Alors que dans le comics original, il devenait Venom 2099, l’un des adversaires les plus inquiétants du héros (comme dans la mouture originale) qui en veut personnellement à Miguel, ici, comme dans « Timestorm 2099 », il se transforme en scorpion 2099, adversaire moins impressionnant physiquement, et nettement moins inquiétant. On s’étonnera encore plus d’affronter une lady octopus 2099, qui n’existe dans aucune aventure du personnage, alors que Spidey 2099 a un panel d’adversaires vraiment intéressants. Ces légères déceptions n’ont néanmoins pas d’incidence sur le plaisir évident. L’atmosphère futuriste est très bien rendue, et les poursuites sont frénétiques, comme ces chutes libres durant lesquelles on tente de rattraper des adversaires aériens.


Si ces deux dimensions resteront bien plus en mémoire que les autres, chasser Kraven dans la jungle est un vrai bonheur. L’ambiance ultimate est par contre moins réussie, et ces niveaux rappellent trop la dimension amazing pour réellement laisser un souvenir. Mais le dynamisme de l’ensemble suffit à offrir une expérience de jeu excellente, courte (10 heures maximum), mais au potentiel de rejouabilité très important, ne serait-ce que pour remporter les défis qui ponctuent chaque niveau. Le final réunit efficacement nos 4 héros, alors qu’on pouvait craindre que le spider-man classique se réserve le gros morceau. La construction de ce climax rappelle d’ailleurs l’inoubliable et interdit « Sanitarium » (un des premiers jeux dont le scénario était digne des meilleurs films fantastiques), qui voyait son final donner la possibilité au joueur d’incarner toutes les facettes du héros pour accomplir sa destinée. Ce dernier baroud d’honneur permet de dire au revoir à ces hommes araignées, qu’on n’aura peut être pas le plaisir de tous réincarner dans un jeu vidéo, à moins que le succès de cet opus ne convainc les éditeurs de réexploiter le potentiel des univers noir et 2099.


« Spider-Man : shattered Dimensions » est un jeu très réussi, qui marque une rupture avec les recettes toutes faites et bénéficie d’une véritable identité. On prend beaucoup de plaisir, et Miguel O’Hara se voit enfin offrir la publicité qu’il mérite ! Tous les fans devraient se jeter sur l’occasion !

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