Au delà du jugement qu'on peut porter sur le film, Je trouve deux grandes qualités à Inception : sa propension à nous donner envie de théoriser sur son contenu, et le fait qu’il pousse à s’intéresser à d’autres œuvres aux thématiques proches.
Aujourd’hui, je vais me concentrer sur la première de ces caractéristiques. A la fin du film, la question était avant tout de savoir si la toupie allait cesser de tourner ou non. On pouvait en déduire au choix que le héros avait réussi sa mission, ou bien qu’il était resté dans les limbes. Avant de me lancer dans la lecture des théories du net, j’ai voulu remettre l’intrigue en perspective et tirer mes conclusions.
Voilà les éléments qui m’ont paru importants : pour commencer, « Inception » est clairement le petit frère de « Memento » : la narration déstructurée est proche, mais surtout on a affaire dans les deux cas à un protagoniste et donc un narrateur qui n’est pas fiable. Léonard Shelby n’avait plus de mémoire immédiate et modifiait, consciemment ou non, les éléments de son passé. Dom Cobb éprouve toutes les difficultés du monde à savoir s’il se trouve ou non dans un rêve.
Ce qui nous amène à un point primordial : l’une des règles du monde des rêves est qu’il est primordial d’avoir un totem, un objet personnel dont les caractéristiques précises permettent de distinguer le réel du rêve. Lorsqu’Arthur montre son totem à Ariadne, il lui précise qu’il est indispensable que personne ne touche un totem qui n’est pas le sien, au risque d’en corrompre les effets. Or, la toupie n’est pas le totem de Cobb, mais celui de sa femme. Même si elle tourne, comment envisager, dans ces conditions, qu’elle soit un indicateur fiable. Dès lors, il est inutile de s’intéresser au mouvement de cet objet.
Je ne pense pas que l’ensemble du film se déroule dans un rêve. Je pense par contre que la cible de l’inception est bien Cobb. Le commanditaire est certainement son beau-père, qui lui demande de « revenir à la réalité » et l’accuse de n’être là que virtuellement pour ses enfants, par l’intermédiaire des cadeaux qu’il leur fait passer. Au-delà de la situation légale du personnage, il semble que ce soit le fardeau des remords face à la mort de son épouse qui entrave son retour auprès des siens. La mission a pour objectif, en surface de manipuler Fischer. Mais elle aboutit finalement à deux choses : la plus évidente est de faire comprendre à Cobb qu’il doit laisser partir le souvenir de sa femme. Qu’il lui ait implanté l’idée ou non, c’est le voyage dans les rêves et leur volonté commune de s’enfoncer davantage, et de tester toutes les possibilités qui conduit au drame. Libéré de ce poids, Cobb a malgré tout peur du regard de ses enfants, une idée illustrée explicitement par le fait qu’ils ne tournent jamais vers lui dans ses souvenirs.
Cette deuxième problématique me pousse à penser que l’équipe de Cobb est bien constituée des gens qu’il connaît, et non de projections d’eux. Fischer fait certainement parti de la mission. En effet, l’idée qu’ils doivent implanter dans son esprit est, superficiellement, que son père veut le voir s’accomplir en tant qu’individu, et donc qu’il doit dissoudre l’entreprise familiale. Mais c’est surtout l’idée de la réconciliation parent/enfants qui prime. La culpabilité que ressent Cobb l’empêche d’affronter le regard de ses enfants, qu’il a privés de leur mère (c’est du moins certainement la façon dont il le ressent). A travers l’histoire de Fischer, c’est l’idée que ses enfants ne lui en veulent pas et n’attendent que la réconciliation avec lui, et donc son retour qui est implantée.
Saïto est là pour agir comme dilemme : soit le personnage se libère de ses craintes et de ses regrets, et il est en mesure non seulement d’avancer, mais d’aider les autres, soit il reste enfermé dans les limbes, entrainant les autres dans son drame (le train symbolisait très efficacementcette idée de danger permanent non seulement pour lui, mais aussi pour les autres. D'ailleurs le motif du train est intéressant, car le personnage ne "prend pas" le train à ce moment-là). Il est important que ce soit Saïto qui soit enfermé dans les limbes, puisque c’est lui qui a la possibilité de régler l’aspect légal de la situation. Ainsi, choisir de le sauver revient une nouvelle fois pour Cobb à se sauver lui-même de sa situation, tant techniquement qu’humainement.
Je continue de trouver passionnant d’élaborer des théories autour de l’intrigue, néanmoins, celle-ci me paraît la plus intéressante humainement, la plus poignante aussi.
Je n'avais pas pensé à ça, mais effectivement ta théorie se tient.
RépondreSupprimerEn tout cas elle me plait cette théorie. Je pense qu'il est possible de l'approfondir encore davantage d'ailleurs. Comment avais-tu interprété le récit?
RépondreSupprimerC'est fou mais lire un mec passionné par son truc, tout de suite ça rend la chose plus intéressante et distrayante.
RépondreSupprimerMoi, j'ai vraiment prit les choses très terre à terre avec ce film. Et l'histoire de la toupie m'a tout de suite interpellée surtout lorsque Cobb avoue que ce totem n'était pas le sien mais celui de sa femme donc, du coup y a tout un tas de chose qui cogite dans la caboche. Par contre, cela ne m'a pas donné envie de théoriser. Mais ici, tu exposes des choses qui donnent à réfléchir. Sur le fait que tout tourne véritablement autour de Cobb. Alors à ce moment-là, même la scène d'ouverture, c'est du chiqué ? Ce serait donc un inception à plusieurs niveaux ? Du début à la fin nous sommes dans un rêve alors ?
Cette théorie est pas mal, rien que ça, ça pourrait tout résumer :
> En effet, l’idée qu’il doive implanter dans son esprit est, superficiellement, que son père veut le voir s’accomplir en tant qu’individu, et donc qu’il doit dissoudre l’entreprise familiale. Mais c’est surtout l’idée de la réconciliation parent/enfants qui prime. La culpabilité que ressent Cobb l’empêche d’affronter le regard de ses enfants, qu’il a privés de leur mère (c’est du moins certainement la façon dont il le ressent). A travers l’histoire de Fischer, c’est l’idée que ses enfants ne lui en veulent pas et n’attendent que la réconciliation avec lui, et donc son retour qui est implantée.
En fait, j'ai tellement vécu le film que je n'ai pas envie d'en sortir ^^ Du coup je continue de réfléchir à cette théorie, en même temps que je revois des scènes. Je suis habité par le film comme rarement.
RépondreSupprimerJe pense que oui l'inception se déroule vraiment sur plusieurs niveaux, par contre, je pense que certaines scènes se déroulent dans le monde réel, notamment le passage où il va voir son beau père avant de rencontrer Ariadne. Le début sert à le mettre en condition pour l'inception, comme en témoigne, il me semble la complicité entre Mal et Saïto.
merci de me quoter au fait, ça me permet de voir l'horrible faute d'accord à corriger!
C'est vrai que le coup de la toupie m'avait interpellé pendant le film moi aussi.
RépondreSupprimerAu début du film quand ils sont dans le rêve de Saïto, Marion Cotillard va les balancer pour lui dire de se méfier, qu'ils sont dans son rêve, c'est peut-être aussi parcequ'ils ne sont pas dans la vraie vie. (suis-je claire? j'en doute)
Et au contraire quand la nouvelle tente de parler au pote de léonardo en lui disant qu'il traine de gros problèmes (quand elle est rentrée dans son rêve où il parle avec sa femme) celui-ci n'a pas l'air au courant, donc si c'était une inception faite sur Léo je pense que son copain serait au courant de tout ça...
Moi je pense que la théorie la plus probable est que le film a de sérieux problèmes au niveau de l'écriture du scénario!!!!!
J'ai du mal à saisir ton premier point.
RépondreSupprimerPour le deuxième, il est à noter qu'Ariadne déclare ç à Arthur DEVANT Cobb. Certainement pour détourner son attention, afin que l'Inception ne soit pas Trop évidente.
Pour ton troisième point, comme je sais que c'est une provocation, je me contenterai de ne rien ajouter.
je reconnais bien là les qualités d'analyses psychologiques de léonard. Continue comme ça je ne sais pas si le réalisateur a eu autant de talent que toi pour construire son histoire et ses personnages si telle n'est pas le cas il devrait t'embaucher. J"aime vraiment beaucoup cette théorie pleine de sensibilité qui donne de l'humanité à un film qui pourrait n'être qu'un film de science fiction. Du coup tu m'as redonné un intérêt et je le reverrai avec d'autres yeux Katia
RépondreSupprimerCher Léo,
RépondreSupprimertes hypothèses sont tellement complexes et dans le même temps paraissent tellement s'imbriquer logiquement qu'il est fort probable que tu aies percé l'esprit de Nolan comme d'habitude. Sauf que je pense qu'avec ton don, tu seras certainement le seul au monde à l'avoir fait, ce qui me conduit à te dire que tu devrais lui envoyer ton exposé saisissant. je crois que le maître songera que tu lis dans ses pensées.
Personnellement, Inception s'il m'avait plu était loin de me satisfaire comme les autres films de Nolan (je mettrai Batman à part, car pour moi ce n'est déjà plus tout à fait du Nolan). je trouvais que les scènes d'action avaient trop le devant de la scène et que pour suivre la narration il était nécessaire de s'attacher à l'essentiel, d'élaguer, de ne pas réfléchir aux détails au risque de perdre le fil de l'histoire, les actions s'enchaînant tellement rapidement. Ceci me faisait dire que le scénario aurait pu être plus approfondi sur des thèmes aussi passionnants que ceux abordés. cette critique étant faite, je trouvais que le film était tout de même très bien fait tout en ayant lu le scenario au 1er degré, la série d'emboitements et la logique faisaient preuve d'une grande intelligence de la part du réalisateur.
Mais là, il faut bien convenir que ta théorie montrerait Nolan encore plus intelligent et démontre en tout cas ton caractère brillant.
Reste un point de détail, je ne comprends toujours pas comment cotillard et di caprio reviennent des limbes en se laissant écraser par le train crée, puisqu'on ne peut pas en revenir en mourant mais juste en attendant que le temps défini par la machine soit fini. A moins, que cobb ait une idée du temps restant ou en tout cas une estimation et qu'il lui explique l'histoire du train pour la préparer au retour; et le train serait donc bien une image puisque dans le rêve, ils ont presque 50 ans de plus et non le visage qu'on leur voit sur les rails
Léo
RépondreSupprimerJe suis d'accord avec une partie de ton analyse.
Pour moi le héros est dominé par un sentiment de culpabilité ,vrai ou faux, qui l'empêche de revoir ses enfants , et il n'a de cesse d'imaginer des sénaris qui lui permettront de les rejoindre .
Rêves ou pas...rêves ou réalité
L'essentiel n'est pas là, chacun peut imaginer la fin qui lui convient avec sa sensibilité et c'est là la force du film il vous oblige à la rêver!
Gaston
Merci pour ces commentaires qui montrent que la grande force du film est de donner envie de s'y replonger!
RépondreSupprimerVoilà tout simplement la meilleure explication que j'ai lue.
RépondreSupprimerMerci pour le compliment Anonyme! Et toi, comment avais-tu interprété la fin?
RépondreSupprimerJ'en profite pour répondre à ce qu'on va inévitabelement me demander bientôt, la déclaration du costumier sur le fait que les enfants ne soient pas habillés de la même manière qu'auparavant dans la scène de fin:
Pour moir, cela ne signifie absolument pas que les autres théories sont fausses: La question des habits avait été repérée depuis longtemps (même moi j'avais remarqué lors de la deuxime vision du film). Mais ça ne change rien. Il n'y a aucune règle qui dit que les rêve ne sont pas malléables et doivent se dérouler exactement de la même manière à chaue fois.
J'en veux pour preuve Memento, où Léonard Shelby expiquait que les souvenirs n'étaient pas fiables, que seuls les faits l'étaient et que c'était la raison pour laquelle on ne pouvait pas entèrement faire confiance aux témoins visuels, dont la mémoire avait tendance à modifier certains éléménets comme "la couleur d'une voitue".
Il s'agit juse d'un élément en plus pour troubler le spectateur. Comme le coup de la toupie, le but n'est pas de dire "ah, c'est donc ça la fin", mais juste de souligner qu'il faut peut être aller au delà de ce qui nous est montré pour réfléchir davantage au film.
Après on peut aussi envisager le fait qu'il soit bien réveillé et retrouve ses enfants après une longue absence, sans que ça contredise les autres théories finalement, mais encore une fois, je pense que le fait qu'il soit réveillé ou non n'est pas primordial (ça c'est parce que pour ma part je m'attache à l'aspect émotionnel avant tout et que la finalité n'est pas tant la situation pour moi, mais l'évolution des protagonistes).
Le film nécessite plusieurs visionnages pour bien l'apprécier, mais ton analyse est très pertinente je trouve...
RépondreSupprimerTout à fait d'accord, je pense que les visions répétées permettent d'envisager à nouveau d'autres approches!
RépondreSupprimerMerci pour le compliment!
Heya ta theorie est interessante mais à mon avis elle ne tient pas ka route , enfin c'est un petit détail : Ariane est une projection ;)
RépondreSupprimerJe fais référence à la scène du verre brisé , dans la pièce de leurs anniversaires de mariage , Ariane marche au même endroit sur le verre que Cobb , elle reproduit une cation passé :) .
Belle théorie , assez évidente à creuser quand on se creuse un peu les méninges
Héhé, une preuve de plus qu'il s'agit d'un film à la richesse incroyable, qu'on peut explorer dans tous les sens. Je ne sais pas si ça invalide ma théorie, ou si ça en ouvre une autre (j'aime bien la mienne quand même) mais c'est un élément intéressant à analyser, d'autant qu'encore une fois, je pense que le nombre d'hypothèses qu'on peut faire est important.
RépondreSupprimerDonc toi tu pencherais pour le rêve en continu du début à la fin j'imagine? Un des éléments qui me fait douter de ça pour ma part, est le fait que lorsqu'on les voit créer leur ville, ils ne sont que tous les deux, on ne voit jamais personne d'autre. Ce qui n'est plus le cas par la suite ^^
Non , ma réflexion avait juste pour but de montrer une hypothèse de plus , pour démontrer l'étendue de la richesse d'interpretation de ce film .
RépondreSupprimerAprès perso je pense qu'il est dans la réalité ( l'âge des enfants , les habits , le fait que la toupie n'a rien à voir avec cobb etc) .
On peut aussi penser que la scène finale se concentrant sur la toupie , cela s'adresse au téléspectateur , on vient de vivre un rêve éveillé , dans une salle obscure , & quand les lumières se rallume (celle du cinéma) bah c'est malheureusement la fin du rêve =)
C'est exactement ce que j'ai ressenti lorsque le générique de fin est apparu effectivement ;-)
RépondreSupprimerPas le temps de taper une rédaction :
RépondreSupprimervoici ma critique du film : http://culturemoderne.blogspot.com/2010/07/your-mind-is-scene-of-crime.html
et une analyse du cinéma de Nolan ( et dont une partie porte sur Inception ) : http://culturemoderne.blogspot.com/2011/06/une-etude-quelque-par-entre-les-ombres.html