jeudi 9 décembre 2010

Marvel Zombies 3 et 4


Ce n’est pas un hasard si c’est à Robert Kirkman qu’on a confié la tâche d’écrire la première mini-série « Marvel zombie » en 2005. Fort du succès de son titre « The Walking Dead », lancé en 2003, le scénariste a prouvé qu’il était capable de décrire une infection à grande échelle de façon crédible, en contant les mésaventures de personnages attachants et vrais. Bourré d’humour, ses épisodes des morts vivants super-héros sont écrits avec beaucoup de respect pour ce qui fait l’essence de chaque héros, ce qui rend l’histoire d’autant plus intéressante. John Layman s’était montré moins convaincant pour son crossover « Marvel Zombies vs Army Of Darkness », mettant en scène le héros de la trilogie « Evil Dead » (campé à l’écran par Bruce Campbell) au milieu des événements.

Fred Van Lente, n’est quant à lui pas un amateur lorsqu’il écrit les scénarios de « Marvel Zombies » 3 et 4, mais ses histoires n’ont pas connu le même succès que les précédentes. Pour commencer, l’intrigue ne se déroule pas dans une réalité parallèle, mais dans la continuité classique de l’univers marvel, envahie par Deadpool et d’autres zombies de la dimension infectée.

Le changement graphique est assez déstabilisant dans un premier temps, car il s’éloigne radicalement du côté cartoon qui donnait un côté second degré tout à fait bienvenu aux dessins gores de Sean Phillips. Passé un certain temps, on s’habitue à ce rendu surprenant, et l’identité graphique très forte devient l’une des qualités de ces deux ouvrages. Outre la grande expressivité jamais grandiloquente des protagonistes, Kev Walker se révèle diablement doué pour dépeindre des torrents de sang, qu’il va s’amuser à badigeonner sur des pages entières. Si Phillips déployait des trésors de gore bien répugnant, Walker privilégie les torrents spectaculaires aux démembrements les plus réalistes.



Mais si la patte graphique n’est pas la même, c’est surtout du point de vue du scénario que le lecteur risque d’être décontenancé. Cette fois, ce ne sont plus les plus grands héros de l’univers Marvel qui sont au centre du récit, mais des seconds, voire troisième couteau. Un parti-pris qui aurait pu se révéler intéressant, si l’auteur avait pris des risques. L’une des forces de la mini-série de Kirkman était de faire de figures héroïques des monstres cannibales, écrit dans le respect de leur personnalité, mais poussées à commettre des actes abjects. Il n’était plus question de héros contre les criminels, ou d’humains contre les zombies. Le volume 2 évoluait de façon un peu plus complexe, mais parvenait à maintenir une sorte d’ambiguïté plaisante et inhabituelle.


Dans « Marvel Zombies » 3 et 4, le contexte est plus classique et plus manichéen. L’invasion débute à peine, et il faut stopper les vilains zombies. Se situant dans la continuité, le récit met en scène des membres de l’initiative, qui ne prendront néanmoins le devant de la scène que dans le 4ème volume. C’est Aaron Stack, plus connu sous l’alias Machine Man, qui prend le devant de la scène ici, puisqu’en tant que robot il ne risque pas d’être infecté par le virus. S’il y a un sentiment d’urgence plus prononcé que dans les volumes précédents, l’humour est toujours présent, ce qui en l’occurrence n’est pas un point positif. Ces dernières années, avec la mise en avant de la culture dite « geek » notamment, on a assisté à un humour très formaté consistant à s’appuyer sur des références cinématographiques ou littéraires connotées. Dans de nombreuses œuvres, les personnages ont également tendance à commenter leurs actes ou les événements d’un point de vue extérieur, sous forme de clin d’œil au lecteur ou au spectateur. Cette tendance peut être amusante, mais elle trouve tout de même vite ses limites, notamment parce qu’elle est utilisée presque partout. C’est également un parti-pris qu’on peut considérer comme facile. Il est en effet plus difficile de jouer la carte du 1er degré sincère et de créer une ambiance sans tomber dans le ridicule que de prendre un ton parodique ou le côté stéréotypée est justifiable d’office.
 

Dans le cas des « Marvel Zombies » de Van Lente, les dialogues ne sont non seulement pas percutants, mais ont effectivement tendance à diminuer l’impact dramatique de la plupart des moments qui pourraient être forts. Quelques touches d’humour fonctionnent, mais globalement, on n’est jamais emballé par un récit simpliste, à la narration peu entrainante. Pourtant, ce troisième volume n’est pas avare en situations explosives, comme l’infiltration de la dimension zombie par Machine Man et Jocasta, et la découverte d’expériences douteuses. Mais à trop vouloir privilégier le fun et la branchitude, Van Lente en oublier de conter une véritable histoire. Il faut dire qu’en quatre épisodes, il ne se passe pas grand-chose, l’avant dernier n’étant finalement qu’une grosse scène d’action. Vraiment spectaculaire, cette poursuite est magnifiquement mise en images, grâce à une combinaison parfaite du dessin et de la couleur. Il s’agit indéniablement du passage le plus divertissant de ce volume, mais on regrettera que le récit reste si simpliste. L’utilisation du caïd est par contre plutôt sympathique, notamment lors de son dernier acte de barbarie… Les autres personnages ont un rôle franchement anecdotique, et on sent bien la volonté de montrer le plus de figures connues possible. Morbius hérite cette fois d’un rôle ingrat, mais sa définition d’un vambie mérite tout de même le détour.

Lorsqu’on tourne la dernière page de l’ultime épisode, l’annonce du 4ème volume est inévitable, mais on reste dubitatif, tant le décalage avec les précédents mini-séries est important.

Et si « Midnight Sons » est la suite directe, le changement de ton est à nouveau important, alors même que l’équipe artistique reste la même. Pour commencer, il semble y avoir une certaine confusion dans la source de l’épidémie. Les zombies peuvent avoir plus origine. Le mythe dérive du vaudou (explication plus détaillée dans l’avis sur le film « White Zombie » avec Bela Lugosi : http://histoires2comics.blogspot.com/2010/04/white-zombie.html ) mais l’origine peut être un virus (comme expliqué dans la chronique sur le livre de Max Brooks « Guide de Survie En Territoire Zombie » : http://histoires2comics.blogspot.com/2010/08/guide-de-survie-en-territoire-zombie.html) ou même une possession démoniaque, comme dans « City Of The Living Dead » de Lucio Fulci ou plus récemment les films espagnols « Rec ». Van Lente décide quant à lui de tout mélanger, puisqu’il est d’abord question d’une infection virale, puis un bokor (les fameux sorciers vaudous capables de commander aux morts-vivants, généralement pour les faire travailler dans les plantations de canne à sucre, à l’origine du mythe) fait son apparition (sans finalement apporter grand-chose à l’intrigue d’ailleurs). Enfin, le démon Dormmamu fait son apparition par l’intermédiaire de the hood, petit caïd insipide et ennemi récurrent des nouveaux vengeurs. Cet amalgame n’est absolument pas convaincant, et les événements vont s’enchaîner de façon tellement aléatoire qu’on n’a jamais l’impression de lire une histoire construite.


Il n’y a par exemple aucune continuité dans le comportement des personnages, l’un des plus frappants étant Deadpool qui passe de zombie rigolard et agressif à pleurnichard qui cherche la paix, sans aucune transition. Les protagonistes n’ont de toutes manières aucune épaisseur, alors même qu’on sent le désir du scénariste de les rendre attachant. Il a ainsi recours pour chaque épisode à un enregistrement vidéo fait par chaque membre de l’équipe pour le cas où il décèderait. Mais ces scènes sont écrites sans aucune subtilité, et on sent bien que si Van Lente a joué la carte du 2nd degré avec tant d’insistance, c’est parce qu’il ne maîtrise pas le 1er…. Dommage qu’il ne maîtrise pas non plus le 2nd finalement, car ses multiples références vont non seulement devenir de plus en plus pénibles, mais vont en plus lorgner vers ce qui se fait de plus populaire, puisqu’on aura même droit à la citation directe du livre « Twilight ». Comme dit plus tôt, la tendance actuelle au regard distancié et aux références cools semble s’essouffler, et on ne peut que regretter que seuls les grosses licences que tout le monde connaît soit balancées à la figure du lecteur, sans aucune subtilité, ni réel apport scénaristique.


Si « Marvel Zombies 3 » était une lecture éphémère et non dénuée de défauts, elle assurait tout de même un certain divertissement, qui n’est même plus présent dans ce quatrième volume. On ne sent pas de réelle implication du scénariste, et son récit manque de cohésion. Il ne parvient pas non plus à rendre ses protagonistes attachants. A moins d’être un fan absolu du genre, il n’est pas réellement nécessaire de lire ces 2 volumes, même si on a aimé les précédents.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire