lundi 8 novembre 2010

Red Hood: The Lost Days

Jason Todd, c’est un peu l’ami de la famille dont on n’a pas eu de nouvelles depuis longtemps, et qui appelle quand on ne s’y attend pas. On est un peu gêné, car on ne sait pas trop comment réagir avec lui. Et effectivement, tant la bat-famille que les éditions Dc semblent avoir un peu de mal à savoir quoi faire de lui. Si Grant Morrison a construit un arc intéressant (mais pas dénué de moments hors personnage) et que Fabian Nicieza l’écrit bien, c’est réellement Judd Winnick qui s’est investi pour donner une légitimité à son retour (voir l’article sur le personnage : http://histoires2comics.blogspot.com/2010/07/la-tragedie-de-jason-todd.html). « Red Hood : The Lost Days » conte les événements se déroulant entre sa résurrection et sa réapparition dans « Batman Hush » de Jeph Loeb et Jim Lee. Winnick n’est pas le scénariste aux idées les plus originales, mais sa capacité à créer des ambiances mélancoliques et la justesse des émotions font de ses histoires des lectures généralement touchantes et prenantes. Difficile néanmoins de se montrer confiant dans ces qualités à la lecture du récent Superman/Batman 76, qui narre la réaction de Superman à la découverte du « décès » de Bruce Wayne. Cet épisode était Grand-Guignol, écrit en dépit des caractéristiques des personnages, et peu convaincant.


Mais dès le premier épisode de « Lost Days », on constate que c’est le Winnick des grands jours qui est aux commandes. La rencontre entre la famille Al Ghul et Jason, narrée en quelques cases dans l’épisode « Batman annual 25 », prend ici tout son sens. Les protagonistes ont tous des motivations crédibles et sont écrits avec nuances. C’est Talia qui domine cet épisode introductif, grâce à sa complexité très juste. Le déchirement causé par sa fidélité pour son père et ses sentiments pour Bruce Wayne est palpable. Mais la grande force de ce premier épisode, c’est de rendre Jason touchant malgré sa condition de zombie. Ressuscité physiquement, le jeune homme est dans un état presque végétatif, ce qui ne l’empêche pas de s’exprimer dans une scène pleine de pudeur et d’émotion. Il faudra donc attendre le deuxième épisode avant de voir l’odyssée de l’anti-héros réellement commencer. Le but de l’histoire est de dévoiler les mystères entourant son retour, mais surtout d’approfondir son évolution.


On est loin d’un comics de super-héros, il s’agirait davantage d’une histoire d’espionnage international au style réaliste et brutal, avec un arrière plan super-héroïque. La recherche de vengeance immédiate du personnage va progresser en l’élaboration d’un plan destiné à blesser profondément ceux qu’il juge responsable de son destin. Toute l’ambiguïté de Jason se manifeste dans le contraste entre ses méthodes meurtrières et son sens moral toujours en éveil. Son empathie en fait quelqu’un d’attachant malgré sa violence, et son besoin irrépressible de venir en aide aux innocents en fait un vrai anti-héros, bien loin de la caricature de psychopathe entrevue dans « Battle For The Cowl ».  Winnick a toujours écrit le personnage dans cette complexité, et on ne peut que regretter, au vu du résultat que d’autres auteurs aient choisi un traitement plus simpliste, et loin d’être fidèle à ce qui reste, plus que jamais, le portrait de référence de l’ancien Robin. L’auteur a en effet toujours eu une idée précise de sa conception de Jason, et cela se ressent dans tous ses épisodes.


Au milieu de ce tumulte d’émotions, l’action reste très présente. Les affrontements sont virevoltants, Todd mettant à profit ses talents d’acrobate développés sous l’égide de Batman. Mais ils sont surtout sanglants, le jeune homme n’hésitant pas à se servir d’armes à feu au milieu de ses sauts périlleux, et à tuer. Ce contexte plus réaliste fera d’une rencontre entre lui et le Joker un duel à l’ambiance très mafieuse, rappelant l’histoire « Joker » de Brian Azzarello et Lee Bermejo. Le design du prince du crime est d’ailleurs très proche de celui de cette histoire. Cette confrontation est symbolique de l’évolution de Jason, et s’inscrit dans la logique de l’arc « Under The Hood » de Winnick, tout en faisant écho à sa décision prise dans l’épisode 2 de ne pas avoir recours à l’exécution simple. L’auteur n’oublie pas les passages obligés, faisant le lien avec les épisodes que l’on connaît déjà sur le héros.


Il y a une véritable sensation de finalité dans « Red Hood : The Lost Days ». Le dialogue entre Jason et Talia achève la boucle et se présente comme une introduction très réussie. Suspense, action, apprentissage, violence, héroïsme et émotions sont les éléments de cet arc prenant de bout en bout, très bien écrit, et qui permet de retrouver le Jason Todd que Winnick a su nous faire apprécier. A la fin, on est satisfait, mais aussi déçu que l’aventure ne soit pas plus longue.

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