jeudi 23 décembre 2010

Daredevil - Director's Cut

En 2003, le genre du film de super-héros est en plein boom, et c’est Marvel qui mène la danse grâce à ses adaptations de Spider-man, et des X-men. Les deux franchises ont employé les services de professionnels du cinéma de Hong Kong afin de chorégraphier des combats percutants, mais c’est avant tout le sérieux des réalisateurs qui a permis à ces films d’obtenir une légitimité auprès du grand public, attirant dans les salles obscures bien plus de monde que le simple groupe des lecteurs de comics. Créé en 1964 par Stan Lee, Daredevil est un héros qui ne connaît pas la même renommée internationale que l’homme araignée où l’équipe de mutant, ni même celle du géant vert Hulk. Et si la bande dessinée n’a pas connu la constance en termes de ventes de titres plus connus, le personnage reste très apprécié. Rédigé à l’origine comme un homme sans peur, dont la seule crainte est de ne pas gagner le cœur de sa belle, le diable en collants va connaître une seconde jeunesse dans les années 80, sous la plume de Frank Miller. D’abord dessinateur, c’est en devenant scénariste sur la série que Miller va se faire un nom, et permettre à Daredevil de rentrer dans la cour des grands. Grand amateur du cinéma asiatique, l’auteur va insuffler un découpage cinématographique à ses histoires, instillant une véritable atmosphère de film noir. Le fameux quartier de Hell’s Kitchen, dont le véritable nom est Clinton, va prendre vie sous sa plume, avec ses ruelles sombres et ses bars repaires à gangsters (le fameux bar de Josie, qui apparaît d’ailleurs dans le film). Il aura fallu attendre presque 40 ans pour que les aventures de l’avocat justicier soient portées à l’écran, mais ce n’est pas sa première apparition dans un film, puisqu’en 1989 Rex Smith l’incarnait déjà dans le téléfilm Le Procès De L’Incroyable Hulk. Pour cette première aventure cinématographique qui voit Daredevil œuvrer en tant que héros principal, il est important de se procurer la version du réalisateur, qui donne une autre ampleur au récit. La version cinéma n’est qu’un brouillon sans âme, sans vision, et sans cohérence narrative alors que le montage original, sans être inoubliable, est loin d’être dénué de qualités.

Le succès des récits de Kevin Smith ou Brian M. Bendis pouvaient laisser supposer qu’ils serviraient de base à cette adaptation, mais ce sont finalement les écrits de Frank Miller qui seront davantage utilisés pour introduire le personnage. Certaines, largement édulcorées, seront même directement reprises de l’épisode culte 182 du comics, qui voit les personnages d’Elektra et Bullseye, respectivement ennemie amante et pire ennemi du héros, s’affronter à mort. Il s'agit cependant d'une réelle adaptation, dans le sens où le réalisateur a réécrit le scénario, en essayant de garder les éléments importants de la bande dessinée, pour créer une autre histoire en quelque sorte, tout en essayant de rester fidèle à l'esprit original (du moins l'esprit de Daredevil période Miller). Ainsi, les circonstances de la rencontre de Matt et Elektra vont prendre une toute autre tournure et ne se déroulent pas à la fac, puisque Matt est déjà avocat. Ce parti-pris pourrait se justifier s’il n’était pas à la base de la scène la plus navrante du film qu’on retrouve malheureusement même dans le director’s cut. De même les circonstances de la mort du père d'Elektra sont tout à fait différentes. Malgré ces divergences, les relations sont assez respectueuses de celles instaurées dans le comic, et certaines scènes parviennent réellement à recréer l'ambiance (l'enterrement entre autres, réussit à être très proche, tant en terme d’ambiance que visuellement, de ce qu’on pouvait lire à l’époque...). Certains passages forts sont gardés, les éléments principaux sont respectés, donc le réalisateur parvient à conserver l'esprit de la bande dessinée en essayant de développer une vision personnelle. Malheureusement, le scénario n’est pas toujours respectueux de l’essence du personnage, comme on peut le constater lorsqu’il exécute un malfrat. Si Batman tuait à ses débuts, ça n’a jamais été le cas de Daredevil. On peut tout au plus imputer une mort plus ou moins accidentelle au héros à la fin des années 70, mais il n’a jamais tuer de sang froid et exècre le meurtre.




On peut voir dans ce choix scénaristique douteux la volonté de montrer le cheminement psychologique qui a fait du héros ce qu'il est. On retrouve en ce sens la démarche de Frank Miller pour Batman Year One, sauf que dans cette bande dessinée, le héros n'en arrivait pas à tuer pour comprendre qu'il ne devait pas franchir la ligne. On regrettera aussi certains choix de casting regrettables: Colin Farrell est risible en Bullseye, et n'a rien à voir avec le personnage. Jennifer Garner, pure californienne, n'a non seulement pas le physique d'une guerrière Grecque, mais ne parvient à faire passer ni la rage, ni la puissance d'un personnage aussi édulcoré qu’insipide. Quant à Ben Affleck, il livre une prestation sans éclat, sans passion, et sans conviction. Ce sont finalement les seconds rôles les moins développés qui parviennent le mieux à convaincre. Ainsi, John Favreau donne vie à Foggy Nelson, lui insufflant bonhommie et jovialité, alors que le personnage reste peu écrit. Il y a néanmoins une véritable alchimie entre lui et le héros, notamment lors d’une scène de procès amusante. Michael Clarke Duncan se révèle quant à lui impressionnant dans le rôle du caïd du crime, on regrettera juste qu’il ne soit pas plus machiavélique. Le fait de mêler son destin à celui d’un tout jeune Matt Murdock ressemble à un hommage au Batman de Tim Burton, et n’apporte finalement pas grand-chose à l’intrigue. Reste que cette version du chef de la pègre s'inscrit intelligemment dans la dynamique du personnage, l'apport des origines du Bronx collant tout à fait à l'esprit du personnage. Et Duncan se révèle à la hauteur du charisme animal du caïd. La référence à Tim Burton n’est sans doute pas anodine, car Daredevil est un film à hommage. Les clins d'œil aux différents auteurs de la bd sont bien trouvés (Quesada, Romita....mais on retiendra surtout une apparition éclaire de Frank Miller en personne, en plus du traditionnel caméo de Stan Lee), et l'ambiance sombre de l'ensemble est assez représentative du personnage. Bien sûr, quand on sait que Christopher Nolan devait réaliser ce film avec Guy Pearce dans le rôle titre, on ne peut qu'émettre certains regrets. Mais cette version director's cut, si elle ne joue absolument pas dans la même cour que les Batman de Christopher Nolan, est loin d’être aussi ratée que pourrait le laisser penser la version cinéma. On appréciera particulièrement le procès, qui manque à la version cinéma, et donne enfin une cohérence à l’histoire, tout en la rendant nettement plus intéressante. La place accordée aux personnages secondaires est également l'une des bonnes surprises, et l'un des défauts corrigés par rapport à la version cinéma. Elektra a une place beaucoup moins importante, l'intrigue se révélant prioritaire sur la romance dans cette version, ce qui paraît plus cohérent, tout en étant moins grand public. A ce titre, le réalisateur parvient à éviter le cliché présent dans la version cinéma et allant à l’encontre des règles du héros : cette fois il privilégie son devoir à l’amour, et les fans sont rassurés. L’histoire ne devient pas inoubliable, et les personnages n’ont pas une psychologie inouï, mais le résultat est bien plus réussi.



Et même avec ces 30 minutes supplémentaires, le film est assez rythmé. Les scènes d'action sont assez inégales, certaines sont de bon niveau, d'autres moins, et on peut parfois regretter l'utilisation d'images de synthèse, mais elles sont plutôt divertissantes dans l'ensemble. Il faut savoir que les chorégraphies sont réparties entre Yuen Cheung Yan, pour les duels, et Jeff Imada pour les affrontements de groupe et le final contre le caïd. De même, les combats sont dans le style de ce qui se fait à Hong Kong, non pas par effet de mode uniquement, mais parce que dès le début des années 80, Miller introduit les arts martiaux (par le biais d'Elektra et d'une secte de ninja nommée "la main" qu'on ne voit pas dans le film). Ainsi, dès cette période, les scènes d'action du comics mettent en avant les arts martiaux et les acrobaties, ce qui explique en partie les chorégraphies. De façon surprenante, les combats chorégraphiés par Yuen Cheung Yan sont les moins réussis. Toutefois, pour réellement juger de son travail, il est important de regarder le making off qui présente le résultat d’origine, joué par des cascadeurs de Hong Kong, et le rendu final, interprété mollement par Affleck et Garner. Le duel dans l’église entre le héros et Bullseye est également décevant, notamment à cause de son utilisation abusive des effets spéciaux. Si ce choix parait légitime pour les acrobaties d’un spider-man, le côté plus combat de rue des aventures de Daredevil le justifie moins. Finalement, Jeff Imada, dans une approche plus réaliste, livre un travail qui n’est pas inoubliable, mais dont la brutalité est plus percutante. D’autant plus que de nombreux plans, très brutaux, sont ajoutés dans cette version et procurent une dynamique qui manquait à certains combats. Le combat dans le bar est par exemple plutôt jouissif, mêlant la violence d’un passage à tabac et le spectaculaire d’un pur combat de comic. Mais l'affrontement Daredevil/Caïd reste plus percutant. Beaucoup plus long et violent dans cette version, on a enfin droit à un final digne de ce nom, dans lequel les antagonistes s’attaquent à coups de têtes, de directs en pleine mâchoire… Ces deux combats restent les plus jouissifs du film et laissent une bonne impression, alors que les autres paraissent trop chorégraphiés. La réalisation, si elle se révèle parfois approximative dans certaines scènes d'action, reste assez dynamique, avec quelques beaux cadrages et effets de lumière. On sent une volonté de créer un univers à mi-chemin entre le réalisme urbain et des couleurs très travaillées dans un style purement comics.


Daredevil n’est pas un grand film, mais si on se base sur sa version director’s cut, il est loin d’être le gâchis tant décrié. Un divertissement honorable mais plutôt anecdotique en somme.

lundi 20 décembre 2010

Tokyo zombie

Il est toujours regrettable, quand le titre d'un film contient le mot "zombie", de voir les dits morts vivants ne faire office que d'arrière plan. Surtout qu’un film qui réunit des zombies et Aikawa Sho, l’acteur fétiche du réalisateur aussi décomplexé qu’hallucinant Takashi Miike (« Ichii The Killer », « Gozu », Sukiyaki Western Django ») ne peut qu’être déjanté. « Tokyo Zombie » est l’adaptation d’un manga éponyme. Premier constat, les maquillages, plutôt simples, restent réussis, et les apparitions des zombies sont vraiment amusantes.

Ce qui bloque le film, c'est une gestion du rythme catastrophique, ponctuée de temps morts et de longueurs. On est d'ailleurs dans un film deux en un, mais le déséquilibre entre les deux parties est tel que les messages ne sont qu'esquissés. C’est d’autant plus regrettable que l’idée de départ est très bonne. Nos héros sont deux pauvres employés qui passent leurs journées à s’entrainer au jiu-jitsu. Pendant ce temps, la gestion catastrophique des déchets est telle que les immondices ont formé une montagne que les habitants ont nommée le « black fuji ». Sachant que ce mont d’ordures est le lieu rêvé pour déposer des cadavres, les morts ne vont pas tarder à y revenir à la vie et à attaquer les vivants.




Un pitch qui fait non seulement rêver mais laisse entrevoir des scènes cultes. De plus, le duo principal fonctionne à merveille, Sho montrant une fois de plus qu'il peut tout jouer, et surtout le jouer bien! Avec sa petite perruque chauve qui lui donne un côté ringard réjouissant, et son désir inaltérable de transmettre son art martial, il est absolument hilarant. Tadanobu Asano, moins à l’aise, se montre convaincant malgré une perruque afro surprenante. On comprend rapidement qu’il s’agit d’un buddy movie, et l’alchimie entre nos deux protagonistes est évidente. D’ailleurs, même si le budget n’était certainement pas faramineux, l’ensemble est de bonne tenue et est fait avec soin.

Quand débutent les affrontements contre les zombies, on prend vraiment beaucoup de plaisir, même si visuellement ça reste soft. Ces scènes comptent parmi les scènes les plus réussies du film, et on aurait aimé en voir davantage, car finalement l’accent n’est pas tant mis que ça sur l’invasion. Le problème du film, en dehors de son rythme, est l’incapacité du réalisateur à choisir le film qu’il veut mettre en scène. Comédie pure, vaudeville, film de zombies, satyre ? On ne le saura jamais et c’est bien dommage.



 Mais l’élément le plus regrettable reste la mise à l’écart de Sho, et ce relativement tôt. Alors qu’il s’agit de l’acteur le plus charismatique et que son personnage apporte tout le sel de l’œuvre, il va disparaître, laissant le spectateur orphelin. Ce retournement de situation rompt complètement la mécanique qui s'était doucement installée, on perd en délire et l'ensemble se veut plus sérieux (même si les mères qui assistent aux spectacles sont suffisamment déséquilibrées pour faire rire). Cette deuxième partie est vraiment le gros point faible du film, qui aurait gagné à rester dans le même ton du début à la fin. Cela permet néanmoins d'exploiter le potentiel émotionnel des relations entre les protagonistes. On sent une volonté s’inscrire le récit dans une sorte de dénonciation des travers de l’âme humaine, accentuée par cette idée de combats dans les arènes, mais le tout reste trop superficiel. De plus, Romero a déjà exploité cette idée un an avant dans son décrié (mais loin d’être raté) « Land Of The Dead ». La dénonciation des différences de classe reste de toutes manières très légères, voire sans consistance, et apparaît bien trop tardivement pour être exploitée efficacement.

A force de ne pas vraiment savoir quoi faire, « Tokyo Zombie » rate ses meilleures opportunités, et sans être un vrai ratage, ne parvient pas à atteindre le rang culte auquel son pitch de départ lui aurait permis de prétendre.




On reste malgré tout sur une impression finale globalement bonne, grâce à la dernière scène, très "tex avery", qui reprend le ton délirant du début, mais également grâce au jeu des acteurs tous excellents, et à la bande originale, magistrale. Pas inoubliable, un film avec pas mal de défauts, mais dont l'enthousiasme fait plaisir. Ne le regardez pas en attendant un festival de zombies.

dimanche 12 décembre 2010

City Under Siege


Avoir les moyens de ses ambitions est toujours un départ positif pour un film. Ce qui ne veut pas dire que l’argent soit toujours source de réussite en termes de qualités artistiques bien sûr. Si on se réfère au Dream Home d’Edmong Pang Ho-Cheung, on constate que le réalisateur, en déclarant qu’il allait livrer le premier slasher de Hong Kong disposait d’un savoir faire largement suffisant pour donner au public un spectacle tout à la fois primaire et d’une grande intelligence, mélangeant hémoglobine et qualité d’écriture avec virtuosité, sans pourtant donner l’impression d’être un gros film commercial au budget pharamineux. L’annonce du City Under Siege de Benny Chan était assez différente, puisqu’on nous promettait un film de super-héros destiné à rivaliser avec les grosses productions hollywoodiennes. Que l’on aime ou non le cinéma américain, il est difficile de nier que ces dernières années l’usine à rêves à donner au public un nombre impressionnant de films de super-héros d’une grande qualité. En donnant carte blanche à des artistes comme Christopher Nolan ou en adaptant les écrits d’une grande densité d’un Alan Moore, les résultats ne pouvaient être que bons. Et si la production de films super-héroïque connaît une enthousiasme si grand, ce n’est pas uniquement à cause des chiffres du box-office, mais bien parce que les univers dépeints impressionnent, tant visuellement que narrativement. Tim Burton avait ouvert la voie en montrant avec son Batman en 1989 que les récits de justiciers masqués n’étaient pas réservés qu’aux enfants et aux adolescents, mais qu’il était tout à fait possible de créer des univers personnels et riches. L’aspect divertissement pur n’est jamais loin, mais les films de super-héros américains ont tout de même gagné leurs lettres de noblesses, une victoire qui culmina lors des oscars avec la nomination à plusieurs reprises de The Dark Knight de Christopher Nolan.


A Hong Kong, le genre a connu quelques timides déclinaisons, comme The Flying Mr Bee de Wong Jing, mais généralement, les « super-héros » de l’ex colonie ne portent pas d’uniforme et n’ont pas grand-chose à voir avec un Spider-man par exemple. Leurs exploits restent surhumains, comme le prouvent les prouesses de Andy Lau dans Saviour Of The Soul et sa suite, ou plus récemment, celles du trio Donnie Yen, Nic Tse, Shawn Yue, dans le décrié Dragon Tiger Gate. Une spécificité qu’on retrouve néanmoins dans beaucoup de films d’action, en particulier les wu xia pian câblés. Et si les films cités bénéficient d’une esthétique surréaliste, en particulier dans le travail sur la lumière et les couleurs, City Under Siege est bien plus commun de ce point de vue. Hormis une introduction sous forme de flashback aux teintes sépia, la réalisation reste efficace sans se montrer inoubliable. Benny Chan est un très bon artisan, mettant en scène et montant ses films de façon dynamique, mais il lui manque la vision qui ferait de lui un artiste plutôt qu’un technicien. Une affirmation que la première scène, qui rappelle dès les premiers plans l’introduction du X-men de Bryan Singer, peine à contredire. On pensera également au début du Hellboy de Guillermo Del Toro, avant que l’explication des pouvoirs à venir de nos protagonistes ne soit faite par l’intermédiaire d’un clone raté du monstre vert Hulk. Difficile d’imaginer le palmarès du réalisateur en se fiant à cette scène. Mais ce ne sont que les premières marches de la drôle de descente en enfer que constitue City Under Siege. Car n’est pas Dante qui veut. Et si le poète Italien démontrait une imagination débordante dans sa comédie, on rit plus du film de Benny Chan que de ses tentatives pathétiques de faire de l’humour.


Si les quelques pétards censés donner l’impression d’une explosion ont pour but de se moquer des moyens démesurés déployés dans certaines grosses productions pour des scènes de quelques secondes, Benny Chan est un génie. En revanche, si c’est avec ce genre d’effet qu’il compte lancer sa gamme de films au rendu digne des plus grosses machines de guerre Hollywoodienne, il risque fort d’être considéré comme le Uwe Boll asiatique. Car on ne sait jamais s’il faut prendre ce City Under Siege au premier ou au second degré. Même les scènes bénéficiant de décors réussis parviennent à donner l’impression qu’on regarde un film fauché, comme la présentation de la troupe qu’on croirait tourner par Sun Chung en même temps que la scène de boite de nuit dans son City War, qui date tout de même de 1989. Cette impression d’être devant une production de la fin des années 80, ou au mieux du début des années 90, est renforcée par l’utilisation répétée d’effets spéciaux qui feraient passer les dagues volants de Saviour Of The soul pour la pointe de la technologie numérique actuelle. S’il fallait résumer City Under Siege en une expression, ce serait « faute de goût ». D’un Collin Chou en motard hark rockeur has-been, à son costume de monstre aussi réussi que celui du directeur de Prison dans Story Of Ricky, en passant par la musique, d’une nullité qui n’a d’égale que sa mièvrerie, tout semble destiné à faire rire le public. Tout, sauf les plaisanteries, tellement puériles qu’on a presque la sensation que Benny Chan a écrit son scénario dans le but de détrôner Kevin smith au poste de scénariste le moins capable de comprendre comment raconter une histoire. Car en plus de ne jamais avancer, le récit n’est jamais prenant. Il faut dire que le réalisateur n’a pas grand-chose à raconter, et parvient tout de même à enchaîner les clichés sur 1h48, alors que son scénario ne nécessitait pas plus de 30 minutes de film. On ne trouvera pas non plus de discours caché, ou de dénonciation réussie. On sourira devant l’utilisation de l’image d’Aaron, puisqu’il s’agit des seules scènes amusantes à dessein, mais le propos, qui se veut satyrique, est en retard de plus de 25 ans sur le Super Fool mettant en vedette Richard Ng. Si message il y a, ce serait plutôt une critique de l’humanité chinoise, comme on peut le voir lors du renvoi du personnage de Shu Qi, ou quand des marins jettent un homme à l’eau parce qu’il est malade (une scène visuellement aussi splendide qu’un jeu de ps2).



Ce n’est pourtant pas l’action qui empêche me récit d’être développé, puisqu’il faudra attendre trois quart d’heure avant d’assister à un réel affrontement. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que pour un héros, Aaron n’a pas du suer beaucoup pour son rôle. Son personnage ne participe presque jamais à l’action, même lors d’un final aussi vite expédié que décevant. Les chorégraphies, qui se comptent sur les doigts d’une main, sont très inégales. Wu Jing se taille la part du lion en se réservant tous les meilleurs passages, offrant quelques échanges plus techniques, même si l’utilisation des câbles n’est jamais oubliée. Une fois de plus, on regrettera qu’un artiste martial de son niveau n’ait pas réellement l’occasion de démontrer ses capacités physiques, d’autant que ses affrontements avec Collin Chou promettaient des scènes d’anthologie. Finalement, le résultat est sympathique, mais anecdotique, et ne représente pas plus de 10 minutes du film. Et que dire du manque d’imagination lié à la transformation des personnages ? Ils sont plus rapides et plus forts. Tout comme Wu Jing et sa partenaire, eux aussi capables de bondir à plusieurs mètres de distance. Finalement, rien ne justifie de classer ce City under Siege dans la catégorie des films de super-héros, Aaron se contentant de sauver une inconnue au détour d’une scène. Alors qu’on aurait pu s’attendre à des adversaires variés, aux spécificités uniques, on constate que Benny Chan ne s’est pas fatigué et se contente de donner un aspect de plus en plus horrible et raté à nos monstres. Ce parti-pris discutable ne joue pas en la faveur de personnages peu attachants, et ce n’est pas le jeu irritant des principaux acteurs qui permettra une identification plus importante. Rarement Aaron Kwok aura été aussi irritant qu’ici, surjouant plus encore que dans Murderer, comme si sa vie en dépendait. La star a fait des choix de carrière aussi surprenants que peu pertinents ces dernières années, et on a du mal à imaginer que City Under Siege le remette sur le devant de la scène.

Mais il n’est pas seul en faute, et Collin Chou, qui se définit comme plus jeune, plus fort et plus cultivé que les stars actuelles, donne l’impression que sa culture s’arrête au Hulk interprété par Lou Ferrigno. Son jeu inhumain est mis en valeur de façon peu orthodoxe par une utilisation maladroite, pour ne pas dire ratée, du ralenti, associée à une direction d’acteurs douteuse. Les personnages féminins s’en sortent mieux : n’ayant rien à faire, elles n’ont pas l’opportunité de se ridiculiser. Shu Qi montre par contre un grand sérieux et semble avoir travaillé son rôle, même s’il est sans intérêt. Finalement, seul Wu Jing parvient à bien jouer, lui pourtant habitué aux grimaces les plus agaçantes, a enfin de la prestance avec sa barbiche, et reste sobre du début à la fin. On aurait aimé voir, au rayon des rares qualités, une esthétique réussie. Mais en plus d’être longuet, City Under Siege est d’une banalité visuelle déprimante. Dragon Tiger Gate n’était pas un grand film, mais le jeu sur les couleurs, et sur la lumière en faisaient une expérience originale. Et à moins d’être masochiste, il ne vaut mieux même pas comparer le film de Benny Chan au Scott Pilgrim d’Edgar Wright, d’une ingéniosité visuelle incroyable, mettant en scène des combats bien chorégraphiés avec beaucoup de dynamisme sans jamais sacrifier la lisibilité, et parvenant même à ajouter des bruitages qui ne dépareilleraient pas dans la série Batman avec Adam West, pour un résultat pop brillant.



City under Siege est un film prétentieux qui n’a donc pas les moyens de ses ambitions, mal écrit, réalisé sans génie, et bourré ce tics de montage navrants, qui parvient tout de même à faire rire grâce à des scènes surréalistes, comme ce passage où Shu qi explique ce qu’est l’amour à un Collin Chou déchaîné, candidat à l’élection du plus mauvais acteur du monde.

Un film à ne voir que préparé.

jeudi 9 décembre 2010

Marvel Zombies 3 et 4


Ce n’est pas un hasard si c’est à Robert Kirkman qu’on a confié la tâche d’écrire la première mini-série « Marvel zombie » en 2005. Fort du succès de son titre « The Walking Dead », lancé en 2003, le scénariste a prouvé qu’il était capable de décrire une infection à grande échelle de façon crédible, en contant les mésaventures de personnages attachants et vrais. Bourré d’humour, ses épisodes des morts vivants super-héros sont écrits avec beaucoup de respect pour ce qui fait l’essence de chaque héros, ce qui rend l’histoire d’autant plus intéressante. John Layman s’était montré moins convaincant pour son crossover « Marvel Zombies vs Army Of Darkness », mettant en scène le héros de la trilogie « Evil Dead » (campé à l’écran par Bruce Campbell) au milieu des événements.

Fred Van Lente, n’est quant à lui pas un amateur lorsqu’il écrit les scénarios de « Marvel Zombies » 3 et 4, mais ses histoires n’ont pas connu le même succès que les précédentes. Pour commencer, l’intrigue ne se déroule pas dans une réalité parallèle, mais dans la continuité classique de l’univers marvel, envahie par Deadpool et d’autres zombies de la dimension infectée.

Le changement graphique est assez déstabilisant dans un premier temps, car il s’éloigne radicalement du côté cartoon qui donnait un côté second degré tout à fait bienvenu aux dessins gores de Sean Phillips. Passé un certain temps, on s’habitue à ce rendu surprenant, et l’identité graphique très forte devient l’une des qualités de ces deux ouvrages. Outre la grande expressivité jamais grandiloquente des protagonistes, Kev Walker se révèle diablement doué pour dépeindre des torrents de sang, qu’il va s’amuser à badigeonner sur des pages entières. Si Phillips déployait des trésors de gore bien répugnant, Walker privilégie les torrents spectaculaires aux démembrements les plus réalistes.



Mais si la patte graphique n’est pas la même, c’est surtout du point de vue du scénario que le lecteur risque d’être décontenancé. Cette fois, ce ne sont plus les plus grands héros de l’univers Marvel qui sont au centre du récit, mais des seconds, voire troisième couteau. Un parti-pris qui aurait pu se révéler intéressant, si l’auteur avait pris des risques. L’une des forces de la mini-série de Kirkman était de faire de figures héroïques des monstres cannibales, écrit dans le respect de leur personnalité, mais poussées à commettre des actes abjects. Il n’était plus question de héros contre les criminels, ou d’humains contre les zombies. Le volume 2 évoluait de façon un peu plus complexe, mais parvenait à maintenir une sorte d’ambiguïté plaisante et inhabituelle.


Dans « Marvel Zombies » 3 et 4, le contexte est plus classique et plus manichéen. L’invasion débute à peine, et il faut stopper les vilains zombies. Se situant dans la continuité, le récit met en scène des membres de l’initiative, qui ne prendront néanmoins le devant de la scène que dans le 4ème volume. C’est Aaron Stack, plus connu sous l’alias Machine Man, qui prend le devant de la scène ici, puisqu’en tant que robot il ne risque pas d’être infecté par le virus. S’il y a un sentiment d’urgence plus prononcé que dans les volumes précédents, l’humour est toujours présent, ce qui en l’occurrence n’est pas un point positif. Ces dernières années, avec la mise en avant de la culture dite « geek » notamment, on a assisté à un humour très formaté consistant à s’appuyer sur des références cinématographiques ou littéraires connotées. Dans de nombreuses œuvres, les personnages ont également tendance à commenter leurs actes ou les événements d’un point de vue extérieur, sous forme de clin d’œil au lecteur ou au spectateur. Cette tendance peut être amusante, mais elle trouve tout de même vite ses limites, notamment parce qu’elle est utilisée presque partout. C’est également un parti-pris qu’on peut considérer comme facile. Il est en effet plus difficile de jouer la carte du 1er degré sincère et de créer une ambiance sans tomber dans le ridicule que de prendre un ton parodique ou le côté stéréotypée est justifiable d’office.
 

Dans le cas des « Marvel Zombies » de Van Lente, les dialogues ne sont non seulement pas percutants, mais ont effectivement tendance à diminuer l’impact dramatique de la plupart des moments qui pourraient être forts. Quelques touches d’humour fonctionnent, mais globalement, on n’est jamais emballé par un récit simpliste, à la narration peu entrainante. Pourtant, ce troisième volume n’est pas avare en situations explosives, comme l’infiltration de la dimension zombie par Machine Man et Jocasta, et la découverte d’expériences douteuses. Mais à trop vouloir privilégier le fun et la branchitude, Van Lente en oublier de conter une véritable histoire. Il faut dire qu’en quatre épisodes, il ne se passe pas grand-chose, l’avant dernier n’étant finalement qu’une grosse scène d’action. Vraiment spectaculaire, cette poursuite est magnifiquement mise en images, grâce à une combinaison parfaite du dessin et de la couleur. Il s’agit indéniablement du passage le plus divertissant de ce volume, mais on regrettera que le récit reste si simpliste. L’utilisation du caïd est par contre plutôt sympathique, notamment lors de son dernier acte de barbarie… Les autres personnages ont un rôle franchement anecdotique, et on sent bien la volonté de montrer le plus de figures connues possible. Morbius hérite cette fois d’un rôle ingrat, mais sa définition d’un vambie mérite tout de même le détour.

Lorsqu’on tourne la dernière page de l’ultime épisode, l’annonce du 4ème volume est inévitable, mais on reste dubitatif, tant le décalage avec les précédents mini-séries est important.

Et si « Midnight Sons » est la suite directe, le changement de ton est à nouveau important, alors même que l’équipe artistique reste la même. Pour commencer, il semble y avoir une certaine confusion dans la source de l’épidémie. Les zombies peuvent avoir plus origine. Le mythe dérive du vaudou (explication plus détaillée dans l’avis sur le film « White Zombie » avec Bela Lugosi : http://histoires2comics.blogspot.com/2010/04/white-zombie.html ) mais l’origine peut être un virus (comme expliqué dans la chronique sur le livre de Max Brooks « Guide de Survie En Territoire Zombie » : http://histoires2comics.blogspot.com/2010/08/guide-de-survie-en-territoire-zombie.html) ou même une possession démoniaque, comme dans « City Of The Living Dead » de Lucio Fulci ou plus récemment les films espagnols « Rec ». Van Lente décide quant à lui de tout mélanger, puisqu’il est d’abord question d’une infection virale, puis un bokor (les fameux sorciers vaudous capables de commander aux morts-vivants, généralement pour les faire travailler dans les plantations de canne à sucre, à l’origine du mythe) fait son apparition (sans finalement apporter grand-chose à l’intrigue d’ailleurs). Enfin, le démon Dormmamu fait son apparition par l’intermédiaire de the hood, petit caïd insipide et ennemi récurrent des nouveaux vengeurs. Cet amalgame n’est absolument pas convaincant, et les événements vont s’enchaîner de façon tellement aléatoire qu’on n’a jamais l’impression de lire une histoire construite.


Il n’y a par exemple aucune continuité dans le comportement des personnages, l’un des plus frappants étant Deadpool qui passe de zombie rigolard et agressif à pleurnichard qui cherche la paix, sans aucune transition. Les protagonistes n’ont de toutes manières aucune épaisseur, alors même qu’on sent le désir du scénariste de les rendre attachant. Il a ainsi recours pour chaque épisode à un enregistrement vidéo fait par chaque membre de l’équipe pour le cas où il décèderait. Mais ces scènes sont écrites sans aucune subtilité, et on sent bien que si Van Lente a joué la carte du 2nd degré avec tant d’insistance, c’est parce qu’il ne maîtrise pas le 1er…. Dommage qu’il ne maîtrise pas non plus le 2nd finalement, car ses multiples références vont non seulement devenir de plus en plus pénibles, mais vont en plus lorgner vers ce qui se fait de plus populaire, puisqu’on aura même droit à la citation directe du livre « Twilight ». Comme dit plus tôt, la tendance actuelle au regard distancié et aux références cools semble s’essouffler, et on ne peut que regretter que seuls les grosses licences que tout le monde connaît soit balancées à la figure du lecteur, sans aucune subtilité, ni réel apport scénaristique.


Si « Marvel Zombies 3 » était une lecture éphémère et non dénuée de défauts, elle assurait tout de même un certain divertissement, qui n’est même plus présent dans ce quatrième volume. On ne sent pas de réelle implication du scénariste, et son récit manque de cohésion. Il ne parvient pas non plus à rendre ses protagonistes attachants. A moins d’être un fan absolu du genre, il n’est pas réellement nécessaire de lire ces 2 volumes, même si on a aimé les précédents.

 

mardi 7 décembre 2010

The Walking Dead- Bilan de la saison 1


Après s’être extasié devant l’épisode pilote de l’adaptation télévisuelle du comic de Robert Kirkman (http://histoires2comics.blogspot.com/2010/11/walking-dead-avis-sur-lepisode-pilote.html) et maintenant que le dernier épisode de cette première saison vient d’être diffusé, il est temps de dresser un bilan. A ce titre, il est intéressant de s’attarder sur le nombre de spectateur réunis devant ce final : 6 millions, un chiffre qui conforte donc les producteurs dans leur choix de mettre en scène une seconde saison. Car au moment de lancer la production, Frank Darabont n’a pas eu que des portes ouvertes en présentant son projet d’adapter l’univers de Kirkman, la mode étant plus aux shows légers ou aux séries médicalo-sentimentales. Une fois l’entreprise mise en tension par AMC, les équipes n’ont donc eu que peu de temps pour mettre en scène les 6 épisodes, sans avoir l’assurance de pouvoir filmer une suite aux événements décrits. Maintenant que l’on sait qu’il y aura bien une deuxième saison (en Octobre 2011) et que la série a reçu un accueil plutôt bon, voilà une interview de Robert Kirkman qui pourrait donner quelques clés sur l’avenir de la série : http://insidetv.ew.com/2010/12/06/walking-dead-finale-robert-kirkman/. En tout cas, il semble que le récit, qui s’est déjà éloigné de celui du comics, au grand dam de certains fans, soit susceptible de continuer son propre chemin pour les 13 épisodes à venir. J’avais fait le choix de ne pas lire la bande dessinée avant de voir l’adaptation, et je ne le regrette pas, car j’ai pu construire mon opinion sans attente liée à mon appréciation du format d’origine. Maintenant que la césure entre les deux histoires semble importante, je pense prendre le temps de lire le comics avant de voir la deuxième saison du show d’AMC.

Après un premier épisode à la réalisation aussi efficace qu’esthétique, loin des effets de mode actuels et des mises en scène qui se veulent percutantes qu’on retrouve dans la plupart des séries tv, on ne pouvait qu’appréhender le départ de Frank Darabont du poste de réalisateur. L’artiste a néanmoins conservé un regard permanent sur la série en tant que producteur, mais aussi en écrivant les scénarios. Alors y a-t-il une unité, une cohérence dans le style d’un épisode à l’autre ? Globalement, les réalisateurs, tous habitués à la mise en scène de séries tv, certains ayant même déjà travaillé sur des titres communs, ont réussi à insuffler une dynamique d’équipe, et si chacun possède un style qui lui est propre, il y a une certaine unité dans la mise en image. Unité malheureusement mise à mal par un épisode ignoble, souffrant des pires formes de montage de la génération mtv, et qui semble avoir été filmé en studio, enchaînant les gros plans et ne se souciant jamais de laisser voir au spectateur les événements. Par chance, on peut considérer cet épisode comme un incident de parcours, et la série se conclut sur un véritable bang, comme on pouvait s’y attendre.


Après l’atmosphère de solitude pesante face à un monde de chaos, notre héros, Rick, va rapidement retrouver sa petite famille et une troupe de survivants aux origines diverses et variées, entrevue brièvement à la fin du pilote. Passée la surprise de découvrir un autre nom que celui de Darabont à la réalisation, le deuxième épisode s’ouvre sur un plan séquence rassurant, puisqu’en phase avec ce que le metteur en scène de « Shawshank Redemption » et « The Green Mile » a instauré jusque-là. La réalisation reste d’envergure lorsqu’on retrouve Rick en position difficile, coincé dans un tank en plein Atlanta envahi par les marcheurs, avec un travelling en plongée des plus immersifs. Le rythme trépidant de ce nouvel épisode permet de rapidement mettre en place l’évolution de la situation du personnage, qui doit désormais se faire accepter d’un groupe et ne peut plus jouer les cavaliers seuls. On regrettera l’utilisation un peu plus appuyée par moments des gros plans tremblotants en caméra à l’épaule, mais la réalisatrice n’abuse pas de ce procédé, et son style se situerait à mi-chemin entre la réalisation plus classique d’un Darabont, et le style moderne et frénétique des séries tv. De plus, elle utilise les gros plans principalement lorsque le décor ne permet pas de plans d’ensemble, comme dans le tank. La tension est permanente dans cette épisode, et retranscrite avec beaucoup d’efficacité tant par le montage que le jeu des acteurs, qui expriment de façon très convaincante ce sentiment d’alerte oppressant. Les inévitables tensions entres personnages très différents obligés de travailler ensemble surgissent de façon peu surprenante par l’intermédiaire du traditionnel redneck (plouc chez nous) raciste, interprété par un Michael Rooker (Replicant) habité. Mais au-delà du déjà-vu de cette situation, ce sont ses conséquences qui sont intéressantes, et ce qu’elles interrogent sur les différents protagonistes. La question du choix devient dès lors le centre du récit, et elle ne cessera de mettre les personnages face à leurs contradictions dans un monde en plein apocalypse, où les valeurs traditionnels n’ont peut-être plus leur place. Car c’est bien là la question d’une histoire comme « The Walking Dead ». On ne peut pas continuer à vivre sa vie de tous les jours comme avant dans un monde en extinction, alors peut-on encore s’attacher à ses principes et à ce qu’on a appris auparavant sur le bien et le mal ? Un dilemme qui n’est pas sans rappeler la magnifique adaptation du roman de Corman Mccarthy, « The Road », réalisé par John Hillcoat. L’une des scènes de ce deuxième épisode est particulièrement intéressante à ce propos. Sans révéler ce dont il est question, une carte d’identité créera une réflexion sur ce que sont les marcheurs, et jusqu’où on peut se débarrasser d’eux sans se comporter de façon indigne. Mais c’est surtout le dilemme humain, puisqu’une fois de plus, le plus grand danger n’est pas toujours causé par les zombies, mais bien par les vivants entre eux, qui restera en mémoire. Cet épisode n’apporte d’avancée spectaculaire dans le récit, mais permet d’approfondir de façon crédible les interactions entre les personnages, et les interrogations morales dans de telles circonstances, tout en offrant des scènes d’action spectaculaires, bénéficiant une nouvelle fois de maquillages très réussis, dans des geysers de sang toujours plus jouissifs. Et si la réalisation est un peu impersonnelle, elle reste de qualité et permet de profiter efficacement du spectacle.



Ce qui n’est pas le cas d’un troisième épisode véritablement médiocre. Dès les premiers plans, qui font suite à l’une des suspenses précédents, on a l’impression que les décors naturels on cédé la place à des décors de studio. La mise en scène est plate et sans envergure, et ne parvient jamais à apporter une dynamique aux échanges verbaux. Un défaut d’autant plus regrettable qu’il s’agit de l’épisode possédant le moins d’action et le plus centré sur les dialogues. Si la scène de retrouvailles entre les membres de l’expédition et le groupe resté au campement, et surtout Rick et sa famille bénéficie d’une atmosphère chaotique appropriée, au milieu des cris et des bruits d’alarme, on ne peut que regretter l’infâme bouillie visuelle qui ferait passer le final d’un film sous amphétamines comme « Turkish Star Wars » pour une scène de repas chez les Flanders. Et cette sensation de mal de mer ne quittera jamais le spectateur qui subira tout l’épisode les choix malheureux de mise en scène et de montage. Même les scènes les plus anodines sont plus frénétiques que le débarquement dans « Il faut Sauver Le Soldat Ryan ». Les quelques tentatives pour livrer une réalisation plus ambitieuse, pour donner du relief à certaines scènes (comme lors de l’attaque d’un marcheur sur un cerf) ne suffisent pas à compenser les maladresses répétées. Et que dire de la seule opportunité qu’avait la réalisatrice de prouver son habileté, puisque le seul affrontement avec un zombie est tellement mal filmé que le spectateur n’a même pas le plaisir de profiter des maquillages ? Pourtant, l’épisode en lui-même reste intéressant, grâce à ses qualités d’écriture, qui rendent les scènes intimistes très vivantes. Outre le triangle amoureux qui promet des scènes tendues et pleines de suspense, les scènes autour du feu apportent une dimension très humaine et sincère, et chaque personnage bénéficie d’un petit détail au moins qui le rend véritablement unique. Mais ces échanges conviviaux ne font jamais oublier que le danger n’est jamais loin, et qu’il n’est jamais là où on l’attend. Le traitement des violences conjugales est à ce titre bien exploité, et paraît d’une grande justesse. Une fois de plus, l’épisode se conclut sur un suspense, mais laisse moins le spectateur dans l’attente que dans l’appréhension. En effet, la qualité va-t-elle encore se dégrader ? L’épisode 2, très réussi, était déjà moins bon que le premier, et le troisième, malgré une histoire intéressante, reste très décevant techniquement.





Et malheureusement, ce n’est pas la scène d’ouverture du quatrième épisode qui vient contredire cette appréhension. Si le dialogue entre les deux sœurs est dans la continuité du côté intimiste propre au récit, sa mise en scène d’une platitude incroyable ne le rend pas aussi intéressant qu’il pourrait être. C’est d’autant plus dommage que ces scènes banales sont primordiales pour installer un climat de vie quotidienne au milieu de l’horreur, pour montrer que les personnages se rattachent à leurs souvenirs pour trouver la force de continuer, alors même qu’ils ignorent s’il y a de quoi continuer. Puis passée cette introduction, la mise en scène va prendre de l’ampleur, se rapprochant davantage de la réalisation de l’épisode 2 que de celle de l’épisode 3. Ainsi les gros plans alternent harmonieusement avec des plans d’ensemble et des travellings qui permettent de découvrir les décors et les situations progressivement. Le montage donne un rythme très dynamique au récit, alternant la quête du groupe parti en mission à Atlanta et la confrontation de ceux restés au camp avec la folie de l’un d’eux. L’horreur va s’exprimer de façon très différente, mais avec toujours autant de violence. Que ce soit par la vision d’un membre coupé, ou le récit de la mort d’une famille qui a permis à un père de sauver sa propre vie, la violence ne quitte jamais les rescapés, et la mort les guette à chaque instant. L’intrigue lance même la piste d’un aspect prophétique avec les cauchemars et les annonces de l’un personnages, dont l’intensité des propos n’a d’égale que l’assurance avec laquelle il les avance. Mais alors que le spectateur s’interroge sur l’avenir de ces personnages qu’il commence à connaître, il est confronté au fait que n’importe lequel d’entre eux peut disparaître. Une réalité qui conduira à des rencontres chargées de tension, où les armes à feu deviendront aussi bien des moyens de pression que la source même du conflit. Mais le rythme de cette scène va être cassé de façon très pertinente par un personnage qui présentera une autre réalité, et une horreur encore plus humaine. Une fois de plus, le scénario est écrit avec beaucoup d’humanité et pose des questions qui sont aujourd’hui plus que jamais d’actualité, et qui inévitablement se poseraient dans de pareilles circonstances. Alors qu’on pourrait croire certains personnages stéréotypés, la plupart révèle progressivement une profondeur très juste, et la scène de la maison de retraite est aussi touchante que triste. La réalisation va se montrer de plus en plus convaincante, avec une utilisation très intéressante des travellings, que ce soit lorsqu’on découvre lentement, au rythme des personnes qui les peuplent, les couloirs de la maison de retraite, ou lors d’un travelling de face sur un quator dont tout le poids de la course est palpable. Et au milieu de ces événements chaotiques, la question du temps vient interroger les survivants sur le sens de leur vie, de leurs valeurs passées, citation de Faulkner à l’appui. En ces temps de citation facile, où Twilight et Harry Potter sont les références les plus évidentes, il est agréable de voir une référence qui ne soit ni facile, ni gratuite, mais qui apporte un réel approfondissement aux thématiques du récit. Et une fois n’est pas coutume, la qualité des dialogues, et l’importance des moments de calme, ne vient jamais faire oublier l’omniprésence de la menace, ce qui donnera lieu à un final très spectaculaire, à la lisibilité et au dynamisme très appréciables. Les effets sanglants sont également très réussis, ce qui permet de conclure l’épisode sur une note brutale et dure.

La qualité ayant subi un decrescendo de l’épisode 1 à l’épisode 3, on peut tout à fait s’attendre à l’effet inverse de l’épisode 4 à l’épisode 6. Et effectivement, l’épisode 5 s’annonce immédiatement comme celui le plus proche du travail de Frank Darabont, avec une réalisation plus classique, mais aussi plus élégante. La caméra se déplace lentement, rappelant l’effrayante tranquillité du réalisateur de « the Green Mile ». On constate également l’utilisation appuyée des contre-plongées, peu employées jusque-là. Procédé plutôt efficace, qui remet en perspective la place des personnages dans l’immensité des paysages où ils ne représentent pas grand-chose. La mise en scène va d’ailleurs être continuellement intéressante, comme lors de ce plan à l’esthétique digne des meilleurs westerns dans lequel un survivant mordu par un marcheur se retrouve seul face aux autres survivants. Esthétiquement, le tout est très réussi, et il s’agit aisément de l’épisode le mieux réalisé après le pilote, sans pour autant que l’aspect visuel soit trop léché. Car on ne peut que saluer le parti-pris de ne pas avoir cédé à la suresthétisation qui aurait amoindri l’horreur du contexte. Et cette horreur va être mise en parallèle de façon percutante, face aux réactions de survivants dont un proche a été infecté. Le caractère unique de chacun va donner lieu à des résolutions parfois surprenantes, souvent touchantes, mais toujours écrites avec sincérité et justesse. Les acteurs sont d’ailleurs très convaincants, et contribuent largement à rendre leurs personnages vrais. Les questions du choix, des valeurs et de la dignité qu’on doit accorder à ceux qui ont été infectés vont être remises en avant de façon pertinente lors d’une scène de massacre, qui interroge plus que jamais l’humanité des personnages. Et une fois n’est pas coutume, on évite la caricature, même avec les protagonistes qui paraissent les plus stéréotypés. Daryl, second redneck, va devenir l’un des héros les plus intéressants, se montrant bien plus profond que sa beaufitude ne pouvait le laisser croire, tout en restant toujours crédible et vrai. La volonté de toujours mettre en avant l’évolution des personnages donne beaucoup plus d’intensité au récit, et permet de créer des scènes de tension non seulement appropriées aux situations, mais plus réalistes car on connaît davantage les intervenants. L’atmosphère sonore, toujours en phase avec l’histoire, va appuyer de façon plus prononcée que d’habitude le récit, avec l’utilisation de l’adagio In D Minor que John Murphy avait composée pour « Sunshine » de Danny Boyle, et qu’on a pu entendre récemment dans le film « Kick-Ass ». Finalement, après une scène difficile, qui pose la question du choix, le groupe va être confronté à un changement de situation qui rappellera immanquablement des souvenirs aux fans du « Day Of The Dead » de Romero…



 Et pour changer, cet ultime épisode de la saison 1 va s’ouvrir sur un flashback, qui n’apporte pas de révélation révolutionnaire, mais donne un éclairage très intéressant à un contentieux au centre du récit, et surtout approfondit l’un des personnages, dont le traitement paraissait jusqu’ici un peu plus manichéen. Ce sixième épisode s’annonce plus porteur d’espoir que les précédents, et s’ouvre sur une série de scènes positives, pleines de convivialité. Ce passage est d’ailleurs un peu long, et l’utilisation répétée des scènes de douche est d’une grande maladresse. En plus d’être cliché, ce procédé est monté sans pertinence. Ce qui est intéressant, c’est plutôt la confrontation entre le groupe, qui semble plutôt uni, et le nouveau personnage, un scientifique dont le détachement semble le signe d’une dépression. Le personnage évolue dans sa propre bulle, comme s’il n’était pas dans le même univers que ceux qu’il vient d’accueillir, et le jeu de Noah Emmerich est particulièrement convaincant. La mise en avant d’un regard scientifique  renforce le sentiment d’hommage à « Day Of The Dead », et semble inévitable pour rendre crédible l’épidémie. On notera également un compliment aux français, comme si l’équipe voulait compenser les nombreuses moqueries dont les français sont victimes dans les films américains et certains comics depuis quelques années. Au-delà de l’aspect amusant de cet exemple, on peut se demander s’il faut y voir un renseignement sur la saison 2 à venir, bien que cela paraisse peu probable. Ce dernier épisode n’apporte finalement pas tant de réponse qu’on pourrait le croire, et ne met bien sûr pas un point final à la série. Darabont a décidé de ne pas encore laisser trop de pistes en suspens, puisque la continuité du show n’était pas encore assurée, tout en laissant des portes ouvertes. La résolution reste en tout cas spectaculaire, et permet de sceller des destins, mais aussi des liens. Pour finir, on aura droit à quelques décapitations et tirs en pleine tête bien défoulant, mais c’est vraiment ce sentiment de reprise de la route qui prédomine.




Hormis un troisième épisode désastreux, cette première saison de « The Walking Dead » reste très intéressante. Si tous les réalisateurs n’ont pas le talent de Darabont, il y a tout de même un véritable sentiment d’unité dans leur travail, une cohérence primordiale pour la continuité du show. L’histoire avance lentement, privilégiant le développement des personnages, ce qui permet de s’attacher à eux, et donne davantage envie de suivre leurs péripéties. Attendre un an pour voir la deuxième saison va être difficile, mais permettra à l’équipe de prendre le temps nécessaires pour mettre en scène 13 épisodes de qualité, et nous surprendre encore. Un bilan donc très positif, pour une série suivie avec beaucoup de plaisir, et qui est à classer dans les titres qui rendent leurs lettres de noblesse aux morts-vivants.

dimanche 5 décembre 2010

Dead Girl Watching

La mort. La grande faucheuse. Cette inconnue qui fascine ou qui effraie, parfois les deux à la fois. Comment faire son deuil quand on perd un être cher ? Y a-t-il autre chose après la mort ? Et que faire si les morts revenaient à la vie, même s’ils étaient pacifiques ? Autant de question qu’on a eu l’occasion de voir traiter tant au cinéma que dans la littérature un nombre incalculable de fois. A la manière d’un épisode des « Contes De La Crypte », le moyen métrage « Dead Girl Walking » est introduit par un personnage excentrique, en l’occurrence un mangaka qui déclare s’inspirer de ses péchés pour raconter ses histoires… Cette présentation bénéficie d’un montage énergique, à la limite du clip, mélangeant images réelles et planches de manga, pour un résultat réussi, inquiétant et déstabilisant, et permet d’annoncer l’adaptation d’un maga de Hino Hideshi (il y a en tout 6 épisodes).


Mais dès que l’épisode à proprement parler débute, les espérances sont revues à la baisse. L’image crasseuse de camescope trahit immédiatement le format v-cinéma, ces œuvres tournées pour le format vidéo, qui ont permis à des réalisateurs comme Takashi Miike de s’illustrer et de transcender des budgets inexistants en laissant libre cours à leur imagination. Mais si ce dernier a su exploiter ce format en expérimentant et en livrant des réalisations démentes d’énergie, « Dead Girl Walking » s’annonce immédiatement comme une œuvre à la réalisation paresseuse, constituée avant tout de plans d’ensembles fixes. La recherche esthétique n’est pas absente, puisque la mise en scène se veut plutôt graphique, les plans étant travaillés jusque dans la pose des acteurs, mais l’ensemble manque d’ambition de ce point de vue. L’alternance de la couleur et du noir et blanc vient un peu rehausser ce manque d’originalité, mais ce procédé avait été utilisé avec bien plus d’efficacité par Takashi Miike dans son terrifiant « Sun Scarred ». De plus, l’analogie entre l’emploi du noir et blanc et la mort est devenue galvaudée et peine à renouveler le genre. Les inserts de plans de texte blanc sur fond noir rappelle les films muets du début du XXème siècle, et permet de sonder la pensée de l’héroïne en quelques secondes. On notera également l’ajout d’éléments qui restent en couleur lorsque l’écran vire au noir et blanc, la fleur symbolisant le parcours de notre morte vivante.




A la manière du film français « Les Revenants », il ne s’agit pas ici de montrer un zombie anthropophage, mais plutôt d’observer les réactions d’une famille en deuil assistant à l’inexplicable résurrection de l’être aimé décédé. Si « Dead Girl Walking » possède des arguments, c’est avant tout du côté du scénario et de l’ambiance qu’il faut les chercher. Le traitement dépouillé permet justement de s’intéresser davantage à ce véritable chemin de croix. Les rares utilisations de musique viennent souligner l’isolement d’un personnage qui ne veut que continuer à « vivre » sa vie alors que son entourage la rejette avec agressivité. L’atmosphère est poisseuse et désespérante, même si le grand guignol assumé de certaines situations ajoute une petite touche d’humour décalé tout à fait bienvenue. La décomposition inévitable après un décès survient ici comme les symptômes d’une maladie, et la réaction de la famille est aussi excessive qu’effrayante. La perte de ses différents membres donne un aspect inéluctable à sa disparition prochaine, et sa fuite en avant ne semble qu’accélérer le processus.


La seule manifestation d’humanité est prodiguée par un homme à l’allure douteuse, qui finira par révéler son vrai visage lors d’une mise en scène très théâtrale, où l’utilisation de la lumière est très bonne. L’aspect décalé omniprésent, japonais dans l’âme, donne cette fois la sensation que le réalisateur ne sait pas trop quel ton donner à son histoire. La situation est dramatique, mais cela doit il nous empêcher d’en rire ? Et le rire ne risque-t-il pas de détruire la tension ? A cette hésitation de ton s’ajoute les scènes en couleurs, mièvre à en pleurer, mais cette opposition fonctionne beaucoup mieux, puisqu’elle confronte une image idyllique de la famille à une relation cauchemardesque une fois la mort et la résurrection survenues.





La fuite de l’héroïne est pathétique, et le spectateur finir par s’attacher à ce cadavre déambulant, à la démarche de plus en plus boiteuse. Le jeu des acteurs est sans surprise excessif, mais les personnages sont trop peu écrits pour permettre un jeu plus naturel. Ce parti-pris empêche malheureusement d’envisager la situation sérieusement, et balaie la tension dramatique. Il suffit de voir la jeune fille jeter son pied sur ses parents, tel ce journaliste Irakien attaquant Bush avec ses chaussures pour comprendre que le ton reste un peu trop à la farce. La résolution est par contre pleine de poésie, et remet en perspective le sens de notre existence, et notre place, le temps d’une scène très visuelle et très marquante, avant de revenir à une conclusion plus mièvre et plus en phase avec les scènes en couleurs.

 
« Dead Girl Walking » est un moyen métrage intéressant au rythme lent (trop lent), aux ruptures de ton qui empêchent de réellement s’impliquer, mais qui n’est pas dénué de bonnes idées.

samedi 20 novembre 2010

Spider-Man Shattered Dimensions - version wii


Les super-héros et les jeux vidéo, c’est une longue histoire. L’homme araignée comptabilise à lui seul pas loin de vingt adaptations, tous supports de jeu confondus, de ses aventures. Le passage à la 3D a donné lieu à un premier jeu très réussi, puis avec l’arrivée des xbox et ps2, la série a pris un tournant décisif : C’est dans des gta-like que le joueur aurait la possibilité de se balader au bout d’une toile pour explorer Manhattan de long en large. Si « Spider-man 2 », qui reprenait dans les grandes lignes l’histoire du film éponyme se révélait assez convaincant et plutôt fun, les opus suivants ont été réalisés en hâte, de manière à capitaliser sur une recette qui semblait avoir fait ses preuves. Mais même si on a toujours plaisir à survoler la grosse pomme, il faut bien avouer que « Spider-man 3 » et « Spider-Man : Le Règne Des Ombres » laissait un goût amer, à cause d’une réalisation approximative, et même de graphismes franchement datés. Si les adaptations des films bénéficiaient de la voix du doubleur français de Tobey Maguire, « Le Règne Des Ombres » présentait un doublage tout simplement scandaleux, dont l’objectif semblait être de ridiculiser les joueurs. Après le succès éclatant de « Batman : Arkham Asylum », il semblait difficile de livrer un autre gta-like formaté et bâclé. L’annonce du projet « Spider-Man : Shattered Dimensions » semblait témoigner d’une volonté réelle d’offrir une expérience de jeu digne de ce nom.

Le marketing intelligent du jeu a su mettre en valeur la variété des environnements, ne révélant les fameuses dimensions dont le titre fait mention que progressivement. Personne n’a été surpris de retrouver au casting celui que les concepteurs appellent Amazing Spider-Man, soit la version classique du personnage, connue de tous. Le choix d’ajouter la version ultimate du héros paraissait par contre peu pertinent. Lancée en 2000, la ligne ultimate avait pour but de livrer une vision plus moderne des héros marvel, en réécrivant leurs origines de nos jours, avec toutes les conséquences que cela implique. Fini la continuité, on retrouve la plupart des personnages, mais les événements ne sont pas les mêmes. Pas tout à fait du moins. Reste que l’univers reste très semblable, alors où pourrait donc se situer la différence dans le jeu ?

Ce sont les deux autres dimensions qui justifient réellement qu’on s’intéresse à ce « Spider-Man Shattered Dimensions ». Pour ceux qui ne connaitraient pas encore Spider-Man 2099, cet article devrait vous renseigner un peu : http://histoires2comics.blogspot.com/2010/09/spider-man-2099.html. Personnage phare de la défunte ligne 2099, Miguel O’Hara n’est pas une autre version de Peter Parker, mais bien un personnage différent. Si les joueurs des premières aventures en 3d du héros ont eu l’occasion de porter le costume de Spidey 2099, c’est la première fois qu’on a réellement l’occasion d’incarner le héros, et surtout de découvrir son époque. Enfin, en 2009, Marvel a expérimenté la ligne « noir », qui raconte les aventures de ses héros dans un contexte de film noir, l’homme-araignée ayant même eu droit à deux histoires. On retrouve donc Peter Parker, héros évoluant dans le new york des années 30.


Fini donc les balades effrénées de building en building, et place aux niveaux linéaires. Le jeu a été adapté sur la majorité des plateformes, et c’est la version wii qui sert de base à cet avis. Dès la cinématique d’introduction, on comprend que le ton ne sera pas sombre et adulte, comme dans « Batman : Arkham Asylum ». Au contraire, c’est un narrateur qui aurait raconté de façon convaincante les aventures des héros marvel dans les années 60 qui nous explique de façon très conviviale le conflit inter-dimensionnel qui justifie la présence des 4 « versions différentes » de l’homme araignée (mais n’oublions pas qu’en vérité, seules 3 d’entres elles sont Peter Parker). Visuellement, les scènes cinématiques bénéficient d’un rendu visuel toujours en lien avec la dimension impliquée, et la réussite esthétique ne se dément jamais. L’action et l’humour y sont présents, le tout est très dynamique et donne le ton. Bien sûr, le scénario est des plus basiques, et fleure bon justement, les histoires en un ou deux épisodes des débuts de la maison des idées. Mais il est suffisant pour lier les niveaux entre eux. Et à y réfléchir, Paul Dini ne s’était pas beaucoup plus fatigué pour « Batman : Arkham Asylum ». Les dialogues sont par contre plutôt réussis. Ils manquent de finesse, mais atteignent leur but : faire rire. Car s’il y a bien une caractéristique qui n’a jamais quitté le héros au fil des décennies, c’est son humour presque à toute épreuve. Mais surtout, le 2nd degré ne diminue jamais l’intensité dramatique des scènes plus sombres, l’univers noir étant tout de même plus violent que les autres. Passé un premier niveau qui sert de tutoriel et mêle les 4 dimensions, le joueur aura le choix, jusqu’au dernier chapitre, de l’ordre dans lequel il lance dans l’aventure. L’ensemble est en effet constitué de 3 actes, découpés en 4 niveaux, un pour chaque dimension. Il faut bien sûr conclure toutes les dimensions avant de passer à l’acte suivant.

Ce parti-pris donne un rythme très satisfaisant au jeu, mais imparfait. La diversité est vraiment au rendez-vous, et l’action omniprésente, mais certains niveaux sont un peu longs. Le schéma est toujours le même : rencontre avec le boss, affrontements avec des sous-fifres, deuxième rencontre, puis duel final, pour une durée moyenne de 45 minutes (en mode difficile). La rencontre avec le fléau ne dure par contre qu’une petite demi-heure. On rencontrera également Kraven le chasseur et l’homme sable pour la dimension Amazing, Electro, Deadpool et Carnage pour Ultimate. Les univers 2099 et noir font l’objet de choix surprenant, puisqu’ils rencontreront des personnages qu’ils n’ont pas affrontés dans les pages de leurs comics. Ainsi découvrira-t-on Hammerhead noir, ou Lady Octopus 2099. Les affrontements sont plutôt bien faits, chaque boss ne peut être battu qu’en adoptant une stratégie unique, et le côté poursuite dans tout le niveau donne une intensité indéniable, en particulier lorsque Spider-man 2099 poursuit le bouffon 2099. Comme on pouvait le prévoir, les dimensions amazing et ultimate sont très semblables, trop même. A part la voix de Peter, et sa façon de s’exprimer, on ne trouve que peu de différences, les niveaux se ressemblent, et esthétiquement, le traitement est très proche, à base de cell shading très réussi, qui permet aux joueurs de la wii de s’amuser dans l’un des jeux les plus beaux de la console.


 Et cette réussite esthétique ne se dément jamais, d’autant plus que les deux autres héros évoluent dans des univers au rendu visuel très différent. Spider-Man noir se déplace entre des buildings noirs, très noirs. On pense d’abord à Sin City, puis au jeu exclusif à la console de Nintendo « Mad World » (les geysers de sang et les éclats de jaune en moins). Ce parti-pris visuel est non seulement d’une grande beauté, mais il s’inscrit logiquement dans l’ambiance sombre de l’histoire, et même dans les choix de gamplay. En effet, hors de question ici de sauter sur tout ce qui bouge, il faut au contraire se cacher dans l’ombre et surprendre ses adversaires comme dans les meilleurs jeux d’infiltration. Ces phases sont donc originales et prenantes, même si elles ne sont pas dénuées de défaut. Un garde ne réagira par exemple pas en voyant un de ses collègues s’envoler attaché à une toile. Ces niveaux restent les plus réussis du jeu, non seulement parce qu’ils sont un délice visuel de tous les instants, mais parce qu’ils représentent un aspect totalement inédit du personnage dans les adaptations vidéo ludiques de ses aventures.


Ce sont ensuite les aventures de Miguel O’Hara qui vont réjouir le fan. Voitures volantes, équipements high-tech, on est bien dans le futur, il n’y a aucun doute. On regrettera que cette dimension soit moins flamboyante esthétiquement, en particulier lorsqu’on compare au rendu des consoles next-gen. On remarque également rapidement que ce n’est pas tout à fait l’univers 2099 tel qu’on l’a découvert pour la première fois en 1992 qui nous est présenté. Si Miguel est bien l’adulte cynique de l’époque, mais la ville a l’esthétique plus futuriste et moins intéressante du crossover censé relancer la ligne « TimeStorm 2099 » (une relance insipide et sans intérêt qui fera l’objet d’un prochain article). Ce mélange se retrouve dans le traitement appliqué à Kron Stone. Alors que dans le comics original, il devenait Venom 2099, l’un des adversaires les plus inquiétants du héros (comme dans la mouture originale) qui en veut personnellement à Miguel, ici, comme dans « Timestorm 2099 », il se transforme en scorpion 2099, adversaire moins impressionnant physiquement, et nettement moins inquiétant. On s’étonnera encore plus d’affronter une lady octopus 2099, qui n’existe dans aucune aventure du personnage, alors que Spidey 2099 a un panel d’adversaires vraiment intéressants. Ces légères déceptions n’ont néanmoins pas d’incidence sur le plaisir évident. L’atmosphère futuriste est très bien rendue, et les poursuites sont frénétiques, comme ces chutes libres durant lesquelles on tente de rattraper des adversaires aériens.


Si ces deux dimensions resteront bien plus en mémoire que les autres, chasser Kraven dans la jungle est un vrai bonheur. L’ambiance ultimate est par contre moins réussie, et ces niveaux rappellent trop la dimension amazing pour réellement laisser un souvenir. Mais le dynamisme de l’ensemble suffit à offrir une expérience de jeu excellente, courte (10 heures maximum), mais au potentiel de rejouabilité très important, ne serait-ce que pour remporter les défis qui ponctuent chaque niveau. Le final réunit efficacement nos 4 héros, alors qu’on pouvait craindre que le spider-man classique se réserve le gros morceau. La construction de ce climax rappelle d’ailleurs l’inoubliable et interdit « Sanitarium » (un des premiers jeux dont le scénario était digne des meilleurs films fantastiques), qui voyait son final donner la possibilité au joueur d’incarner toutes les facettes du héros pour accomplir sa destinée. Ce dernier baroud d’honneur permet de dire au revoir à ces hommes araignées, qu’on n’aura peut être pas le plaisir de tous réincarner dans un jeu vidéo, à moins que le succès de cet opus ne convainc les éditeurs de réexploiter le potentiel des univers noir et 2099.


« Spider-Man : shattered Dimensions » est un jeu très réussi, qui marque une rupture avec les recettes toutes faites et bénéficie d’une véritable identité. On prend beaucoup de plaisir, et Miguel O’Hara se voit enfin offrir la publicité qu’il mérite ! Tous les fans devraient se jeter sur l’occasion !

mercredi 17 novembre 2010

Silent Hill 2

Dès la sortie de son film "Silent Hill", le réalisateur Christophe Gans avait annoncé qu'il prévoyait une suite. Le projet a été gelé un moment, mais on vient d'apprendre que Michael J. Basset, responsable entre autre du très sympathique film d'horreur "La Tranchée" (avec Jamie Bell, acteur de Billy Elliot et interprète du futur Tintin), et de l'adaptation de "Solomon Kane". Habitué aux ambiances surnaturelles, et s'appliquant à travailler ses personnages, Basset semble un choix pertinent. Reste à voir comment il va adapter le scénario du jeu "Silent Hill 3" avec les éléments d'intrigue laissés en suspens ) la fin du premier film. L'artiste explique que comme Christophe Gans, il tient à conserver l'ambiance et le design des jeux, ce qui est déjà une bonne nouvelle. Il insiste également sur sa volonté de faire un film réellement effrayant, ce qui faisait défaut au premier opus d'ailleurs, et son parti-pris est de développer ses personnages autant que possible, indispensable pour un Silent Hill. Cette annonce d'un deuxième filmn prévu pour 2011, est donc l'occasion idéale pour rédiger un avis sur le deuxième jeu de la saga!

2 ans et une génération de console plus tard, ce sont les modalités nécessaires pour donner une suite au hit de konami sorti en 1999 sur playstation. Encore que suite ne soit pas le terme approprié, puisqu’on ne retrouve aucun des protagonistes du premier jeu. Tous les opus ne sont pas indépendants, d’ailleurs les références sont nombreuses dans la saga, mais s’il y a bien un personnage récurrent, c’est bien la ville en elle-même (alors qu’on ne s’y rend pas réellement dans « Silent Hill 4 : The Room »). Graphiquement, « silent Hill 2 » est inévitablement plus impressionnant que son ainé, quelque soit le support de jeu. On se sent davantage en terrain connu dans ce lieu qu’on a visité de long en large quelques années auparavant, pourtant, la situation d’être perdu est toujours présente.




Nouveau protagoniste, nouvelle histoire, mais l’ambiance est tout à fait dans l’esprit de ce qu’avait initié le premier jeu. Il est une fois de plus question de retrouver un être cher. Notre héros, James Sunderland a en effet reçu une lettre de son épouse qui lui demande de la retrouver à Silent Hill. Rien qui sorte de l’ordinaire… si l’aimée Mary n’était pas décédée trois ans auparavant. Intrigué, conscient qu’il est impossible qu’elle lui ait écrit, tout en étant persuadé qu’elle est l’auteur du courrier, James va s’enfoncer dans l’inquiétant brouillard de Silent Hill, à la recherche d’une vérité qui ne se dévoilera que dans la douleur.

Car comme tout épisode de la saga, ce deuxième opus est construit autour d’une intrigue dont l’émotion est la colonne vertébrale. Véritable plongée dans les regrets et les remords, le récit est plus symbolique que linéaire. Quelle que soit la conclusion que l’on obtiendra, il ne faudra pas s’attendre à pouvoir interpréter clairement les événements. Pour commencer, on sera amené à croiser d’autres individus en quête d’identité, de souvenirs, de vérité, et tant leur quête que leur existence peut être discutée. Le director’s cut offre notamment la possibilité d’interpréter Maria, jeune femme que l’on croisera à plusieurs reprises dans la quête principale. Ce mini scénario ne donnera pas beaucoup plus de clés, mais permettra d’approfondir certains questions, voire d’en développer de nouvelles, tout en donnant l’opportunité de passer une petite heure de plus dans de sinistres décors, hantés par des émotions encore vives.




Visuellement, le jeu ne possède pas l’éclat d’un troisième épisode qui vieillit extrêmement bien. Pourtant, l’aspect esthétique est suffisamment réussi pour qu’on se sente plongé dans cette visite fantasmagorique. Le brouillard est très présent et permet à certaines créatures de se tapir sans qu’on se sente étouffé comme dans le troisième jeu. L’accent est d’ailleurs nettement moins mis sur l’action que dans ce dernier. Ce n’est pas tant la fuite face aux créatures qui compte que la fuite en avant dans des lieux dénués de vie et pourtant si vivants. Malgré leur abandon manifeste, la mélancolie qui les habite ne trahit jamais la vie perdue, la vie volée, comme la découverte d’un cadavre mutilé dans son fauteuil. L’horreur est omniprésente, mais jamais gratuite, et jamais aussi effrayante que lorsqu’elle s’exprime dans un registre réaliste.




Car ce qui fait peur, c’est bien le poids des non-dits, des secrets. Bien sûr, on sursaute parfois en entendant un bruit étrange, en voyant une créature surgir, mais ces éléments de surprise sont éphémères, alors que la qualité de l’histoire pèse encore longtemps après avoir terminé le jeu. L’ensemble de l’intrigue n’est peut être pas aussi recherché qu’on pourrait le croire, certains éléments mériteraient largement d’être davantage développés, mais l’idée générale et la conclusion font de « Silent Hill 2 » une expérience intense et éprouvante, pleine de pudeur et de sensibilité. Les personnages sont touchants, car leurs problèmes sont crédibles, et parlent au joueur. Voyage psychologique, le jeu bénéficie d’un symbolisme très appuyé, et exploité avec beaucoup d’imagination, comme en témoigne l’apparition du personnage le plus apprécie de la série, le terrorisant pyramid head, dont les origines sont bien plus complexes qu’on pourrait le croire. Une référence à Walter Sullivan, personnage mystérieux au centre de « Silent Hill 4 : The Room » est non seulement appréciable (difficile de savoir si les scénaristes avaient déjà prévu d’exploiter ce personnage dans un nouveau jeu), mais montre aussi que l’histoire de Pyramid Head ne peut se résumer à sa seule poursuite de James Sunderland.Car si l’action n’est pas omniprésente, on a droit à quelques scènes d’anthologie, en particulier une poursuite dans un couloir aussi tortueux qu’étroit.



Relativement court, « Silent Hill 2 » est un jeu qu’on recommence avec plaisir, pour découvrir d’autres fins et apporter un éclairage nouveau au destin de James. A ce titre, les fins multiples ne changent pas le regard que l’on portera sur l’histoire ni sa compréhension, mais proposent des issues différentes. Dans tous les cas, l’émotion est au rendez-vous, et la qualité de l’écriture ne se dément jamais.

Si « Silent Hill 2 » est considéré par beaucoup de fans comme le meilleur épisode de la série, c’est justement grâce à ses qualités d’écriture, à son atmosphère mélancolique, et à son émotion réelle. Une réussite qui hante, longtemps apèsl'voir terminée, dont seul les graphismes vieillissent, et une expérience à vivre à tout prix.