samedi 4 septembre 2010

Silent Hill - le film

Chirstophe Gans est un personnage fascinant. Ayant débuté en créant son fanzine, il démontre immédiatement un vif intérêt pour les films de genre, et se présente comme l’un des plus fervents défenseurs du cinéma de Hong Kong en France. C’est d’ailleurs lui qui a créé la collection Hk Vidéo, qui éditait des films en cantonais sous titrés français, encore (nettement moins) active aujourd’hui, avec quelques classiques enfin sortis en dvd dans notre contrée.



Sa première réalisation (si on excepte un court métrage), c’est l’une des trois parties distinctes du film « Necromicon », adaptation de récits de l’écrivain fantastique H.P Lovecraft. Cette première incursion dans le fantastique est assez bien reçue. Après une adaptation de manga visuellement splendide mais manquant d’âme (« Crying Freeman » avec Mark Dacascos), le réalisateur met en scène le fameux « Pacte des loups », plus connu chez nous. Samuel Le Bihan et Mark Dacascos chassent le loup du gevaudan entre deux affrontements kung fu dans le pur style de Hong Kong (Philip Kwok, responsable des combats étant directement issu de l’industrie de l’ancienne colonie britannique). Les réactions sont mitigées, mais les qualités esthétiques du film et la façon de mélanger suspense et horreur prouvent que Gans est un metteur en scène solide. On a malgré tout encore l’impression que malgré l’enthousiasme sincère de ses films, le français verse trop dans la citation, ayant du mal à s’affranchir de ses influences.

"Silent Hill", adaptation risquée d'une saga culte lui permet de trouver ses marques. Risquée par qu’il est toujours difficile de satisfaire à la fois les fans purs et durs d’une saga vidéo ludique aussi appréciée que celle-ci et le public moins familier des jeux vidéos. Les fanboys constituent un public exigeant, voire obsessionnel, comme le prouvent les menaces de mort proférées à l’encontre de l’équipe durant le tournage.

Indépendamment du public à qui le film s’adresse, il parait difficile de retranscrire la richesse de l’univers dépeint en un seul film, tant chaque épisode est unique et magnifique. En prenant le parti d'adapter librement principalement l’histoire du premier opus, Gans s'offre la possibilité de reprendre les autres épisodes à l'avenir, tout en se permettant des clins d'œil aux autres jeux (choix des créatures, prises de vues) bienvenus.
Loin d'être l'œuvre imperméable au non initié comme certains l'ont tant décrié, "Silent hill" s'apprécie néanmoins davantage en étant familier des jeux. Cependant, les différents niveaux de lecture (déjà présents dans les jeux) en font une œuvre mature et réellement intéressante, qui prend tout son sens dès le second visionnage.


Difficile en effet d'être réellement fixé dès la première fois, et Gans réussit à nous donner envie de revoir son film, sans qu'on ait l'impression de n'avoir rien compris. Il ne s'agit pas d'une arnaque qui prétend donner des sensations sans apporter de réponses, au nom de je ne sais quelle prétention cinéphilique. Et si tout n'est pas limpide, les différentes hypothèses que l'on peut formuler sur la fin notamment permettent d'approfondir les différents sens que l'on peut trouver à l'œuvre.
Visuellement splendide et très respectueux des jeux (on se croit souvent dans "Silent Hill 4: the room"), le film de Gans est bien sûr moins éprouvant et oppressant, ce qui permet d'éviter une classification trop rude, un parti pris certainement imposé par les studios qui espéraient attirer un public le plus large possible. Pourtant, on reste face à une œuvre loin d'être accessible à tout le monde. Il ne s'agit pas d'un survival horror à la "resident evil", dans le sens où il n'y a que peu d'action (ce qui est vrai également dans les jeux). On a plus affaire à un film d'ambiance, où l'horreur est davantage psychologique que visuelle.
Un parti pris digne des jeux et qui leur fait horreur, et même si on n'est pas pris de sursaut comme lorsqu'on joue le soir dans notre salon, les frissons nous assaillent lors de certaines scènes moralement difficilement soutenables.
Autre point positif: la direction d'acteurs. Moins connus que les précédentes stars avec qui a pu travailler Gans, ils donnent le meilleur d'eux-mêmes sans se livrer à des prestations iconographiques. Les créatures ne peuvent pas être considérées comme des acteurs, mais elles contribuent largement à rendre le film vivant. Les effets spéciaux dans leur ensemble sont très convaincants, on pense notamment à la transition entre le monde « réel » et le monde cauchemardesque, reprise récemment dans le jeu « Silent Hill Homecoming ». La photo est magnifique, la scène d’entrée dans la ville avec ce qu’on pense d’abord être de la neige étant réellement splendide. A ce titre, les premières scènes parviennent parfaitement à retranscrire l’atmosphère si particulière du premier jeu. La ville dans son ensemble n’est sans doute pas identique, mais est très proche du rendu des deux premiers jeux. Les prises de vue surprenantes ne sont pas étrangères à cette ambiance si proche des jeux.

Du point de vue de l’intrigue, des libertés ont été prise (Harry Mason devient Rose, disparition des pouvoirs télé kinésiques, Silent Hill devient une ancienne ville minière), mais l’essence du récit est respectée, pour un résultat final plus compréhensible, jouant moins sur les ambigüités et les non dits, tout en conservant une part de mystère tout à fait bienvenue, et ce jusqu’à la dernière scène.

"Silent Hill" divise, mais ne dit-on pas que c'est la marque des grands? En adaptant librement mais fidèlement un univers aussi riche, Gans parvient à retranscrire l'essence même de "Silent Hill", cette horreur plus cérébrale et donc plus effrayante que celle des autres survival, car elle revient nous hanter longtemps après... Il s’agit pour moi, d’une des adaptations les plus réussies d’un jeu vidéo, et d’un film réussi en tant qu’œuvre à part entière, à voir absolument.



A noter que Gans avait fait l’annonce d’une suite en préparation, en 2006. Après de multiples péripéties, il semble que le film soit toujours prévu (on ignore encore quel épisode de la série serait adapté), le tournage débutera certainement en 2011, le temps de voir les résultats de « Resident Evil : Afterlife 3d » et surtout que le scénariste Roger Avary sorte de prison.

2 commentaires:

  1. Je suis presque surpris de voir que tu as apprécié le film tout en étant fan des jeux alors qu'il me semble que ce sont justement les amateurs de Silent Hill qui sont généralement les plus critiques envers le film.
    Personnellement, j'aime assez bien Silent Hill le film même s'il ne s'agit pas de mon Christophe Gans préféré. Déjà, je trouve que d'un point de vue technique le film est juste somptueux, les décors, les effets visuels ... sont absolument formidables. La mise en scène est également le plus souvent remarquable notamment lorsqu'elle reprend trait pour trait le début de Silent Hill 1. C'est plus du point de vue narratif que le film me laisse un goût d'inachevé. Déjà tout ce qui se passe avant l'arrivée dans Silent Hill m'est apparu assez ennuyeux. Mais c'est surtout le moment où le film s'arrête pour expliquer dans les grandes lignes les tenants et les aboutissements de l'histoire que j'ai trouvé assez maladroit enlevant qui plus est une bonne partie du mystère qui régnait jusque là et qui était une des grandes forces du film à mes yeux. D'ailleurs, j'ai particulièrement apprécié la dernière scène du film très "Inceptionesque" si tu me permets l'expression ^^

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  2. J'ai remarqué que les "fans" n'aimaient pas trop partager leur passion. Il n'y a qu'à voir les réactions quand on parle d'une adaptation cinématographique. Même si globalement elles ne sont pas bonnes, il y a des exceptions. Gans est un fan de la saga, et c'est par pure passion qu'il s'est battu pour en réaliser l'adaptation. Et ça se sent du début à la fin, comme tu le dis, ona bien souvent l'impression de revivre les premières sensations du jeu, et visuellement, le film est non seulement splendide, mais tout à fait dans l'esprit des jeux. D'ailleurs, on en retrouve l'ambiance unique, et la ville prend réellement vie. Je partage ton opinion sur la scène d'explication, mais je pense que cette concession est destinée à rendre l'oeuvre plus grand public, et même si elle est maladroite, elle n'atténue pas la sincérité du projet.

    Silent Hill n'est pas un film parfait, mais c'est une adaptation respectueuse et réussie d'une saga difficile à adapter, donc à mon sens pari réussi :)

    L'analogie que tu fais sur la fin me parait tout à fait pertinente, même si le montage est moins percutant que dans le film de Nolan.

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