mardi 9 novembre 2010

Dream Home, le slasher made in hong Kong

“Dream Home” n’est ni un comics, ni un film de zombies. Mais il constitue LA surprise de la production cinématographique 2010, le film qui redonne espoir, et à ce titre, j’ai décidé de poster ma critique rédigée sur http://www.hkcinemagic.com/ sur mon blog.



Quand on parle d’accouchement, on pense à des cris, de la douleur, de la joie, un tumulte d’émotions fortes en somme. On sait aussi que l'accouchement déroule en trois étapes. D’abord, les contractions de l'utérus, avec lubrification du canal cervical par le liquide amniotique, facilitant le passage de la tête du foetus. Ensuite, grosso modo tout se contracte pour faciliter l'expulsion du foetus par le vagin. Le bébé est en train de naître, mais le foetus est encore relié à la mère par le cordon ombilical. Finalement, vient l’ultime étape, la délivrance. Edmond Pang Ho Cheung n’est pas une femme, mais on peut dire qu’il a connu les souffrances d’un accouchement avant de connaître la délivrance en voyant son bébé découvrir le monde. S’imposant comme l’un des artistes les plus surprenants de l’ex colonie, c’est d’abord en tant qu’écrivain qu’il s’est fait connaître en écrivant ce qui servira de base au scénario du film FullTime Killer de Johnnie To. Il passera lui-même à la mise en scène dès 2001 avec You Shoot, I Shoot. Mais ses racines d’écrivain resteront indissociables de son travail derrière la caméra. Au-delà de l’originalité de ses films, on retiendra une identité stylistique très forte, et un sens aiguisé de l’écriture, ce qui lui permet de livrer des films bien écrits, sans que ses scénarios ne soient gratuitement compliqués. Mais de Men Suddenly In Black à Trivial Matters en passant par Beyond Our Ken, il est évident que Cheung sait raconter une histoire, tout en installant une ambiance, et surtout en permettant au spectateur de s’attacher à des protagonistes profondément humains, car loin du manichéisme qui hante nombre de productions récentes.




Le projet Dream Home fut annoncé comme le premier slasher made in HK, et l’auteur insistait dans sa promotion sur le gore très prononcé de son œuvre. C’était aussi l’occasion pour l’actrice Josie Ho, star du film, de créer l’événement autour de sa toute nouvelle société de production, 852 films. Prévu pour une sortie en 2009, ce n’est finalement que récemment que les spectateurs ont eu l’occasion de découvrir le film, suite à un différent entre la productrice et le réalisateur, concernant la violence dans le film. Mais au-delà de cette histoire mouvementée, et de l’argument graphique, c’est le contexte social fort qui surprend et interpelle. On n’avait pas vu de scénario avec un tel mordant et un message aussi puissant des années dans un film de Hong Kong. Dès le pré-générique, on comprend que la conjoncture n’est pas une simple introduction à l’histoire, mais qu’elle en constitue le cœur. Et l’auteur s’emploie à nous faire vivre la gravité de la situation, en présentant des chiffres dramatiques sur le salaire moyen de la population et les prix démesurés de l’immobilier.



On nous parle de folie, sur fond de musique angoissante, avant de nous confronter presque immédiatement à un premier meurtre d’une grande violence. Wong Ching, vétéran de la Shaw Brothers, y joue les figurants malchanceux. Cette introduction musclée pose les bases de la mise en scène : Pang n’a pas peur d’alterner montage dynamique et plans brefs avec des plans séquences qui rendent la sécheresse des scènes encore plus choquantes. On nous avait promis du sang, et on ne nous a pas menti. Non seulement les maquillages sont très convaincants, loin des délires rouges fluo auxquels on a parfois droit dans les slashers, mais en plus la réalisation insiste bien sur les blessures, infligeant au spectateur la douleur de les contempler longuement. Les impacts sont d’un réalisme saisissant, et on a mal pour les personnages, à qui aucune douleur ne sera épargnée. Malgré le grand nombre de morts violentes, la variété est au rendez-vous, et on n’a jamais la sensation d’assister aux mêmes exécutions. Il faut dire que Dream Home est loin de n’être qu’un enchaînement de scènes de massacre et bénéficie d’un rythme savamment étudié.




La narration est fragmentée, alternant le présent, signalé par l’affichage numérique de l’heure à chaque nouvelle scène, et des flashbacks, justifiés par l’apport de détails logiques pour mieux cerner les choix du personnage et l’humaniser. L’auteur va même plus loin en plaçant des flashbacks dans les flashbacks, mais la maîtrise de la narration reste totale, le récit reste donc constamment compréhensible. Ce parti-pris rend l’ensemble surprenant, et Dream Home n’est pas un film dont on devine le déroulement. Bien sûr, on a rapidement une idée globale de la situation, mais alors qu’on pensait avoir percé à jour les motivations réelles de chacun, un nouveau souvenir ou un nouveau coup de théâtre viennent remettre en question notre appréhension de l’histoire. Pourtant, on n’a jamais la sensation d’être floué par les scénaristes, qui ont mis un point d’honneur à créer une histoire simple, mais crédible. Tout n’est cependant pas parfait, car sur la fin, la tentation de céder au grand guignol facile n’est pas évitée. Alors que la nuance était privilégiée jusque-là, le dernier tiers du film s’enfonce inexorablement dans le scabreux pas franchement utile. On a un peu la sensation que Pang se soumet à des quotas, comme lorsqu’il filme des scènes de sexe grindhouse dans l’âme et ajoute une bonne dose de vomi. Les circonstances mêmes de cette situation sont bien plus grandiloquentes que ce à quoi on a assisté auparavant, et la résolution n’a plus rien de réaliste. Difficile, dans ces conditions, de continuer à prendre au sérieux un film qui a tout mis en œuvre, pendant une heure, pour nous faire croire à ces personnages pathétiques, pour nous investir dans leur histoire, et nous permettre de ressentir leur détresse. Pourtant, on est plus partagé que complètement déçu. En effet, le propos perd en force ce qu’il gagne en ultra-violence outragère et hilarante. Le carnage est tellement brutal qu’on attend impatiemment la prochaine victime. La crédibilité n’est définitivement plus de mise, mais les affrontements restent très intenses, grâce aux chorégraphies d’un Chin Kar Lok très inspiré. A l’image du reste du film, on se dit que tout peut arriver.




Cette dernière partie tranche donc radicalement avec l’atmosphère teintée de mélancolie des deux premiers tiers. Cette ambiance de jungle urbaine est illustrée de façon très efficace par les véritables remparts que constituent les façades de buildings, dans des ruelles aussi sombres qu’étouffantes. On est plus proches des villes prisons désespérées d’un Brothers From Walled City ou Long Arm Of The Law que de la peinture glamour de Hong Kong dont Johnnie To s’est fait l’illustrateur le plus romantique. L’effrayante tranquillité de la caméra du réalisateur confère un caractère inéluctable à cette sensation d’enfermement, qui rend la quête obstinée de l’héroïne aussi futile que pathétique. Son parcours du combattant, entaché de cadavres, est mis en parallèle avec une enfance rythmée par les jeux avec un voisin, la découverte du monde violent des adultes, et la confrontation avec l’humanité d’un père loin de l’image héroïque qu’a pu véhiculer Norman Chu par le passé. L’acteur, dont la calvitie naissante sur le haut du crâne et des traits vieillissants créent une ressemblance saisissante avec Ti Lung, est d’une justesse incroyable. Il n’apparaît que peu, mais irradie la pellicule par sa présence. Tour à tour effrayant, touchant, et presque pitoyable, il incarne un père profondément humain, dépassé par une société où règnent l’individualisme et le profit, et qui ne sait plus comment sauver les siens. La mélancolie dans laquelle baigne l’histoire de cette famille ordinaire rend l’intrigue bien plus profonde et intéressante que les scénarios les plus complexes du monde. Tout est simple, mais surtout, tout est vrai, tout est juste. Le message politique est puissant, car il s’instille par petites touches dans le récit, et tout en étant l’un de ses éléments fondateurs, il ne prend jamais le pas sur les personnages.


L’interprétation n’est par contre par extraordinaire globalement. Seule Josie Ho bénéficie d’un temps de présence à l’écran significatif, et si elle joue son rôle avec conviction, elle ne témoigne pas de talents d’actrice époustouflants et ne crève jamais l’écran. Norman Chu est donc le seul acteur a réellement marqué le film de sa présence, et le faible nombre de ses scènes ne rend son destin que plus poignant. Les ruptures de ton nombreuses peuvent être déstabilisantes, mais Pang parvient à conserver une unité, si on lui pardonne l’écart du dernier tiers, qui vire au slasher facile mais jouissif. De ce point de vue, le film tient ses promesses, et c’est bien en tant que film social qu’il risque de décevoir. Le twist final, très bien amené, permet au réalisateur de nous rappeler que malgré un débordement un peu gratuit, il n’oublie jamais son histoire, ni ses personnages, et que c’est bien la qualité de l’écriture, et l’identité visuelle très forte qui font de Dream Home l’un des films les plus marquants de cette année 2010, redonnant réellement espoir au milieu d’un flot de productions paresseuses à l’écriture décevante et aux histoires peu prenantes.

Merci Edmond Pang Ho Cheung pour cette nouvelle œuvre personnelle, ambitieuse, non dénuée de défauts mais sincère et très prenante.


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