mercredi 29 septembre 2010

Silent Hill - Homecoming

L’annonce de la dissolution de la silent team après le 4ème épisode de la saga n’a plu à personne. L’annonce d’un épisode sur les consoles next-gen par un studio américain indépendant a enragé un grand nombre de fans. « La honte du survival horror » et autres expressions du genre pullulaient déjà sur le net avant même que le jeu ne sorte. Les commentaires témoignant de l’anti-américanisme primaire dont nous français nous sommes fait les champions étaient également innombrables. Comment s’étonner dès lors de l’accueil glacial réservé au jeu ?
Une des invectives les plus amusantes concernait la peur, provoquée par « le sursaut facile », parce que les américains ne savent pas utiliser la peur psychologique comme les asiatiques, en particulier les japonais, blablabla…. Une accusation un peu hypocrite puisqu’il suffit de naviguer un peu sur n’importe quel forum dédié à la saga pour lire le conseil « joue dans le noir avec un casque sur les oreilles pour avoir peur ».
Si l’expérience Silent Hill a toujours été viscérale et l’horreur, la vraie, plus intérieure que spectaculaire, la peur est basée sur le sursaut facile et les bruits très forts depuis le premier épisode, et la silent team ne s’est jamais privée de ce genre de procédé.


Cette nouvelle fournée, entamée en 2007 avec l’épisode « Silent Hill Origins » sur psp, abandonne la numérotation au profit de sous titres intéressants. Homecoming raconte le retour au domicile d’Alex Shepherd, jeune soldat blessé au front. Le principal défaut du jeu est manifeste dès les premières images : les emprunts sont nombreux. « L’échelle de Jacob », drame psycho-horrifique d’Adryan Lyne est une source d’inspiration avouée de la série. Le 3ème opus le cite d’ailleurs explicitement en nommant sa station de métro Bergen Street, comme dans le film. La scène d’ouverture de Homecoming est presque une reproduction de l’une des scènes les plus marquantes de « L’échelle de Jacob ». Les emprunts aux précédents jeux sont également nombreux, ce qui donne parfois l’impression d’assister à une sorte de best of de la série, d’autant que la recette diffère peu.


Pourtant, cet épisode est loin de manquer d’identité. Pour commencer, les caméras fixes sont abandonnées au profit d’une jouabilité adaptée aux deux sticks, où le joueur contrôle la caméra. Ce parti-pris moins esthétique (mais complété par des scènes cinématiques à la mise en scène plus cinématographique) permet une meilleure lisibilité de l’action, plus intense que jamais. Alex étant un soldat, il est habitué au maniement des armes et aux techniques de combat au corps à corps, l’utilisation du couteau de combat étant à privilégier. L’originalité vient d’un système d’esquive qui, une fois maitrisé, promet des affrontements prenants. Ainsi, l’accent n’est plus sur la fuite comme dans les autres épisodes, ce qui de ce point de vue fait de Homecoming l’opposé de « Silent Hill : Shattered Memories » qui lui ne permet pas d’affronter ses poursuivants. Ce changement d’orientation ne fait pas de « Silent Hill Homecoming » un simple jeu de shoot, le sentiment d’oppression est toujours présent, et l’irruption des créatures est toujours aussi angoissante. De plus, l’esquive ne s’emploie pas de la même manière selon les ennemis, ce qui oblige à réadapter sa technique, empêchant de totalement se sentir à l’aise dans les combats.

La maniabilité est très fluide, et même si en hard le challenge est un peu plus ardu, la difficulté reste très accessible. Mais ce sont surtout les affrontements contre les boss qui resteront en mémoire. Intégrés de façon très pertinente à l’histoire, ils bénéficient d’une recherche esthétique très convaincante. A ce titre, on est confronté aux boss les plus impressionnants de la saga (avec le formidable pyramid head). Chaque duel est précédé d’une scène cinématique qui introduit la thématique du personnage et sa transformation. Scarlett (très coriace en hard) restera le plus marquant tu jeu. La musique contribue à l’ambiance décalée et perturbante, et le combat, qui se déroule en plusieurs étapes, est très éprouvant.
La mise en scène est d’ailleurs d’un niveau qui compense le manque d’éclat technique. Sans être une prouesse, Homecoming reste tout à fait honorable, grâce à des décors poisseux comme on les aime, et à des jeux de lumière très réussis, comme dans cette scène en enfer. La transition vers la dimension altérée est directement reprise du film de Christophe Gans et assure un rendu cinématographique du plus bel effet.


Scénaristiquement, le jeu parvient à installer l’ambiance étouffante de silent Hill avant même qu’on soit amené à en fouler le sol, grâce à une trame bien plus intéressante qu’il n’y parait. Comme dans le troisième épisode, on ne se rend dans la ville que tardivement, et comme dans le quatrième jeu, son influence morbide s’étend bien au-delà de ses limites géographiques. Chronologiquement, Homecoming se déroule presque en parallèle de « Silent Hill Origins », comme en témoigne l’apparition éclair du héros du jeu psp, Travis. Ici, le choix du protagoniste est excellent, c’est réellement de son intimité qu’il s’agit, mais son histoire s’intègre naturellement à la mythologie des lieux, enrichie de façon astucieuse. Les autres épisodes privilégiaient généralement la psychologie du personnage ou l’occulte (ces deux éléments ne se rencontrant jusque-là que brièvement). Le mélange des deux fonctionne tout à fait, et même si certaines scènes ont un air de déjà vu, l’histoire dispose de quelques idées inédites très originales. La scène de confession reprise du troisième épisode m’a parue ici mieux intégrée à l’histoire et plus forte thématiquement.


Le retour à la maison d’Alex est teinté de mélancolie et de souffrance. La solitude dans un cercle familial classique est touchante, et on s’attache rapidement à ce personnage très humain. La scène où il rentre chez lui est particulièrement intense, car riche en émotions. L’ambiance y est lourde, et on sent le poids des non-dits, exprimé sans grands effets, par des dialogues qui n’ont pas peur de jouer sur les silences. L’aspect intimiste de l’histoire rend d’ailleurs les révélations très efficaces. A ce titre, l’incursion d’ennemis humains a provoqué le courroux des joueurs. Hors, cette « hérésie », qui nous rappelle que le pire monstre n’est pas toujours celui qu’on croit, est en cohérence avec le propos. Elle modifie également la dynamique du jeu, car il devient impossible d’anticiper la forme qu’adoptera le danger. L’angoisse n’en est que plus grande ! La tension ne retombera d’ailleurs jamais, grâce à une maitrise du rythme très équilibrée, entre passages calmes mains inquiétants et scènes d’attaque.

Les lieux visités ne sont pas d’une grande originalité, mais sont toujours exploités par les besoins de l’intrigue. Le lieu final en particulier, symbolise très bien l’enfoncement dans les secrets honteux d’une communauté pas si propre sur elle. Les fins multiples de la série sont extrêmement bien utilisées, changeant réellement le regard et la compréhension qu’on peut avoir sur le jeu. Shattered Memories était très riche de ce point de vue, mais ses différentes fins modifiaient le regard qu’on portait sur le personnage central, pas sur l’intrigue en elle-même. Ici, les interprétations peuvent être très différentes, sans pour autant sembler incohérentes ou trop en opposition les unes avec les autres. De plus, l’esprit de la saga y est toujours respecté.


« Silent Hill Homecoming » n’est pas un jeu exempt de défauts, on lui reprochera notamment son manque d’originalité ponctuelle et ses quelques emprunts. Néanmoins, l’équipe a su développer la mythologie de Silent Hill de façon intelligente, en nous faisant rentrer dans l’intimité d’une famille au destin aussi funeste que triste. L’ambiance est exceptionnelle, les affrontements intense, et l’expérience très forte. Un épisode qui a tout à fait sa place dans la saga.

jeudi 23 septembre 2010

Spider-man 2099

L’univers super-héroïque, quelle que soit notre maison d’édition de prédilection, s’apparente aisément à une mythologie. Dc et Marvel ont créé tellement de héros, à la notoriété plus ou moins importante, que les ramifications de ces mondes de légende deviennent parfois difficiles à distinguer. Et comme si la juxtaposition de dimensions parallèles ne suffisait pas (les « What If » chez Marvel et les « elseworlds » chez Dc), l’héritage des héros se projette également dans le temps.
Cette idée de continuation sans attache trop indélébile à la continuité a été exploitée par la société de Stan Lee lors du lancement de la ligne « 2099 ». On y assiste aux exploits de héros inspirés par ceux que l’on connaît au 20ème siècle, à l’aube du 22ème. Doom, Hulk, le punisher, les X-men et Ghost Rider ont tous eu droit à leur série. Les 4 fantastiques originaux se sont retrouvés expédiés en 2099 le temps d’une histoire modérément longue. Le personnage de Ravage et son combat écologiste voué à l’échec a même été créé pour l’occasion. Mais si l’un des personnages du futur a su s’attirer les faveurs du public, il s’agit bien de Spider-man 2099.



Si un héros comme Batman est porteur d’une symbolique personnelle lourde de sens qui rend la passation difficile (mais pas impossible, même thématiquement, comme on a pu le voir récemment), Peter Parker a élaboré son identité de scène en fonction de ses pouvoirs avant tout. Et même si c’est le meurtre de son oncle qui l’a fait passer de showman à héros responsable, Spider-man est surtout associé à des pouvoirs rappelant les facultés d’une araignée.
Les capacités surhumaines de Spider-man 2099 ne sont pas exactement les mêmes que celles de son modèle. Au sens d’araignée se substitue une vision accélérée qui lui permet de réagir avec vivacité face au danger. Il est également capable de produire sa toile organiquement, ce que Peter Parker n’a été en mesure de faire qu’à quelques occasions précises (costume noire, captain universe, ou le run lamentable de Jenkins avant que cette idée ne soit rapidement abandonnée). Comme l’original, il peut adhérer aux murs et possède une force accrue. Mais le personnage en lui-même est radicalement différent, et son combat n’est pas le même.

Miguel O’Hara est un scientifique d’origines irlandaises et mexicaines, travaillant pour la corporation la plus puissante des Etats-Unis, le groupe Alchemax. Ses recherches portent sur le sérum du super soldat à l’origine de la création de Captain America. Arrogant et cynique, le personnage n’a pas que des amis, loin de là, ce qui ne l’empêche pas de manifester un sens aigu de la morale, comme le prouve son refus de tester le sérum sur des humains sans être certain qu’il n’est pas nocif. Piégé par son employeur, Tyler Stone, il va être amené à mener l’expérience lui-même, mais tout ne se déroulera pas comme prévu, à cause des manigances d’un rival. Sa mutation ne passera pas inaperçue, et sera l’objet de toutes les convoitises. Loin d’être un héros né, c’est par la force des choses qu’il va devenir le symbole de la lutte contre la tyrannie des corporations, qui profitent des inégalités sociales.

Car l’univers de science-fiction n’est pas qu’un habillage dans la ligne 2099, et on revient aux fondements du genre de l’anticipation, aux côtés des « Soleil Vert » et autres « 1984 ». Le contrôle est omniprésent, la vie privée inexistante.
Le costume du personnage, très esthétique et vraiment différent de celui de Peter Parker, est lié à ses origines mexicaines et à la fête des morts. Il le portera dans un premier temps afin de conserver son anonymat, poursuivi par un mercenaire qui suit sa trace énergétique suite à l’expérience, sans réelle intention d’en faire ses couleurs. Ce n’est d’ailleurs que tardivement que O’Hara acceptera de se faire le défenseur du peuple. L’acceptation de l’uniforme se fera en parallèle de son éveil politique.


Le titre étonne par sa maturité, et en seulement une quarantaine d’épisodes, les thèmes abordés sont aussi variés que riches. On se rapproche plus du Daredevil d’Ann Nocenti que du Spider-man de J.M Straczynski, intéressant mais clairement autocentré. Luttant d’abord pour sauver sa vie, Spider-man 2099 va être confronté à la misère de la ville basse. En effet, les buildings aériens et futuristes de la ville haute ont été construits sur les vieux immeubles de l’ancienne ville. Rapidement, les écarts économiques se sont creusés, et les habitants d’en bas doivent aujourd’hui lutter au quotidien pour survivre, entre les guerres de gangs et les difficultés à se nourrir. Toujours sans concession, les problèmes graves du cannibalisme et de la nécrophagie sont abordés. Le ton adulte n’est jamais gratuit, et se l’évolution thématique se fait logiquement. Les dangers d’une vie purement virtuelle et l’importance de l’écologie seront également des sujets marquants, assurant à la série une profondeur à laquelle Peter Parker n’a jamais pu aspirer (même si la série originale possède quelques épisodes inscrits dans une réalité sociale inquiétante).

Mais au-delà de ce contexte fort, la richesse du titre vient de ses personnages. Avant d’être le récit d’un super-héros en devenir dans un univers de science-fiction d’anticipation, « Spider-man 2099 » est un récit intimiste. Rarement les seconds rôles auront été autant mis au premier plan, et ce tout au long de la saga. La construction familiale chaotique, qui aurait pu virer au soap opéra, donne lieu à des scènes puissantes. C’est d’autant plus vrai qu’on s’attache à ces personnages qui n’ont rien de saints et ne tombent jamais dans le manichéisme. Les non dits familiaux, le poids des secrets et les rivalités sont exploités avec beaucoup d’intelligence et constituent l’épine dorsale d’une histoire qui se construit de façon cohérente sur la durée. Les coups de théâtre et retournements de situation sont nombreux, mais ne paraissent jamais excessifs ou hors de propos.


De fait, on assiste à une véritable évolution de l’ensemble des personnages, et de leurs relations, qui reste toujours crédible. Ce fil rouge narratif immerge le lecteur et favorise son addiction. Le fait que le créateur de la série, Peter David, ait officié sur la quasi intégralité des épisodes n’est certainement pas étranger à cette réussite narrative. L’auteur s’est beaucoup investi dans cet univers, et sa collaboration avec le dessinateur Rick Léonardi (qui a dessiné la majorité des épisodes, mais maheureusement pas tous) contribue à offrir des repères au lecteur qui apprend réellement à connaître Spider-man 2099. Malheureusement, Marvel a mis fin à la ligne en 1998, à cause de la chute des ventes.

Certains points narratifs n’ont donc pas été menés à terme. Avant de supprimer les séries, la maison des idées a décidé d’offrir une vraie fin à cet univers passionnant. L’arc « World Of Tomorrow » et l’épisode « Manifest Destiny » mettent donc un point final à l’univers 2099, révélant les destins de tous les personnages. Si Spider-man est un peu en retrait dans ces histoires, Miguel O’hara est celui dont le rôle sera le plus important, preuve de sa grande popularité. Il atteindra presque le statut de dieu en fin d’histoire, continuant son combat pour la justice et le respect, tant de l’humain que de la planète.



Mais Peter David n’en avait pas fini avec son personnage, et l’a fait apparaître le temps de 3 épisodes dans la série « Captain Marvel ». L’une de ses apparitions majeures reste sa participation à l’excellente série « Exilés », le temps d’une trentaine d’épisodes. Rejoignant l’équipe dans ses voyages d’une dimension à l’autre, Miguel finira par trouver la paix et continuera son chemin auprès de celle qu’il aime. Si on apprécie de retrouver un personnage si charismatique, on regrettera qu’il soit écrit comme un clone de Peter Parker.

L’occasion la plus récente qu’aient eu les lecteurs de voir Miguel, est le lamentable crossover Timestorm 2099 (qui aura droit à sa propre critique), qui ne fait jamais justice au personnage, et modifie de façon ridicule son histoire, supprimant tout ce qui rendait Miguel unique et passionnant.

Les amateurs de jeux vidéos ont eu l’opportunité de l’incarner pour la première fois (même si on pouvait porter son costume dans d’anciens jeux, c’était toujours sous les traits de Peter Parker) dans le jouissif (et bientôt critiqué) « Spider-man Shattered Dimensions ».

Toutes les qualités énumérées jusque-là peuvent expliquer l’attachement à la série. Mais l’attachement au personnage vient de sa grande humanité. Miguel O’hara n’est pas un bon samaritain proche du saint comme Peter Parker. Il n’est pas gentil avec tout le monde, il ne se creuse pas un ulcère à chaque décision, et il lui est même arrivé de tuer (par accident, mais il ne s’en est pas senti mortellement coupable). Arrogant, égoïste, c’est lorsque la réalité le frappera de plein fouet qu’il acceptera enfin d’ouvrir les yeux. Son évolution est crédible et très intéressante. La publication en parallèle d’une mini série « Young Miguel O’Hara » donne un éclairage très révélateur sur sa jeunesse et son cynisme. Loin de manquer d’humour, Miguel est bien plus sombre que Peter Parker et ressemble bien plus à un adulte. Il ne reste plus qu’à attendre son retour, en espérant revoir le VRAI Miguel O’hara, et non un clone de Peter Parker ou un adolescent sans substance.


Spider-man 2099 est une série exceptionnelle, qui mérite largement d’être découverte et redécouverte.

lundi 20 septembre 2010

Silent Hill : Shattered Memories

Lorsque les premières annonces d’un « remake » de « Silent Hill 1 » sur wii nous sont parvenues, je n’étais pas vraiment emballé. Redécouvrir ce classique avec des graphismes et une jouabilité améliorés constituait un argument indéniable, mais j’aurais préféré voir un remake HD sur xbox 360. Et les annonces de changement ne me plaisaient pas. L’univers distordu, rouillé et malsain abandonné au profit d’un monde glacé ? Pourquoi ? Plus d’armes pour se défendre et la fuite comme seule option ? On fuyait de toutes manières plus qu’on ne combattait dans les précédents opus, tu parles d’une révolution.


Puis l’annonce d’un nouvel épisode lors de l’E3, ainsi que les déclarations liées à la production d’un deuxième film adapté de la série a ravivé mon intérêt. Pourquoi ne pas m’intéresser davantage à ce jeu wii pour patienter ? J’ai donc lu les tests avec plus d’attention. La tournure résolument psychologique et même psychanalytique m’a interpellé. La machine était lancée, il me fallait faire l’acquisition de « Silent Hill Shattered Memories ».

Pour une saga dont l’ambiance constitue l’un des atouts majeurs, Silent Hill se doit d’immerger son public dès les premiers instants, et ce quelque soit le média adopté. Le studio anglais climax, à qui l’on doit le sympathique mais sans surprise « Silent Hill Origins », a rempli cette condition brillamment. Il suffit de voir la vidéo introduisant le menu du jeu pour comprendre qu’on va vivre une aventure qui a une âme. L’amour qui unit Harry Mason et sa fille de 7 ans Cheryl est manifeste dès cette simple présentation, sans qu’on nous agresse avec de grands effets de mise en scène. Une simple vidéo de famille, à l’image granuleuse propre aux vieux caméscopes vidéos nous montre une scène de bonheur aussi simple que vraie.

C’est alors la rencontre de notre personnage avec un psychiatre qui va non seulement introduire l’intrigue, mais la rythmer. Les scènes dans le cabinet sont jouées en vue à la première personne afin de favoriser l’immersion. On a rapidement le loisir d’apprécier le souci du détail des décors, qui apportent une crédibilité indispensable aux environnements. Notre interlocuteur nous précise qu’il est heureux de nous voir nous présenter volontairement pour discuter des événements. Comme le précise le message d’information précédant le début du jeu : « ce jeu s’amuse autant avec vous que vous avec lui ». Effectivement, le psychiatre nous soumettra à chaque interlude dans son cabinet, des questionnaires, des tests visuels, et d’autres moyens de déterminer notre profil psychologique. Les choix que le joueur fait ont une influence immédiate : ils modifient des détails visuels, le physique d’un personnage, sa façon de s’adresser à nous… mais surtout, ils conditionnent la fin que chaque joueur rencontrera.


Ce bilan psychologique, aussi original que bienvenu, se montre d’une précision déconcertante, pour peu qu’on prenne la peine de répondre sincèrement. Et c’est bien là l’intérêt du jeu : vivre une expérience unique et propre à chaque joueur. D’autant plus qu’on reviendra à « Shattered Memories » avec plaisir, afin d’explorer les changements possibles, une rejouabilité loin d’être factice qui allonge sensiblement la durée de vie du titre. En soi, l’aventure n’est pas longue (une constante dans les Silent Hill), mais propose un rythme cohérent avec le propos. On n’a pas le temps de s’ennuyer, et le découpage scénaristique permet de recueillir les indices avec suffisamment de régularité pour qu’on puisse assembler les pièces du puzzle.

Trois phases de jeu différentes se suivent : les échanges avec le psychiatre, l’exploration d’un lieu, et les poursuites. Car contrairement aux autres épisodes, les créatures n’apparaissent pas à n’importe quel moment, mais uniquement dans le monde glacé. Cette narration fracturée est tout à fait cohérente. Les scènes d’exploration nous plongent dans un Silent Hill enneigé et à l’abandon, aux allures de ville fantôme. On sera malgré tout amené à croiser d’autres personnes, qui auront une influence ou un rôle plus ou moins direct dans l’histoire. Les lieux visités sont conformes à ceux que l’on rencontre dans le premier jeu, puisqu’on va bien à l’école, à l’hôpital… mais aussi à certains endroits du troisième opus. L’architecture est par contre très différente, et le déroulement de l’intrigue n’a que peu de rapport. Ici, pas de culte religieux sadique, pas d’énigmes tortueuses, mais des recherches d’indices et d’objets de la vie quotidienne (bien souvent des clés). Ces investigations sont plus simples que celles qu’on a l’habitude de rencontrer dans un Silent Hill, mais ce parti pris est tout à fait pertinent. En effet, il s’inscrit dans un déroulement plus réaliste qu’à l’accoutumée, et évite de perdre le joueur dans la réflexion pure. Plus que jamais, c’est l’ambiance qui prime, et le jeu est teintée d’une mélancolie que les décors enneigés retranscrivent parfaitement. A ce titre, les apparitions fantomatiques et la recherche de souvenirs témoignant d’une implication émotionnelle forte dans un lieu donné approfondissent de façon poignante les thématiques du jeu.


Il faut dire que l’intrigue parvient à mêler l’intellect et l’émotionnel pur avec beaucoup de talent. Si le twist final est prévisible, c’est parce que la construction narrative nous y prépare de façon logique, sans que son impact en soit diminué, car l’histoire est magnifique. Le seul reproche que je formulerais de ce point de vue est de saborder une de mes nouvelles dont le dénouement est presque identique. Si l’enquête semble donc moins complexe que dans les autres opus, le récit est d’une profondeur peu commune, même pour un Silent Hill, faisant de « Shatetered Memorie » un épisode digne de la saga, à l’identité très forte. On ne peut que saluer les choix de Climax, qui parvient à surprendre après un « Silent Hill Origins » bon mais trop conventionnel pour faire date, et sans aucune prise de risque.

L’un des gros changements consiste à modifier le traitement de la dimension parallèle. Tout se gèle : décors, personnages… pour perdre le joueur dans des labyrinthes qu’on a déjà traversé, mais qui deviennent méconnaissable. On peut s’y repérer grossièrement grâce au gps de notre téléphone, mais certaines ouvertures praticables auparavant sont closes. De plus, utiliser le téléphone met souvent en position délicate. Les poursuivants, au design peu varié, sont d’une agressivité qui n’a d’égale que leur rapidité. Impossible de se défendre. Tout au plus peut-on les repousser quand ils s’agrippent. Se faire attraper revient à recommencer la scène à un check point. Ces scènes sont épuisantes et stressantes, et s’inscrivent avec beaucoup d’intelligence dans la thématique de l’histoire, un fait dont on prendra réellement conscience à la fin. Le look identique est également tout à fait logique. On apprécie de n’avoir d’autre solution que la fuite effrénée, même si certaines phases sont un peu frustrantes, notamment parce qu’il faudra d’y reprendre à plusieurs fois avant de trouver l’itinéraire adapté. De plus, ces passages ont le mérite de ne pas être trop longs une fois qu’on a compris le concept, et surtout de ne pas être trop nombreux.


Ces trois phases distinctes de gameplay sont entrecoupées de scènes cinématiques qui permettent de mieux connaître les personnages. On s’attache rapidement à ce nouveau Harry Mason, les phases de dialogue avec le psy renforçant cette identification. Les protagonistes secondaires sont également très humains. Mais les cinématiques proposent également des morceaux de bravoure spectaculaire, comme l’écroulement d’un pont très réussi. La mise en scène est toujours percutante, chaque mouvement de caméra ayant un sens. Aucune scène ne paraît superflue, et certaines sont vraiment marquantes, comme un passage dans une voiture où les vitres serviront de moyen de communication pour un résultat franchement glaçant. Il faut dire que l’atmosphère sonore est une fois de plus époustouflante, entre des bruitages effrayants et des musiques discrètes mais persistantes.

Le morceau final, chanté par Mary Elizabeth McGlynn, fidèle collaboratrice d’Akira Yamaoka est tout simplement magnifique. Il accompagne avec élégance une fin poignante, belle et surtout vraie. Les émotions ne semblent jamais factices, et quand le générique de fin résonne, on a la sensation d’avoir participé à un voyage intense, fort, et magique, teinté de nostalgie, de mélancolie même, un voyage bourré d’émotions qui poursuit.

« Silent Hill Shattered Memories » s’éloigne des recettes de la saga pour trouver sa propre identité, tout en respectant son essence, et en s’affirmant comme un vrai survival horror, à l’histoire maîtrisée et inoubliable.

Une expérience intense, que même ceux qui n’ont pas joué aux autres épisodes devraient découvrir.

samedi 18 septembre 2010

Battlefield baseball - quand des zombies jouent de la batte

Le cinéma japonais a eu sa période en France, comme les mangas, comme le cinéma de Hong Kong, comme… comme toutes les vagues éphémères qui conditionnent nos soirées en fait. Qu’on aime ou non ce genre de mode, on ne peut pas nier que le cinéma nippon est dépaysant, le traitement narratif étant très différent de ce à quoi nous sommes habitués en Europe ou aux Etats-Unis.



Il existe une véritable industrie de la vidéo, le v-cinéma comme l’appellent les japonais. L’un de ses représentants est le surprenant Takashi Miike. La popularité de ce type de films a rapidement eu des déclinaisons au cinéma, où on adapte la recette du petit budget et des restrictions multiples en tentant de capitaliser au maximum sur l’enrobage du produit. Des films comme « Machine Girl » et son gore outrancier, loin d’être des œuvres inoubliables, ont ainsi rapidement inondé les écrans, et le film de zombies est très vite devenu une source de création surexploité. Image dégoutante, gore à profusion, intrigue sans grand intérêt, les morts vivants ont bénéficié à la fois de la folie créatrice, mais aussi du je m’enfoutisme le plus mercantile, pour des résultats inégaux.

Yudai Yamaguchi, qui a commencé auprès de Ryhuei Kitamura sur "Versus" (le délire japonais ultime en matière de film de zombies) n’est pas encore un réalisateur confirmé lorsqu’il se lance dans la mise en scène de « Battlefield baseball ». Il se spécialisera dans le fantastique plutôt cracra, tout en manifestement continuellement un sens de l’humour qu’on pourrait qualifier de déstabilisant. En France, on connaît surtout de lui « Le bahut des tordus » (AKA « Cromartie High »), une comédie non-sensique au rythme délirant, des plus réjouissantes. Toutefois, le traitement narratif inhabituel en a agacé plus d’un. Il faut dire que quiconque s’attendant à suivre un film classique à l’intrigue linéaire et aux enjeux définis n’en a pas eu pour son argent. Succession de sketchs sans trop de rapports, et surtout de situations plus loufoques les unes que les autres, « Cromartie High » est très proche dans son traitement de ce « Battlefield baseball ».


L’intrigue est ici, à première vue, simple : un nouveau venu va s’offrir une réputation de champion dans son nouveau lycée grâce à une technique de baseball infaillible. Intégré dans l’équipe, il n’aura de cesse de participer à un match national de la plus haute importance. Il faut savoir que les héros ne mettront jamais les pieds au fameux match. On n’assistera pas non plus à un seul vrai match de baseball. Si le « Shaolin Soccer » de Stephen Chow présentait une vision délirante du football, on en retrouvait néanmoins les règles de base. Dans « Battlefield baseball », hormis l’utilisation de battes et la présence d’un stage, difficile de repérer un quelconque élément comparable à la pratique de ce sport.

Les matchs sont bien plus proches de la bagarre de rue générale que de l’événement sportif. Pas de ces combats à la chorégraphie millimétrée au centimètre près, mais des affrontements brouillons et énergiques, dans lesquels les techniques les plus fourbes sont de mises. Le traitement de ces rencontres est à l’image du film : complètement fou et bourré d’humour. D’ailleurs, les scènes d'action, peu nombreuses et courtes, misent avant tout sur le comique de situation. Cependant, on observe quelques éclairs chorégraphiques aussi courts que réussis, notamment un duel à coups de battes très fluide lors du climax. Ce n'est bien sûr pas le point fort du film, mais on apprécie toujours de voir l’énergie des acteurs.

A ce titre, Tak Sakaguchi, acteur chouchou de Ryuhei Kitamura et ancien bagarreur de rue joue les contre emplois avec brio. Ses talents dramatiques ne sont pas bouleversants, mais son look de rebelle et son attitude de bad boy lui ont toujours conféré une certaine présence, lui permettant d’interpréter les héros ténébreux de façon convaincante, comme dans « Versus ». Un peu vieux pour jouer les lycéens, il adopte un jeu très maniéré, multipliant les poses très mangas, et allant même jusqu’à pousser la chansonnette dans une parodie de drame lacrymale hilarante. Mais c'est surtout sa fameuse technique du "Jubeh special" qui impressionnera, en particulier lorsqu'elle sera mise à contribution pour rééquilibrer les chances dans le final, tant l'acteur est un joueur de baseball né (bien qu'il n'ait jamais pratiqué avant le film et ne se soit pas entrainé pour le tournage, de son propre aveu)...


L’ensemble des acteurs s’en donne à cœur joie, courant, criant et hurlant avec beaucoup de conviction. Personne ne remportera d’oscars, mais le travail est fait. La mise en scène est dans le ton, on sent que le budget est restreint, notamment parce qu’il n’y a que peu de décors, mais la multiplication des gags remporte l’adhésion et on ne s’ennuie jamais. Yudai Yamaguchi est un réalisateur qui ne s’embarrasse pas de conventions tant qu’il peut divertir, et il livre un travail très efficace à défaut d’être soigné. Difficile de prévoir la prochaine scène, et même si l’intrigue n’est pas d’une cohérence incroyable, elle fonctionne grâce à son ton délirant.

L’amateur de zombies appréciera le climax dans lequel personne ne sera dévoré, mais où l’affrontement devient complètement fou, avec cette équipe de zombies bleus énervés. Si les précédents matchs étaient déjà corsés, ici on franchit allègrement les frontières grâce à ce choix d’adversaires sans pitié. On appréciera le retournement de situation de type happy end qui singe les conclusions guimauves du genre.


Crétin, certainement, délirant, assurément, à voir, définitivement!

mercredi 15 septembre 2010

Automaton transfusion

Datant de 2006, « Automaton Transfusion » est un petit film indépendant qu’il semble bon de dénigrer. Non, ce n’est pas assez fort. Il faut cracher dessus, et le piétiner pendant qu’il ramasse ses lunettes ! Non mais ho, un petit film d’horreur au budget dérisoire qui essaie de nous divertir ?! Quelle prétention ! Remettons le à sa place et allons plutôt voir un chef d’œuvre qui nous parle de bonhommes bleus qui parlent aux arbres !


Vous l’aurez compris après cette petite introduction, je ne partage pas l’opinion générale à propos de ce film, pas plus que le fait qu’on encense Pocahontas au pays des martiens et son message écolo qui me paraît hypocrite. Cependant, le commentaire sur la jaquette est légèrement excessif....

Bien sûr, le film de Steve C. Miller ne peut prétendre à une quelconque récompense, et on ne sent jamais la patte d’un créateur bourré d’idées, pleinement maître de sa caméra. Mais le fait est que pour une petite production, le résultat est des plus satisfaisants. Pour commencer, on a droit à une photographie soignée, qui ne donne pas cet aspect bricolé au caméscope de mon papi qu’ont un grand nombre des direct to video.

D’autre part, même si la caméra frénétique et le montage sous acide ont clairement pour but de masquer le manque de moyens, le budget gore est très bien employé et donne un résultat jouissif. On appréciera également le grand nombre de figurants lors des scènes d’attaque des zombies, qui s’élancent en masse, comme dans « 28 semaines plus tard » ou « l’armée des morts » de Zack Snyder.

Le plus gros problème du film (en dehors de son manque de moyens), reste qu’il se présente dans sa première partie comme une très bonne surprise. Les attentes ne sont donc plus les mêmes qu’avant de visionner, quand on pensait assister à un petit métrage très mal fait, sans moyens, sans idées, et sans budget gore décent. Malheureusement, ces nouvelles attentes vont être la source d’une déception.


Si les morts inondent l’écran de rouge comme il se doit, et que les scènes sanglantes sont faites comme au bon vieux temps, avec des effets spéciaux maison, qui nous rappellent pourquoi le sang virtuel ne créera jamais le même effet que le ketchup et le sirop de grenadine, bien trop souvent, les confrontations sont avortées avant même d’avoir commencé. Les affrontements épiques annoncés ne durent jamais plus d’une seconde. Et si on peut comprendre que le budget ne permette pas d’accumuler les cascades de sang, on regrettera que la caméra vole dans tous les sens quand nos héros découpe du mort vivant. Si les exécutions restent généralement lisibles (on est loin de la bouillie visuelle d’un « Resident Evil Apocalypse »), le caméraman semble avoir exagéré sur la dose de café dans la deuxième partie, comme cette échappée au cours de laquelle le groupe tranche et découpe furieusement, qui ne dure qu’une vingtaine de secondes et donne sacrément mal à la tête.

Malgré tout, l’énergie de l’ensemble, ainsi que la faible durée du métrage procure un rythme démentiel, et l’ennui n’est jamais présent, contrairement à l’humour, qu’il soit volontaire ou non. On rit souvent du film, car le scénario est grotesque, enchaînant les scènes sans réelle transition, se contentant de balader les personnages à droite à gauche, sans que cela ne serve vraiment l’intrigue, et apportant une explication déjà vue et risible, quand il aurait été plus judicieux de ne pas en donner.

Alors oui, les défauts sont nombreux, non, le massacre n’est pas aussi important que le laissait augurer le grand nombre de figurants, mais non, « Automaton Transfusion » n’est pas le plus mauvais film d’horreur à petit budget jamais vu.


Le divertissement est au rendez vous, les amateurs de zombies auront la joie d’en voir des centaines, et le sang coule à flots au gré de maquillages franchement réussis. Une petite surprise dont il ne faut pas trop attendre, mais qui assure le show.

mercredi 8 septembre 2010

Silent Hill 3

Si « Silent Hill 2 » reste l’épisode préféré d’un grand nombre de fans, il n’est pas la suite directe du premier opus avec qui il n’entretient que peu de liens. Ce n’est par contre plus un secret pour personne que cette troisième aventure dans la fameuse ville reprend des personnages et des éléments de l’intrigue du premier jeu.



L’introduction donne immédiatement le ton : un parc abandonné, des cadavres d’hommes déguisés en lapin, des créatures difformes aussi bruyantes qu’agressives… il ne peut s’agir que d’un cauchemar ! Hypothèse confirmée par le réveil d’Heather, notre personnage, sur la table d’un restaurant. Après une rencontre insolite avec un détective affirmant avoir des informations sur les conditions de sa naissance, la jeune fille se retrouve prise au piège dans le centre commercial, à présent infesté de monstres. Dès lors, le vrai cauchemar, celui dont on ne se réveille pas, peut commencer.

Dès les premiers instants, on est subjugué par le travail sur l’image. Aujourd’hui encore, Silent Hill 3 impressionne graphiquement. Bien sûr, les textures manquent de finesse, mais les bâtiments (on évolue rarement en extérieur) ont fait l’objet d’un tel souci du détail qu’on ne peut qu’être impressionné. Certains environnements, comme l’hôpital parallèle, sont époustouflants. L’immersion n’en est que plus grande, et en conséquence, l’angoisse que plus étouffante. A ce titre, le choix de ne mettre que peu de passages en plein air est très pertinent, puisqu’il créé un sentiment de claustrophobie saisissant. Même les déplacements dans la ville contribuent à cette sensation, puisque le brouillard est tellement épais qu’on se sent inévitablement enfermé.

On pourrait penser que retrouver une fois encore les mêmes environnements est source de lassitude (on retourne non seulement à Silent Hill, mais aussi à l’hôpital, et on retrouve d’autres lieux déjà connus), mais l’arrivée dans la ville est tardive, puisqu’il faudra attendre la deuxième moitié du jeu avant d’en fouler le sol. Ce choix est une qualité mais aussi un défaut. Le parcours du combattant d’Heather pour rejoindre son domicile est beaucoup moins intéressant que sa quête de réponses. Les éléments d’intrigues se comptent sur les doigts d’une main et on se contente de déambuler en quête d’une sortie, en résolvant tout de même quelques énigmes relativement basiques, puisqu’il faut en général trouver un objet, repartir à un autre étage… A noter que les multiples retours en arrière sont facilités sur la version pc par la possibilité de sauvegarder sa progression à tout moment (ce qui reste une option à éviter car elle limite le sentiment d’angoisse que procure l’incertitude de pouvoir sauver sa partie), sauf pendant les affrontements contre les boss.

Les monstres sont de plus beaucoup présents que dans les jeux précédents, ce qui donne l’impression que l’action prend beaucoup plus de place, mais une fois de plus, on aura tendance à privilégier la fuite aux affrontements. La jouabilité ne favorise en effet pas les combats. Entre une caméra qui ne permet jamais d’anticiper les attaques et des commandes extrêmement pénibles (qu’on joue au combo clavier/souris ou au pad), on ne prend pas plaisir à croiser le fer. C’est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit d’affronter des boss qu’il faut attaquer dans le dos, ce qui ne se fait qu’au prix de manipulations aussi tortueuses que frustrantes.

Si on fait abstraction de ce gameplay perfectible, les combats ne sont dans l’ensemble pas d’une difficulté insurmontable, puisque même le combat final peut être réglé rapidement (avec la bonne méthode). L’action n’est de toute façon pas l’intérêt du jeu, même si elle est plus mise en avant, et fuir constamment contribue plus à l’ambiance que de faire face au danger. Dans tous les cas, il n’est pas rare qu’on hésite à lancer le jeu (pour peu qu’on joue dans des conditions adaptées, le soir de préférence, avec le son suffisamment haut…), tant certains passages sont éreintants. On ne sait jamais d’où le danger va venir, même quand un son nous avertit de la présence d’un adversaire.

Il est d’ailleurs plus intéressant de se demander d’où vient le danger que de l’affronter. S’agit-il réellement de monstres ? Heather est-elle saine d’esprit ? Des questionnements qu’on sera amené à se poser à plusieurs reprises, surtout lorsque l’intrigue va progresser de manière significative dans la deuxième partie. L’une des marques de fabrique de la série, les fins multiples, instaurées dès le premier épisode, favorise largement l’élaboration d’hypothèses. Néanmoins, il m’a semblé que ce troisième opus était moins intéressant de ce point de vue, moins dense en interprétations et en conclusions. Il n’y a en effet que deux vraies fins (plus une fin bonus hilarante) contre 5 pour le premier jeu, et généralement 4 plus une fin bonus pour les autres (sauf le quatrième qui possède quatre fin mais pas de fin bonus). De plus, ces deux fins ne diffèrent que d’un détail, sans changer le regard qu’on peut avoir sur une histoire plus linéaire que celles des autres épisodes.


En plus d’être moins riche, le récit impose une interprétation unique de l’histoire de Silent Hill 1 (inévitable), ce qui est un peu dommage. On a également un peu l’impression d’assister à une sorte de remake du 1, comme on pouvait avoir l’impression en regardant « Los Angeles 2013 » de voir un « NeW York 1997 » amélioré. L’intrigue est en effet assez similaire, tout comme le but du jeu.

Mais malgré ces défauts, Silent Hill 3 est un jeu à l’ambiance formidable, vraiment immersif et bourré de bonnes idées. Si le choix d’en faire une suite directe du premier peut être regrettable, il constitue également l’opportunité de voir l’après, de remettre en perspective l’aspect profondément humain des protagonistes (en opposition aux supers héros des « Resident Evil ») et d’approfondir certaines thématiques. Le personnage d’Heather est particulièrement intéressant, et son histoire est riche. Son évolution est manifeste, et on apprécie de pouvoir s’investir, comme lors de cette scène interactive de confession dans une chapelle (reprise presque à l’identique dans « Silent Hill Homecoming »). Mais au-delà des qualités d’écriture, c’est l’ambiance qui caractérise les Silent Hill. Et si cet épisode constitue un voyage émotionnel saisissant, c’est en grande partie grâce à une bande son inoubliable.




Akira Yamaoka compose des mélodies tout à fait appropriées et a su imposer son style tout au long des différents épisodes. Mais il ne faudrait pas oublier le formidable travail sur les bruitages, sources d’angoisse pétrifiante lors de certaines scènes et contribuant à rendre les ennemis terrorisant, alors même qu’on ne les voit pas. L’approche cinématographique imposée par le premier opus atteint ici un niveau proche de la perfection, même si ce parti-pris atteint rapidement ses limites en termes de jouabilité pure.

Continuation logique du premier jeu, Silent Hill 3 est loin d’être dénué de défauts, mais son identité et son ambiance en font un incontournable pour les fans de survival horror, qui entreprendront un voyage éprouvant et marquant.

mardi 7 septembre 2010

Silent Hill 1

Entre les 7 jeux sortis sur consoles et ordinateur, ceux édités pour le marché des smart phones, le film et les comics, la série des « Silent Hill » a acquis une reconnaissance importante, qui en fait l’un des titres les plus importants du survival horror. Et même si cette renommée n’est pas aussi grande que celle de « Resident Evil », avec ses complots, ses zombies, et ses intrigues plus proches de la série B (un aspect qui a poussé les adaptations cinématographiques dans des dérives parfois douteuses), la fameuse ville bénéficie aujourd’hui encore d’un attrait suffisamment flatteur pour qu’un deuxième film soit en chantier.


Afin de comprendre comment un tel concept peut être exploité dans tant d’histoires sans qu’on envisage d’y mettre fin, il faut remonter au premier épisode, édité en 1999 sur la playstation one. Alors que les joueurs PC ont déjà eu l’occasion d’être confrontés à l’horreur la plus totale avec « Phantasmagoria » (un jeu bénéficiant d’aventure point’n’click dont les personnages sont interprétés par de vrais acteurs, rendant l’horreur encore plus crédible), c’est la saga des « Resident Evil », démarrée en 1996 sur la console de Sony qui impose les codes du survival horror, genre aujourd’hui très apprécié. Angoisse, phénomènes paranormaux, surnaturel, morts-vivants… la recette peut rappeler certains jeux de shoot, puisqu’on manie des armes à feu, mais c’est plus du côté du cinéma fantastique que de la série B que le survival puise son inspiration (même si « Resident Evil 4 » et le cinquième opus se sont écartés de cette logique).

Néanmoins, l’intrigue reste relativement classique, et ce n’est pas un deuxième épisode sorti en 1998 qui changera les choses. Lorsque « silent Hill » est annoncé, beaucoup pensent à une sorte de plagiat de la série de Capcom. Mais dès les premières images, on comprend qu’on a affaire à un tout autre genre de terreur. Fini les gros bras armés prêts à démonter du zombie. Ici, le joueur interprète Harry Mason, un père veuf, qui amène sa petite fille de 7 ans, dans la petite bourgade de Silent Hill. Mais un accident de voiture plus tard, l’enfant a disparu, et il nous incombe de nous lancer à sa recherche.


Avant que Konami ne se décide à dépoussiérer le titre culte avec « Silent Hill Shattered memories » (une nouvelle version de l’histoire, finalement très éloignée du résultat de départ, plus qu’un remake), il n’existait pas de version améliorée du jeu. Quand on le compare aux sorties actuelles, on se rend compte qu’un jeu de 1999 a tendance à piquer les yeux. Les graphismes sont très laids et grossiers. Mais au-delà de cet aspect purement visuel, on constate surtout qu’il existe une ambiance incroyable, prenante encore aujourd’hui, grâce à un travail sur la mise en scène et l’éclairage tout à fait remarquable.

Le choix d’imposer une caméra est parfois pénible. Certaines séquences de jeu, associées à une jouabilité d’une rigidité incroyable, virent rapidement au calvaire (une constante dans la plupart des survival horror). Mais ce parti-pris offre une dimension qui dépasse le simple cadre vidéo-ludique et témoigne d’une ambition presque cinématographique (l’ascension du phare avec son traveling en plongée est vraiment audacieuse). Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Le joueur est réellement invité à vivre un film interactif, avec l’angoisse de voir le héros mourir à tout moment, puisqu’il en est l’interprète. Le système de sauvegarde (qu’on qualifierait d’archaïque aujourd’hui), consistant à se rendre à un point précis (et jamais connu à l’avance) avant de pouvoir sauver sa progression, participe grandement à ce sentiment d’urgence permanent.

On a réellement envie de vagabonder dans les rues, de trainer dans les couloirs des bâtiments, pour découvrir les preuves qu’il y a eu une vie. Car même si la ville semble abandonnée et que tout s’apparente plus au théâtre d’un désastre qu’à un petit coin tranquille, les créateurs ont bourré les lieux qu’on visite de petits détails qui animent l’ensemble. On croit à cette école, à cet hôpital (qu’on retrouvera régulièrement dans la saga). Mais l’angoisse d’être surpris par une créature difforme est telle qu’on est constamment sur ses gardes, prêt à fuir. On aura bien droit à quelques munitions, quelques armes de fortune, mais les affrontements sont déséquilibrés. Les créatures sont résistantes, et la jouabilité rigide fait qu’il faut attendre une bonne grosse seconde après avoir appuyé sur le bouton d’attaque pour voir le héros esquisser un geste (il faudra attendre le 5 ème épisode sorti sur les consoles HD pour corriger ce défaut, ce que beaucoup de joueurs ont qualifié d’hérésie). Bien sûr, cette jouabilité est source d’angoisse, mais elle crée surtout la frustration. On est donc partagé entre l’esthétisme de la mise en scène, et le côté peu pratique de la caméra (qui ne permet pas toujours de bien voir où se situent les agresseurs) et de la jouabilité.


Dans un premier temps touriste, puis père en détresse, l’anti-héros qu’est Harry Mason va progressivement être le témoin d’événements, de conversations, ne notes griffonnées, qui vont lui en apprendre davantage sur l’histoire de Silent Hill. A travers lui, le joueur se voit donner les éléments de l’intrigue au compte goutte, ignorant de quoi il retourne. Il faut un certain temps pour assimiler les révélations et les lier pour dénouer l’ensemble de l’histoire. Ce choix de narration est audacieux, on est loin de la narration linéaire d’un « Resident Evil », au scénario plus basique. Ici, on ne peut pas tout prendre au premier degré, comme en attestent les différentes fins, qui résultent de choix que le joueur aura eu l’occasion de faire au cours de l’aventure. On se rend alors compte que les niveaux de lectures sont multiples, et que chacun est libre de faire sa propre histoire. Même si cet aspect est un peu plus réduit lorsqu’on se lance dans le troisième volet, véritable suite du jeu (le deuxième n’ayant pas de rapport direct du point de vue des personnages).

Cette façon de respecter l’intellect du joueur a ouvert la voie à des jeux bien plus ambitieux en termes de narration et de mise en scène. Alors oui, « Silent Hill » porte le poids des ans graphiquement, mais son ambiance est telle, et l’implication du joueur est si importante, qu’il n’y a pas à s’étonner que la série continue encore aujourd’hui.

Un cauchemar où on rêve de se perdre à nouveau…

samedi 4 septembre 2010

Silent Hill - le film

Chirstophe Gans est un personnage fascinant. Ayant débuté en créant son fanzine, il démontre immédiatement un vif intérêt pour les films de genre, et se présente comme l’un des plus fervents défenseurs du cinéma de Hong Kong en France. C’est d’ailleurs lui qui a créé la collection Hk Vidéo, qui éditait des films en cantonais sous titrés français, encore (nettement moins) active aujourd’hui, avec quelques classiques enfin sortis en dvd dans notre contrée.



Sa première réalisation (si on excepte un court métrage), c’est l’une des trois parties distinctes du film « Necromicon », adaptation de récits de l’écrivain fantastique H.P Lovecraft. Cette première incursion dans le fantastique est assez bien reçue. Après une adaptation de manga visuellement splendide mais manquant d’âme (« Crying Freeman » avec Mark Dacascos), le réalisateur met en scène le fameux « Pacte des loups », plus connu chez nous. Samuel Le Bihan et Mark Dacascos chassent le loup du gevaudan entre deux affrontements kung fu dans le pur style de Hong Kong (Philip Kwok, responsable des combats étant directement issu de l’industrie de l’ancienne colonie britannique). Les réactions sont mitigées, mais les qualités esthétiques du film et la façon de mélanger suspense et horreur prouvent que Gans est un metteur en scène solide. On a malgré tout encore l’impression que malgré l’enthousiasme sincère de ses films, le français verse trop dans la citation, ayant du mal à s’affranchir de ses influences.

"Silent Hill", adaptation risquée d'une saga culte lui permet de trouver ses marques. Risquée par qu’il est toujours difficile de satisfaire à la fois les fans purs et durs d’une saga vidéo ludique aussi appréciée que celle-ci et le public moins familier des jeux vidéos. Les fanboys constituent un public exigeant, voire obsessionnel, comme le prouvent les menaces de mort proférées à l’encontre de l’équipe durant le tournage.

Indépendamment du public à qui le film s’adresse, il parait difficile de retranscrire la richesse de l’univers dépeint en un seul film, tant chaque épisode est unique et magnifique. En prenant le parti d'adapter librement principalement l’histoire du premier opus, Gans s'offre la possibilité de reprendre les autres épisodes à l'avenir, tout en se permettant des clins d'œil aux autres jeux (choix des créatures, prises de vues) bienvenus.
Loin d'être l'œuvre imperméable au non initié comme certains l'ont tant décrié, "Silent hill" s'apprécie néanmoins davantage en étant familier des jeux. Cependant, les différents niveaux de lecture (déjà présents dans les jeux) en font une œuvre mature et réellement intéressante, qui prend tout son sens dès le second visionnage.


Difficile en effet d'être réellement fixé dès la première fois, et Gans réussit à nous donner envie de revoir son film, sans qu'on ait l'impression de n'avoir rien compris. Il ne s'agit pas d'une arnaque qui prétend donner des sensations sans apporter de réponses, au nom de je ne sais quelle prétention cinéphilique. Et si tout n'est pas limpide, les différentes hypothèses que l'on peut formuler sur la fin notamment permettent d'approfondir les différents sens que l'on peut trouver à l'œuvre.
Visuellement splendide et très respectueux des jeux (on se croit souvent dans "Silent Hill 4: the room"), le film de Gans est bien sûr moins éprouvant et oppressant, ce qui permet d'éviter une classification trop rude, un parti pris certainement imposé par les studios qui espéraient attirer un public le plus large possible. Pourtant, on reste face à une œuvre loin d'être accessible à tout le monde. Il ne s'agit pas d'un survival horror à la "resident evil", dans le sens où il n'y a que peu d'action (ce qui est vrai également dans les jeux). On a plus affaire à un film d'ambiance, où l'horreur est davantage psychologique que visuelle.
Un parti pris digne des jeux et qui leur fait horreur, et même si on n'est pas pris de sursaut comme lorsqu'on joue le soir dans notre salon, les frissons nous assaillent lors de certaines scènes moralement difficilement soutenables.
Autre point positif: la direction d'acteurs. Moins connus que les précédentes stars avec qui a pu travailler Gans, ils donnent le meilleur d'eux-mêmes sans se livrer à des prestations iconographiques. Les créatures ne peuvent pas être considérées comme des acteurs, mais elles contribuent largement à rendre le film vivant. Les effets spéciaux dans leur ensemble sont très convaincants, on pense notamment à la transition entre le monde « réel » et le monde cauchemardesque, reprise récemment dans le jeu « Silent Hill Homecoming ». La photo est magnifique, la scène d’entrée dans la ville avec ce qu’on pense d’abord être de la neige étant réellement splendide. A ce titre, les premières scènes parviennent parfaitement à retranscrire l’atmosphère si particulière du premier jeu. La ville dans son ensemble n’est sans doute pas identique, mais est très proche du rendu des deux premiers jeux. Les prises de vue surprenantes ne sont pas étrangères à cette ambiance si proche des jeux.

Du point de vue de l’intrigue, des libertés ont été prise (Harry Mason devient Rose, disparition des pouvoirs télé kinésiques, Silent Hill devient une ancienne ville minière), mais l’essence du récit est respectée, pour un résultat final plus compréhensible, jouant moins sur les ambigüités et les non dits, tout en conservant une part de mystère tout à fait bienvenue, et ce jusqu’à la dernière scène.

"Silent Hill" divise, mais ne dit-on pas que c'est la marque des grands? En adaptant librement mais fidèlement un univers aussi riche, Gans parvient à retranscrire l'essence même de "Silent Hill", cette horreur plus cérébrale et donc plus effrayante que celle des autres survival, car elle revient nous hanter longtemps après... Il s’agit pour moi, d’une des adaptations les plus réussies d’un jeu vidéo, et d’un film réussi en tant qu’œuvre à part entière, à voir absolument.



A noter que Gans avait fait l’annonce d’une suite en préparation, en 2006. Après de multiples péripéties, il semble que le film soit toujours prévu (on ignore encore quel épisode de la série serait adapté), le tournage débutera certainement en 2011, le temps de voir les résultats de « Resident Evil : Afterlife 3d » et surtout que le scénariste Roger Avary sorte de prison.

mercredi 1 septembre 2010

The expendables - du cinéma tout en finesse

A quoi sert le cinéma ? Doit-il seulement être utile ? Peut-on même le réduire à une simple définition, à une simple conception passe partout ? Quand certains vont dans les salles obscures, d’autres estiment qu’il s’agit d’une forme d’art trop sérieuse pour y chercher uns simple échappatoire. Mais ce n’est pas à ces gens là que Sylverster Stallone s’adresse avec son The Expendables. L’acteur-scénariste-réalisateur n’a d’autre prétention que de divertir, et il ne s’en est jamais caché. Le casting à lui seul (qui représente 90% du marketing du film) est une affirmation de livrer un divertissement ultra calibré, explosif et décérébré.



Dès les premières images, on sent la volonté de livrer un produit soigné, avec ces motards roulant en pleine ville, avec l’utilisation du classique filtre bleu, puis l’insert d’une lune aussi gigantesque que cartoonesque (qui rappellerait presque celle de Saviour Of The Soul). La mise en scène donne immédiatement le ton : on privilégie la caméra à l’épaule un rien tremblante, certainement pour assurer l’immersion du spectateur et donner un semblant de réalisme à un spectacle qui se veut plus authentique que la mode des cascades sur fond vert avec utilisation de câbles.

Comme dans les bonnes vieilles productions des années 80 (qu’il s’agisse de celles de Hong Kong ou d’Hollywood), l’action démarre au quart de tour dès la 5ème minute, par une prise d’otages spectaculaire. C’est un Doph Lundgren déchaîné qui ouvre le bal avec un plan gore réjouissant, pour une fusillade d’ouverture décevante car trop sommaire. Pour ouvrir l’appétit, l’acteur suédois échange quelques coups avec un Jet Li handicapé par sa taille. C’est court, et il est difficile de juger de la qualité de ce mini duel, tant la mise en scène et le montage empêche de discerner qui fait quoi. Ce traitement visuel surprend. Un habitué des films d’action comme Sly devrait être capable de mettre en scène des combats lisibles.

Si le film ne perd pas de temps pour introduire son concept et son ton général, il présente également rapidement son casting : la plupart des « acteurs » font de la figuration, et on peut difficilement parler de développement des personnages. A part les personnages de Stallone et de Mickey Rourke, aucun ne peut se vanter de bénéficier d’une histoire (la sous intrigue amoureuse de Statham étant aussi inutile qu’ennuyeuse, et n’apporte rien à la construction du personnage). Bien sûr, nul n’attend d’un film comme The Expendables un scénario ultra développé (s’il existait une personne qui cherchait une histoire bien écrite, elle serait très déçue). Non, la force de cette réunion de castagneurs se trouve justement dans ses stars, qui ne sont pas là pour interpréter un rôle, le faire vivre, mais bien pour se montrer et jouer sur leurs rivalités/amitiés.


La fameuse scène entre Sly, Willis et Schwarzenegger en est le meilleur exemple. A l’image du reste du film, elle tente de jouer sur un 2nd degré tellement balourd qu’il pourrait en être gênant. Bien sûr, le spectateur nostalgique de la grande époque des années 80 s’amusera de cette rencontre totalement gratuite, mais à l’image de la plupart des scènes hors action du film, elle apparaît réellement superflue. Sly réalisateur sait qu’il veut divertir, mais il semble dépassé par son projet et a bien du mal à suivre une ligne directrice franchement sans intérêt. N’ayant rien à raconter, et ne pouvant pas livrer une scène d’action d’une heure trente, l’artiste enchaine pendant une heure des scènes d’un intérêt discutable. L’action y est peu présente, et techniquement, malgré quelques effets visuels recherchés, on a plutôt l’impression de regarder un téléfilm à gros budget.

Le casting est d’ailleurs très peu exploité durant cette première heure, où seuls Stallone et Statham ont droit à un temps de présence à l’écran décent. Il y a bien une tentative d’apporter un peu de fond à l’entreprise, par le biais d’un Mickey Rourke (ultra charismatique en biker) en mode The Wrestler, mais ce passage est en total décalage avec le reste et n’a aucune justification narrative.


Arrive alors le dernier tiers qu’on espère salvateur, et où l’action va prendre le dessus. Jet Li, qu’on a eu l’occasion de voir 5 minutes jusque-là, réapparaît enfin. L’acteur confirme l’impression de départ : il est très mal à l’aise sur le tournage et ne sait pas trop quoi faire. On a presque l’impression qu’il a abandonné l’idée de faire quoi que ce soit, et il semble s’ennuyer. Qu’on aime ou non les films occidentaux de Jackie Chan, l’acteur a su dépasser le stade du petit chinois paumé (même si cet aspect est exploité constamment) en ajoutant sa patte personnelle, en exportant son rôle. Jet Li, plus humble et moins star, a par contre eu plus de mal à trouver ses marques, et il n’a pas su imposer sa marque de fabrique aux Etats-Unis. De fait, seul Louis Leterrier a su dans son Danny The Dog (indépendamment des qualités qu’on peut trouver au film) offrir un rôle permettant à l’acteur d’explorer un aspect bien plus émotionnel de son talent, mettant en opposition avec beaucoup d’efficacité sa candeur et l’explosivité de son style martial.


Comme pour les autres acteurs, on sent la volonté de jouer sur le double discours (avec de gros sabots en béton, comme ceux que la mafia enfilerait aux pieds d’un malheureux ayant oublié de rembourser sa dette) Jet réclamant sans cesse davantage d’argent. Outre la mise en relief de son caractère remarquable au milieu de ces colosses échappés d’un Gears Of War, on peut se demander s’il ne s’agit pas d’un clin d’œil à son refus de participer aux deux suites de The Matrix, justifié par un salaire bien plus « petit » que celui proposé aux acteurs principaux du film. Sans aucun autre développement que ces quelques phrases, son personnage, comme celui de la plupart des acteurs n’est qu’un corps destiné à distribuer les mandales. Ce qui nous amène à un second duel, plus long, contre Dolph Lundgren. Et de ce point de vue, c’est la déception. La mise en scène très hachée de Sly ne met jamais en valeur une chorégraphie de toutes manières basique et sans éclat. Vite expédié, l’affrontement bénéficie malgré tout de quelques bonnes idées : exploiter la différence de carrure des adversaires notamment dans l’utilisation de l’environnement, et la rendre crédible dans l’issue du combat.


Cette dernière partie démarre donc fort, entre ce duel pourtant décevant, et une poursuite en voitures qui donne mal à la tête, mais dont les cascades sont spectaculaires. On a finalement droit à un assaut type commando aussi classique qu’efficace, puis vient le long climax en deux grosses parties. Tout le monde s’en donne à cœur joie, à coups de poings, de pieds, et de couteaux (d’où quelques débordement ultra gores très réjouissants). La mise en scène et le montage ne sont pas brillants (on a souvent du mal à discerner qui frappe qui), mais sont plus maîtrisés que ce qu’on a vu auparavant, ce qui permet d’apprécier le spectacle. Cette baston générale constitue le morceau de bravoure du film, et il est difficile de ne pas se réjouir devant une telle brutalité où les coups s’échangent avec tant d’enthousiasme. C’est bien simple, ça frappe de tous les côtés.

Vient ensuite une fusillade moins sommaire que celles auxquelles on a assistées jusque-là. La qualité va d’ailleurs aller crescendo, notamment lorsque Statham alterne coups de feu et coups de couteau, pour un résultat jouissif. Même Eric Roberts (en mode parrain de The Dark Knight) va s’en donner à cœur joie. C’est un véritable feu d’artifice, d’ailleurs la majorité du budget en effets spéciaux a du passer dans l’explosion finale.


Pour clore la boucle, Sly termine son film par une réunion de nos expendables à la bonne humeur communicative, laissant une impression sympathique au spectateur. Malgré tout, The Expendables n’est rien d’autre qu’un divertissement qui permet de passer un bon moment, mais dont les défauts sont aussi nombreux que ses qualités.