Puis l’annonce d’un nouvel épisode lors de l’E3, ainsi que les déclarations liées à la production d’un deuxième film adapté de la série a ravivé mon intérêt. Pourquoi ne pas m’intéresser davantage à ce jeu wii pour patienter ? J’ai donc lu les tests avec plus d’attention. La tournure résolument psychologique et même psychanalytique m’a interpellé. La machine était lancée, il me fallait faire l’acquisition de « Silent Hill Shattered Memories ».
Pour une saga dont l’ambiance constitue l’un des atouts majeurs, Silent Hill se doit d’immerger son public dès les premiers instants, et ce quelque soit le média adopté. Le studio anglais climax, à qui l’on doit le sympathique mais sans surprise « Silent Hill Origins », a rempli cette condition brillamment. Il suffit de voir la vidéo introduisant le menu du jeu pour comprendre qu’on va vivre une aventure qui a une âme. L’amour qui unit Harry Mason et sa fille de 7 ans Cheryl est manifeste dès cette simple présentation, sans qu’on nous agresse avec de grands effets de mise en scène. Une simple vidéo de famille, à l’image granuleuse propre aux vieux caméscopes vidéos nous montre une scène de bonheur aussi simple que vraie.
C’est alors la rencontre de notre personnage avec un psychiatre qui va non seulement introduire l’intrigue, mais la rythmer. Les scènes dans le cabinet sont jouées en vue à la première personne afin de favoriser l’immersion. On a rapidement le loisir d’apprécier le souci du détail des décors, qui apportent une crédibilité indispensable aux environnements. Notre interlocuteur nous précise qu’il est heureux de nous voir nous présenter volontairement pour discuter des événements. Comme le précise le message d’information précédant le début du jeu : « ce jeu s’amuse autant avec vous que vous avec lui ». Effectivement, le psychiatre nous soumettra à chaque interlude dans son cabinet, des questionnaires, des tests visuels, et d’autres moyens de déterminer notre profil psychologique. Les choix que le joueur fait ont une influence immédiate : ils modifient des détails visuels, le physique d’un personnage, sa façon de s’adresser à nous… mais surtout, ils conditionnent la fin que chaque joueur rencontrera.
Ce bilan psychologique, aussi original que bienvenu, se montre d’une précision déconcertante, pour peu qu’on prenne la peine de répondre sincèrement. Et c’est bien là l’intérêt du jeu : vivre une expérience unique et propre à chaque joueur. D’autant plus qu’on reviendra à « Shattered Memories » avec plaisir, afin d’explorer les changements possibles, une rejouabilité loin d’être factice qui allonge sensiblement la durée de vie du titre. En soi, l’aventure n’est pas longue (une constante dans les Silent Hill), mais propose un rythme cohérent avec le propos. On n’a pas le temps de s’ennuyer, et le découpage scénaristique permet de recueillir les indices avec suffisamment de régularité pour qu’on puisse assembler les pièces du puzzle.
Trois phases de jeu différentes se suivent : les échanges avec le psychiatre, l’exploration d’un lieu, et les poursuites. Car contrairement aux autres épisodes, les créatures n’apparaissent pas à n’importe quel moment, mais uniquement dans le monde glacé. Cette narration fracturée est tout à fait cohérente. Les scènes d’exploration nous plongent dans un Silent Hill enneigé et à l’abandon, aux allures de ville fantôme. On sera malgré tout amené à croiser d’autres personnes, qui auront une influence ou un rôle plus ou moins direct dans l’histoire. Les lieux visités sont conformes à ceux que l’on rencontre dans le premier jeu, puisqu’on va bien à l’école, à l’hôpital… mais aussi à certains endroits du troisième opus. L’architecture est par contre très différente, et le déroulement de l’intrigue n’a que peu de rapport. Ici, pas de culte religieux sadique, pas d’énigmes tortueuses, mais des recherches d’indices et d’objets de la vie quotidienne (bien souvent des clés). Ces investigations sont plus simples que celles qu’on a l’habitude de rencontrer dans un Silent Hill, mais ce parti pris est tout à fait pertinent. En effet, il s’inscrit dans un déroulement plus réaliste qu’à l’accoutumée, et évite de perdre le joueur dans la réflexion pure. Plus que jamais, c’est l’ambiance qui prime, et le jeu est teintée d’une mélancolie que les décors enneigés retranscrivent parfaitement. A ce titre, les apparitions fantomatiques et la recherche de souvenirs témoignant d’une implication émotionnelle forte dans un lieu donné approfondissent de façon poignante les thématiques du jeu.
Il faut dire que l’intrigue parvient à mêler l’intellect et l’émotionnel pur avec beaucoup de talent. Si le twist final est prévisible, c’est parce que la construction narrative nous y prépare de façon logique, sans que son impact en soit diminué, car l’histoire est magnifique. Le seul reproche que je formulerais de ce point de vue est de saborder une de mes nouvelles dont le dénouement est presque identique. Si l’enquête semble donc moins complexe que dans les autres opus, le récit est d’une profondeur peu commune, même pour un Silent Hill, faisant de « Shatetered Memorie » un épisode digne de la saga, à l’identité très forte. On ne peut que saluer les choix de Climax, qui parvient à surprendre après un « Silent Hill Origins » bon mais trop conventionnel pour faire date, et sans aucune prise de risque.
L’un des gros changements consiste à modifier le traitement de la dimension parallèle. Tout se gèle : décors, personnages… pour perdre le joueur dans des labyrinthes qu’on a déjà traversé, mais qui deviennent méconnaissable. On peut s’y repérer grossièrement grâce au gps de notre téléphone, mais certaines ouvertures praticables auparavant sont closes. De plus, utiliser le téléphone met souvent en position délicate. Les poursuivants, au design peu varié, sont d’une agressivité qui n’a d’égale que leur rapidité. Impossible de se défendre. Tout au plus peut-on les repousser quand ils s’agrippent. Se faire attraper revient à recommencer la scène à un check point. Ces scènes sont épuisantes et stressantes, et s’inscrivent avec beaucoup d’intelligence dans la thématique de l’histoire, un fait dont on prendra réellement conscience à la fin. Le look identique est également tout à fait logique. On apprécie de n’avoir d’autre solution que la fuite effrénée, même si certaines phases sont un peu frustrantes, notamment parce qu’il faudra d’y reprendre à plusieurs fois avant de trouver l’itinéraire adapté. De plus, ces passages ont le mérite de ne pas être trop longs une fois qu’on a compris le concept, et surtout de ne pas être trop nombreux.
Ces trois phases distinctes de gameplay sont entrecoupées de scènes cinématiques qui permettent de mieux connaître les personnages. On s’attache rapidement à ce nouveau Harry Mason, les phases de dialogue avec le psy renforçant cette identification. Les protagonistes secondaires sont également très humains. Mais les cinématiques proposent également des morceaux de bravoure spectaculaire, comme l’écroulement d’un pont très réussi. La mise en scène est toujours percutante, chaque mouvement de caméra ayant un sens. Aucune scène ne paraît superflue, et certaines sont vraiment marquantes, comme un passage dans une voiture où les vitres serviront de moyen de communication pour un résultat franchement glaçant. Il faut dire que l’atmosphère sonore est une fois de plus époustouflante, entre des bruitages effrayants et des musiques discrètes mais persistantes.
Le morceau final, chanté par Mary Elizabeth McGlynn, fidèle collaboratrice d’Akira Yamaoka est tout simplement magnifique. Il accompagne avec élégance une fin poignante, belle et surtout vraie. Les émotions ne semblent jamais factices, et quand le générique de fin résonne, on a la sensation d’avoir participé à un voyage intense, fort, et magique, teinté de nostalgie, de mélancolie même, un voyage bourré d’émotions qui poursuit.
« Silent Hill Shattered Memories » s’éloigne des recettes de la saga pour trouver sa propre identité, tout en respectant son essence, et en s’affirmant comme un vrai survival horror, à l’histoire maîtrisée et inoubliable.
Une expérience intense, que même ceux qui n’ont pas joué aux autres épisodes devraient découvrir.
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