jeudi 18 mars 2010

Watchmen le film


Pour critiquer "watchmen", plusieurs données sont à prendre en compte : les qualités du film en lui-même, celles du matériel d'origine, et les conditions d'adaptation de l'œuvre

Alan Moore est un des auteurs les plus réputés de l'univers du comics, et pas seulement pour son talent, mais aussi ses différends avec les studios de production qui ont acheté les droits pour adapter ses créations. On se souvient des conflits violents lors de la sortie de "from hell" ou de "la ligue des gentlemen extraordinaires", suite auxquels il a déclaré avoir été traité par les tribunaux "avec moins d'égards qu'un pédophile qui aurait violé un car entier d'écoliers".

De fait, "Watchmen" a toujours été réputé comme son œuvre la plus inadaptable. Il est vrai que le roman graphique est d'une densité incroyable, mélangeant intrigues, sous intrigues, métaphores au travers d'un récit de pirates lu par un personnage secondaire.... La richesse de l'œuvre est telle que des réalisateurs comme terry gilliam, longtemps envisagé pour se lancer, ont jugé que seule une mini-série pouvait rendre hommage à l'œuvre de Moore.

Dès la première scène, un constat confirme l'impression laissée par les extraits diffusés sur le net: vendu comme un blockbuster, un film de super héros lambda, "watchmen" reste à l'image du RG un film sans concessions. Si les scènes d'actions, aussi peu nombreuses que dans la bd, sont rallongées et un peu plus chorégraphiées, elles sont surtout d'une violence incroyable. Le premier affrontement est à ce titre d'une brutalité incroyable, renforcée par des bruitages explosifs et efficaces, et des gerbes de sang bien loin de ce qu'on a pu voir dans "300". A tel point qu'on imagine mal comment le film a pu échapper à une interdiction. Chaque scène de violence est montrée de la façon la plus crue possible.

Ce parti-pris est tout à fait dans l'esprit de l'œuvre originale, minimaliste dans sa présentation des scènes d'action, mais don une grande fureur se dégageait. A mi chemin entre les chorégraphies hong kongaises, avec beaucoup de parades et une chorégraphie élaborée, et un style combat de rue vraiment sauvage, à base de coups de poings en plein visage et de destruction de membres, ils constituent une excellente surprise. On constate une évolution incroyable dans la mise en scène de Snyder. Fini les incessants ralentis et les gros plans pour rajouter de l'impact. Ici, presque chaque plan est un plan large, peu de ralentis, et un montage aussi précis qu'efficace. Difficile d'imaginer mieux à ce niveau, surtout avec des bruitages si perturbants.



Le travail sur le son ne s'illustre pas que dans les bruitages. La bande son de Tyler Bates accompagne l'ensemble discrètement, mais de bien belles façons. Mais surtout, le choix de plusieurs chansons cultes des années 70, comme le "all along the watchtower" version Jimi Hendrix, est aussi efficace que dans l’esprit de l'œuvre de Moore, qui commençait son récit en citant Bob Dylan. Une chanson qu'on a le plaisir de retrouver dans l'excellent générique. Un travail admirable a été fait dans cette séquence, absente de la bd qui retrace de façon efficace et avec beaucoup de style l'ambiance "minute men".

L'ambiance est d'ailleurs un des gros points forts. Sans verser dans l'adaptation bête et méchante, sans faire de la bd un simple storyboard, le film restitue parfaitement ce qu'on ressent à la première lecture. La trame principale est reconstituée avec bonheur, plusieurs détails importants sont conservés... car ce qui fait la richesse de l'œuvre de Moore, ce son tous ces eptits détails qui rendent l'ensemble si crédible et si humain. La caractérisation des personnages, excellente, reste l'un des points forts du film. Une qualité qui doit également beaucoup aux acteurs. Physiquement très proches de leurs personnages, ils excellent tous à leur donner vie par un jeu vrai et vivant. On retiendra en particulier Jackie Earl Haley, que je ne connaissais, mais qui ne se contente pas de jouer. Il est Rorschach, tant physiquement que dans son attitude. Patrick wilson est également mémorable dans le rôle du hibou.



Le film prend donc le temps de s'appesantir sur ses personnages, comme le roman graphique, ce qui apporte une profondeur qui donne beaucoup plus d'impact à leurs tribulations. On regrettera que Snyder ait été obligé de supprimer le destin d'hollis mason (présent dans la bande annonce japonaise). La scène retraçant les origines de ROrschach est par contre d'une puissance émotionnelle inouïe, laissant une crampe d'estomac aussi violente que celle ressentie dans la bd. Incontestablement l'une des meilleures scènes du film.

Une polémique qui a frappé le film avant même sa sortie concerne les changements dans le scénario. On pourra pester contre la révélation des origines du spectre, mais cela n'est qu'un détail, qui reste totalement cohérent et dans l'esprit de l'histoire d'origine. Qu'en est-il alors du GRAND changement dans la révélation finale? Et bien finalement, cela ne change pas grand chose non plus, puisque l'idée et la démarche restent identiques. Les scénaristes ont respecté l'esprit de l'œuvre, ont compris ce qui la rendait si unique, et l'ont adapté avec intelligence.



"Watchmen" le film est donc une excellente adaptation, qui fait honneur au matériel d'origine. Pourtant l'impact n'est pas aussi puissant. La violence omniprésente dans le film, est aseptisée dans LA scène qui doit marquer, qui doit nous faire comprendre que la résolution est d'une barbarie inimaginable. Or on ne le ressent pas ici. "Watchmen" n'est en tout cas pas un blockbuster de plus, mais un film excellent, qui tente sincèrement d'adapter le plus fidèlement possible le travail de Moore, en qui en l'état, atteint son objectif brillamment.

3 commentaires:

  1. Pour ceux qui ne sont pas des grands fanas des Comics, Watchmen est un excellent film. On n'y trouve pas la dimension un peu trop lourdingue de trop de films de super héros, mais au contraire, un aspect psychologique qui rend les personnages crédibles et vraiment attachants à leur façon.
    Une bonne surprise !

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  2. Salut Anonyme, et merci pour ton commentaire. Tout à fait d'accord, dans Watchmen, l'intrigue, très complète, n'est pas l'intérêt principal, c'est vraiment la richesse des personnages qui fait l'oeuvre.

    Et puis quand on pense que le roman graphqe est sorti en 86, quel uppercut pour a société américaine!

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  3. Franchement, moyennement d'accord :

    - hormis deux/trois musiques bien choisies (Bob Dylan dans l'intro en tête bien sûr), le choix des musiques a plutôt cassé l'ambiance originale pour ma part (mention spéciale à Hendrix, le bonhomme a rien à faire au moment d l'arrivée en Antarctique... Au flashback Vietnam, au pire...)

    - Très bons acteurs oui, sauf Sally Jupiter complètement à l'ouest, qui -à mon sens- fiche par terre le travail original pour communiquer au lecteur l'émotion de l'ex-justicière apprenant sa filiation

    - Le gros de mon désaccord sur l'article concerne le flashback de Rorschach : bon sang, quel besoin y avait-il de virer toute la trame entre le psy et Rorschach, jusqu'à cette fameuse scène elle-même tronquée honteusement, troquée même, pour quelque chose de bien moins frappant ? Aucune émotion pour ce moment-clé de l'oeuvre pour moi...

    Et puis, mot de la fin : les dialogues. Les répliques. Les intonations (bon, imputable beaucoup à la VF peut-être, je n'ai pas eu droit à la VO). Mince quoi, on va me traiter de fanboy, mais des répliques cultissimes de Rorschach, d'Ozymandias ou encore de Manhattant ont été changées de place sans besoin de bouger quoi que ce soit ici... Dans ma tête, les types du film ont dû se dire "merde, on doit bouger cette scène.. Mais fuck, cette réplique sonne trop bien, faîtes-la prononcer par un autre perso, on s'en cogne, il FAUT la dire ! Amazinnn' !"

    Alors quelle justification ? La longueur du film déjà trop importante pour tout respecter dans l'esprit ? Certes. Mais dans ce cas, on m'expliquera pourquoi avoir fait de deux fois une page (dans le comic) des scènes de cul de plusieurs précieuses minutes dans le film. C'est typiquement Blockbuster ça, bonhomme. :(

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