jeudi 15 avril 2010

White zombie

Datant de 1932 et rentré dans le domaine public (au même titre que « night of the living dead »), « White Zombie » a la réputation d’être le premier film de zombies. On considère parfois « le cabinet du docteur caligari » comme le précurseur, mais il s’agit d’un somnambule manipulé, et non d’un mort vivant. « White Zombie » est en tout cas le premier document parlant où le terme apparaît.


Le film s’inspire du livre “magic island”, publié en 1929 par William Seabrook, un reporter intéressé par le cannibalisme (il a lui-même goûté de la viande humaine) et les sciences occultes comme le satanisme et le vaudou. L’ouvrage raconte son voyage à Haïti et sa découverte du vaudou, en particulier de l’ensorcellement consistant à ramener les morts à la vie, afin de les faire travailler. C’est également dans ce livre qu’on trouve pour la première fois le mot zombie en anglais. On y apprend d’ailleurs l’origine du mot, qui dérive du créole “Nzambi” qui est le nom d’un dieu. C’est un peu le dieu des dieux, le premier a avoir existé, personne n’est au dessus de lui, et il est omnipotent. Ses yeux ressemblent à ceux d’un homme mort, fixant le vague, avec une espèce de voile flou devant la pupille

Pour Seabrook, les morts vivants n’étaient autres que des malades mentaux ou des gens drogués, et les sorciers, ou plutôt prêtres vaudous (appelés « bocor ») profitaient de leur instabilité pour les manipuler. Le livre fut d’abord adapté au théâtre par Kenneth Webb, sous le titre « Zombie ». Contrairement à « White Zombie », ce fut un échec public, et le metteur en scène ne tarda pas à attaquer l’équipe du film pour plagiat, espérant rentrer dans ses frais.


Durant à peine plus d’une heure, « White Zombie » est au film de zombie ce que « Nosferatu » est au film de vampire (même si on estime que « Nosferatu » n’est pas le tout premier film de vampire, contrairement à la croyance populaire), et pose les bases des morts vivants tels qu’on les connaît. Et même si l’héritage vaudou a presque disparu (la plupart des films trouvent d’autres causes, même si Wes Craven s’est à nouveau penché sur la question en 1988 dans « the serpent and the rainbow » ou « l’emprise des ténèbres » en vf), on retrouve de nombreuses caractéristiques dans les films récents. En effet, même si l’heure est plus aux infectés véloces et sprinteurs, on trouve encore des films où les zombies se déplacent très lentement (une caractéristique tournée efficacement en dérision dans « Shaun of The dead ») et tous ont le regard livide.

On s’étonnera de ne pas voir nos zombies décharnés, au contraire, leur peau paraît brillante, même si on peut difficilement en juger dans un film en noir et blanc. Les maquillages sont en tout cas très esthétique, et les morts vivants ont une vraie prestance, même si on ne les voit finalement que trop peu. Ils ne représentent en effet pas la plus grande menace, puisqu’ils sont envoûtés par le bocor interprété par l’effrayant Bela Lugosi. L’acteur, que les fans de films d’horreur des années 30, et les fans de Tim Burton (« Ed Wood ») connaissent bien, possède un charisme indéniable, et son regard perçant a dû en effrayer plus d’un à l’époque.


Face à lui, le reste du casting est plutôt fade, mais c’est de toute manière Lugosi l’attraction, comme en témoigne la place de son nom dans le générique. « White Zombie » ne possède ni effusion de sang, ni passage vraiment malsain, mais il est à voir dans le contexte de l’époque, et son atmosphère surréaliste est encore très réussie. On a l’impression d’assister à un mauvais rêve, à la mise en scène surprenante. Si le montage souffre de quelques faux raccords flagrants, on appréciera surtout l’inventivité des effets spéciaux. Ce qui est enfantin aujourd’hui ne l’était pas à l’époque, et les splits screens et fondues témoignes d’une approche innovante remarquable.

Le scénario est globalement assez classique, présentant un triangle amoureux auquel viennent se greffer le bocor et ses morts vivants. L’ambiance s’installe rapidement, avec un climat mystérieux et menaçant dès la présentation de nos personnages qui découvrent des haïtiens enterrant leurs morts en plein milieu d’une route pour éviter qu’on ne les ramène à la vie. Les décors, principalement en intérieur, sont très détaillés et contribuent à l’immersion. Mais le plus intéressant reste l’utilisation des zombies : le bocor se fait une fierté d’être le maître de ses anciens ennemis, et se sert d’eux pour accomplir sa basse besogne. Mais comme dans le livre de Seabrook, c’est avant tout pour servir de main d’œuvre que les morts sont appelés à sortir de leur cercueil.


« White Zombie » a indéniablement vieilli, et possède quelques longueurs. Mais son importance historique est telle qu’il est impensable que les fans de films de zombies ne le regarde pas, surtout qu’on peut le visionner légalement sur youtube, puisqu’il est dans le domaine public, suite à une histoire de droits.

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