jeudi 14 avril 2011

Plaga Zombie

On le sait, la quête du film de zombies oblige le fan à supporter la vision d’une quantité de navets au budget dérisoire et sans aucune vision artistique. Ces productions sont souvent l’occasion pour des metteurs en scène sans personnalité de cachetonner à moindre coût en surfant sur l’engouement d’un certain public pour les méfaits de morts-vivants cannibales. La première image de ce Plaga Zombie donne immédiatement le ton, avec un logo de production franchement amateur mais très drôle, qui rappelle les fameuses têtes réduites ritualisées par certaines tribus d’Amérique du sud. Mais au-delà de cet aspect à priori peu ragoûtant, c’est surtout l’esprit de camaraderie qui en émane qui interpelle. Cette zomédie est en effet une véritable ode à l’amitié, et il est évident que les trois acteurs principaux sont des amis de longue date. Si on consulte leur filmographie, on constate qu’ils sont avant tout habitués aux courts métrages ou aux films destinés au marché de la vidéo. Néanmoins, Pablo Pares, qui fait également office de co-réalisateur, a eu l’occasion de tourner avec Faye Dunaway, preuve qu’il a su se faire un nom, même modeste. Un avenir qui n’était pas forcément évident à la vue des premiers plans de ce Plaga Zombie. Dire du trio argentin qu’il ne dispose pas d’un budget conséquent relève du doux euphémisme tant la qualité de l’image est risible et les décors limités. Pourtant, cet aspect repoussant est immédiatement compensé par une volonté d’expérimenter visuellement. En effet, les deux réalisateurs multiplient les travellings audacieux, rappelant dans une certaine mesure la folie visuelle des deux premier Evil Dead de Sam Raimi. Dès la première scène, on a l’impression que la caméra est toujours en mouvement, se déplaçant au gré de travellings amples. L’utilisation d’un objectif grand angle donne également beaucoup d’intensité à certaines menaces. Ce plaisir à filmer est évident et contraste nettement avec l’image digne d’un vieux caméscope, qui est certainement ce que l’équipe a employé. Le jeu des premiers acteurs ne trompe pas par contre. Leurs éclats de rire pervers donne presque l’impression d’être dans un vieux film de kung fu comme Thundering Mantis avec Leung Kar-Yan, sensation renforcée par l’emploi de contre-plongées pour appuyer la malveillance des agresseurs. Mais les réalisateurs sont conscients des limites de leur travail, et plutôt que de se laisser freiner, ils vont les exploiter pour alimenter l’humour du film. L’apparition d’un extra-terrestre dont le masque semble être fait en papier mâché est tout simplement hilarante, non seulement à cause du costume, mais aussi grâce au jeu de l’acteur qui se déplace et se tourne avec une fureur aussi inquiétante que drôle. Ce comportement compense d’ailleurs avec l’image habituelle de l’être intergalactique se déplaçant calmement mais sûrement.




L’humour est donc particulièrement décalé, mais fonctionne très bien. En effet, Plaga Zombie prend à contre-pied les productions du genre. Plutôt que d’assener une introduction interminable et de cacher les zombies le plus longtemps possible, l’équipe limite les scènes d’exposition au maximum et réintroduit les morts-vivants après quelques courtes minutes. Ainsi, le langage est avant tout visuel, ce qui assure un humour compréhensible par tous. Les quelques dialogues sont malgré tout très drôle. Il suffit d’entendre l’armoire à glace Berta Muñiz déclarer très sérieusement en espagnol qu’il s’appelle « John West » et qu’il est un luchador de catch pour être frappé par l’ineptie des discussions. Dans un premier temps, on a l’impression d’assister à des scènes de soap opéra (avec le héros traumatisé, l’ami malade…) et on se demande si le jeu des acteurs est volontairement excessif. Puis on comprend qu’il s’agit bien de se moquer de ce genre de divertissement. Passée cette introduction des protagonistes, les dialogues vont devenir de plus en plus incroyables, notamment grâce à l’inoubliable John West et sa tenue léopard de catcheur. Affublé d’un chapeau de cow-boy et ayant l’allure de quelqu’un qui a passé plus de temps à manger qu’à faire du sport, il bénéficie d’une réelle présence à l’écran malgré un physique ingrat. A tel point qu’il devient sans mal le personnage le plus attachant du trio, grâce à sa conviction d’être invincible. On le verra ainsi refuser une arme à feu en expliquant que ses bras et ses jambes sont ses armes. La folie n’est donc pas uniquement visuelle. Elle est globale. Une approche aussi expérimentale du cinéma et de la narration rappelle un autre film de Hong Kong, le surprenant Too Many Ways To Be Number one. Mais malgré cette énergie et l’approche comique, il s’agit bel et bien d’un film de morts-vivants amateurs de sang, et de ce point de vue, l’équipe se montre généreuse. Certaines petites productions transpirent le manque de moyens, mais disposent d’effets gores très réussis. Ce n’est pas le cas de Plaga Zombie, dans lequel même le chewing gum mâché est mis à disposition pour représenter des lambeaux de chair explosant dans tous les coins de l’écran. Mais loin de paraître ridicule, cette inventivité donne un cachet au film et témoigne de la volonté des réalisateurs de faire leur zomédie à tout prix, en donnant au spectateur ce pour quoi il regarde. Et effectivement, les goules ne se contente pas d’arriver très tôt, elles ne quittent plus l’écran jusqu’au générique de fin. Passées les 20 premières minutes, le film se résume presque à une succession d’affrontements entre notre trio et les nombreux zombies qui ont décidé d’investir leur maison. Le nombre limité de décors pourrait ainsi donner l’impression qu’il s’agit d’un huis-clos, mais l’action omniprésente et la course effrénée des héros ne limite jamais le cadre. Il y a malgré tout un véritable sentiment de claustrophobies lors de certaines scènes où les figurants s’entassent dans de petits couloirs, donnant du relief à la menace que peut représenter un groupe, même réduit, de zombies.


Ces réunions de morts-vivants sont l’occasion de constater que les maquillages sont franchement inégaux. Aucun zombie ne se ressemble, ce qui est un peu dommage, car il manque une unité. La plupart sont peinturlurés de vert ou de jaune, mais aussi de substances visqueuses comme le fameux chewing gum mâché déjà évoqué. Le sang est un peu plus convaincant, mais il est évident que les moyens en limitaient la quantité. C’est plutôt dans leur comportement qu’on reconnaît les zombies. Leur démarche est mal assurée, même s’il leur arrive de courir, et ils avancent en balançant les bras et en gémissant bêtement. Certains de leurs comportements sont par contre plus surprenants, comme lorsqu’un groupe joue au poker, ou quand l’un d’eux piège un livreur de pizza qui regrettera d’avoir apporté sa boite en carton. On retrouve l’idée des voyous zombies qui harcelaient une victime vivant et continuent de le faire une fois mort, comme dans Zombie Academy avec Scott Grimes (avant qu’il ne devienne médecin dans la série Urgences). Ce qui conduira d’ailleurs à l’une des scènes les plus perturbantes qui voit un des héros se faire vomir dessus par cinq ou six zombies. Ces derniers essaieront ensuite de le découper avec une vieille tondeuse à gazon, un peu comme sir les morts-vivants de Braindead cherchaient à se venger du sort qui leur avait été réservé dans le film de Peter Jackson. Autre affrontement surprenant, un combat de catch entre le luchador John West et un zombie, précédé d’un duel de regard digne des westerns de Sergio Leone. A ce titre, l’absurdité des dialogues et le côté très cartoon de la violence fait penser à la parodie des films de Leone qu’on pouvait trouver dans Rubriques à Brac de Gotlib. Têtes éclatées à mains nues, seringues remplies de sérum anti-zombies volant avec un effet d’animé japonais, sécateurs arracheurs de tripes dégainés comme des revolvers ou gros plan sur des rots constituent le plat de résistance d’un divertissement généreux et enthousiasmant. Certains plans sont aussi dégoûtant qu’ambitieux, comme cette vue sur l’intérieur des tripes d’un zombie qu’un héros va triturer à mains nues. Faire le descriptif de la demi-heure non stop de violence remplirait l’amateur de joie (à condition qu’il se prépare aux effets franchement amateurs), mais il vaut mieux se lancer dans l’aventure pour avoir la joie d’en découvrir le contenu. La fin est surprenante mais drôle, et donne réellement envie de voir la suite, ce qui est toujours bon signe.



Rarement évoqué par les fans, Plaga Zombie semble pourtant avoir été vu par certains cinéastes. On retrouve ainsi le ton résolument comique que reprendra Shaun Of The Dead (ce dernier se rapproche en effet plus de Plaga Zombie que de Return Of The Living Dead), mais aussi le mélange entre extraterrestres et morts-vivants qui sera la base du scénario de Undead. Véritable bouffée d’air dans une production submergée par les immondices cinématographiques, Plaga Zombie est une curiosité enthousiasmante, très intéressant du point de vue de la mise en scène, et réellement divertissante malgré les effets spéciaux que vous pourriez reproduire avec le contenu de votre cuisine.

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