La mort. La grande faucheuse. Cette inconnue qui fascine ou qui effraie, parfois les deux à la fois. Comment faire son deuil quand on perd un être cher ? Y a-t-il autre chose après la mort ? Et que faire si les morts revenaient à la vie, même s’ils étaient pacifiques ? Autant de question qu’on a eu l’occasion de voir traiter tant au cinéma que dans la littérature un nombre incalculable de fois. A la manière d’un épisode des « Contes De La Crypte », le moyen métrage « Dead Girl Walking » est introduit par un personnage excentrique, en l’occurrence un mangaka qui déclare s’inspirer de ses péchés pour raconter ses histoires… Cette présentation bénéficie d’un montage énergique, à la limite du clip, mélangeant images réelles et planches de manga, pour un résultat réussi, inquiétant et déstabilisant, et permet d’annoncer l’adaptation d’un maga de Hino Hideshi (il y a en tout 6 épisodes).
Mais dès que l’épisode à proprement parler débute, les espérances sont revues à la baisse. L’image crasseuse de camescope trahit immédiatement le format v-cinéma, ces œuvres tournées pour le format vidéo, qui ont permis à des réalisateurs comme Takashi Miike de s’illustrer et de transcender des budgets inexistants en laissant libre cours à leur imagination. Mais si ce dernier a su exploiter ce format en expérimentant et en livrant des réalisations démentes d’énergie, « Dead Girl Walking » s’annonce immédiatement comme une œuvre à la réalisation paresseuse, constituée avant tout de plans d’ensembles fixes. La recherche esthétique n’est pas absente, puisque la mise en scène se veut plutôt graphique, les plans étant travaillés jusque dans la pose des acteurs, mais l’ensemble manque d’ambition de ce point de vue. L’alternance de la couleur et du noir et blanc vient un peu rehausser ce manque d’originalité, mais ce procédé avait été utilisé avec bien plus d’efficacité par Takashi Miike dans son terrifiant « Sun Scarred ». De plus, l’analogie entre l’emploi du noir et blanc et la mort est devenue galvaudée et peine à renouveler le genre. Les inserts de plans de texte blanc sur fond noir rappelle les films muets du début du XXème siècle, et permet de sonder la pensée de l’héroïne en quelques secondes. On notera également l’ajout d’éléments qui restent en couleur lorsque l’écran vire au noir et blanc, la fleur symbolisant le parcours de notre morte vivante.
A la manière du film français « Les Revenants », il ne s’agit pas ici de montrer un zombie anthropophage, mais plutôt d’observer les réactions d’une famille en deuil assistant à l’inexplicable résurrection de l’être aimé décédé. Si « Dead Girl Walking » possède des arguments, c’est avant tout du côté du scénario et de l’ambiance qu’il faut les chercher. Le traitement dépouillé permet justement de s’intéresser davantage à ce véritable chemin de croix. Les rares utilisations de musique viennent souligner l’isolement d’un personnage qui ne veut que continuer à « vivre » sa vie alors que son entourage la rejette avec agressivité. L’atmosphère est poisseuse et désespérante, même si le grand guignol assumé de certaines situations ajoute une petite touche d’humour décalé tout à fait bienvenue. La décomposition inévitable après un décès survient ici comme les symptômes d’une maladie, et la réaction de la famille est aussi excessive qu’effrayante. La perte de ses différents membres donne un aspect inéluctable à sa disparition prochaine, et sa fuite en avant ne semble qu’accélérer le processus.
La seule manifestation d’humanité est prodiguée par un homme à l’allure douteuse, qui finira par révéler son vrai visage lors d’une mise en scène très théâtrale, où l’utilisation de la lumière est très bonne. L’aspect décalé omniprésent, japonais dans l’âme, donne cette fois la sensation que le réalisateur ne sait pas trop quel ton donner à son histoire. La situation est dramatique, mais cela doit il nous empêcher d’en rire ? Et le rire ne risque-t-il pas de détruire la tension ? A cette hésitation de ton s’ajoute les scènes en couleurs, mièvre à en pleurer, mais cette opposition fonctionne beaucoup mieux, puisqu’elle confronte une image idyllique de la famille à une relation cauchemardesque une fois la mort et la résurrection survenues.
La fuite de l’héroïne est pathétique, et le spectateur finir par s’attacher à ce cadavre déambulant, à la démarche de plus en plus boiteuse. Le jeu des acteurs est sans surprise excessif, mais les personnages sont trop peu écrits pour permettre un jeu plus naturel. Ce parti-pris empêche malheureusement d’envisager la situation sérieusement, et balaie la tension dramatique. Il suffit de voir la jeune fille jeter son pied sur ses parents, tel ce journaliste Irakien attaquant Bush avec ses chaussures pour comprendre que le ton reste un peu trop à la farce. La résolution est par contre pleine de poésie, et remet en perspective le sens de notre existence, et notre place, le temps d’une scène très visuelle et très marquante, avant de revenir à une conclusion plus mièvre et plus en phase avec les scènes en couleurs.
« Dead Girl Walking » est un moyen métrage intéressant au rythme lent (trop lent), aux ruptures de ton qui empêchent de réellement s’impliquer, mais qui n’est pas dénué de bonnes idées.
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